Retrouvez l’actualité des littératures de l’imaginaire (Science-Fiction, Fantastique, Fantasy, et autre) ainsi que des interviews de celles et ceux qui les construisent.

Conséquences d’une disparition de Christopher Priest

, ,

Conséquences d’une disparition  est le dernier roman de Christopher Priest, paru chez Denoël en septembre. Alors, à la lecture du quatrième de couverture, on pourrait penser qu’il s’agit d’un nouveau roman autour des événements du 11 septembre, et c’est peut-être partiellement le cas, ou peut-être pas. Le coeur du roman est pour moi clairement la confrontation entre les faits (qui ne sont en théorie pas négociables), la façon dont ils sont perçus et ce qu’il en reste. Ce qui se résume in fine par le théorème de Thomas, cité dès l’amorce du roman :

Si des gens définissent des situations comme réelles, alors elles sont réelles dans leurs conséquences. Autrement dit, c’est l’interprétation d’une situation qui détermine l’action.

Alors, le personnage central de notre intrigue est le journaliste Ben Matson, un journaliste scientifique, qui a perdu sa femme Lilian dans les attentats qui avaient secoués les Etats-Unis le 11 septembre 2001 mais sans que son corps ne soit retrouvée ce qui fait que, de nombreuses années après, Ben n’arrive pas faire son deuil. Il a pourtant refait sa vie avec Jeanne, ayant rejoint l’Ecosse mais rien y fait quelque chose le chiffonne… Et s’il avait tenté de tourner malgré tout la page, la mort du mathématicien Tatarov, qu’il a rencontré deux fois, fait resurgir ces événements.

Ce qui est étonnant dans ce roman, c’est cette capacité de Christopher Priest a marché sur un fil, un fil qui nous renvoie à notre perception et par voie de conséquence à notre compréhension des événements. Dans la vitesse de l’information et la succession des images, Christopher Priest nous montre un certain nombre de faits qui devraient nous mener à questionner les thèses officielles, sans pour autant tomber dans le conspirationnisme. Des questionnements réels qui peuvent amener à prendre de la distance en essayant de mettre un peu de rationalité, là où le traumatisme a pour conséquence de ne s’appuyer que sur l’affectif. Un australien, croisé par Ben, sera le premier à lui instiller le doute en donnant son avis d’architecte sur la chute des 2 tours, une autre de ces interrogations concernant la troisième tour qui s’est effondré et dont il est peu question (Voir un article ici)

Elles tombent mais ne s’effondrent pas. Elles ne peuvent pas. Les tours ont été construites de façon à soutenir un impact frontal avec un Boeing 707 en pleine charge.

Et c’est bien là que le bas blesse : alors même que la volonté de Christopher Priest n’est absolument pas de tomber dans ce mode conspirationniste, il choisit en Ben de mettre en avant la recherche de la vérité, une forme de fact-checking, pour simplement comprendre ce qui s’est vraiment passé. Il ne propose à aucun moment une réponse à la question, ce qui est d’ailleurs un peu frustrant, et j’avoue que sur chaque élément qui est communiqué, on pourrait se poser la question de notre crédulité face à l’information ou peut-être une simple volonté de ne pas trop se questionner.

La citation en-dessous montre bien la problématique de cette recherche de vérités : s’interroger sur les événements placent forcément ces chercheurs de vérité dans la case des asociaux alors que, paradoxalement, et c’est un des points qui est mis en avant dans le roman, en donnant l’éclairage complet sur cette journée, les théories du complot se verraient définitivement remises en cause.

Ce semblait être trahir les victimes, trahir la nation, que de soulever des interrogations quant à ce que tout le monde pensait avoir vu à la télévision. Il devait acquis que le doute était du domaine des asociaux, des groupes aux idéaux révolutionnaires, des adeptes des théories complotistes. L’explication officielle était patriotique – c’était une histoire américaine.

Pour conclure, il faut noter que l’auteur se désolidarise partiellement de la démarche de son narrateur, tout en insistant sur la nécessité du travail de recherche de la vérité.

Et dans un ton un peu plus léger, Christopher Priest s’est positionné contre le Brexit puisque dans ce futur proche, l’Ecosse a quitté le Royaume Uni pour rejoindre l’Union Européenne.

Un roman que j’ai un peu de mal à classer réellement dans les littératures de l’imaginaire, ou alors de façon très légère.
Cela n’enlève en rien le fait que cet un sacré récit !

Lunes d’Encre (13 septembre 2018) – 335 pages – 21.50€ – 9782207141663
Traducteur : 
Jacques Collin
Titre Original : An american story (2018)
Couverture : Aurélien Police
2000. Ben Matson noue une relation passionnée avec Lilian Viklund. Il ne le sait pas encore mais, dans moins d’un an, la jeune femme aura disparu.
Plus de vingt ans après, le décès de Kyril Tatarov, un scientifique de renom que Matson a jadis interviewé, fait la une des journaux, alors que les débris de ce qui ressemble à un avion sont retrouvés dans l’Atlantique, à une centaine de miles des côtes américaines. Ces deux événements, a priori sans rapport, replongent inexorablement Ben dans les souvenirs de son histoire avec Lil. Se pourrait-il qu’il y ait un lien entre la disparition de la jeune femme, celle de Tatarov et celle d’un avion inconnu? Et le monde que nous connaissons serait-il en train d’en subir les conséquences? 


Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.