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Rocky, dernier rivage de Thomas Gunzig

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Du côté du Diable Vauvert, cette rentrée littéraire est aussi sur la thématique du post-apo avec le nouveau roman de Thomas Gunzig Rocky, dernier rivage. Si la thématique a réellement le vent en poupe, le traitement qu’en fait l’auteur bruxellois est originale et nous la présentera sous un angle plutôt original.

Une famille et une île

Fred a plutôt réussi sa vie professionnelle et a ainsi eu la chance de pouvoir mettre à l’abri du besoin sa famille, qui se compose de sa femme Hélène et de ses deux enfants Alexandre et Jeanne. Leur vie sociale était plutôt pas mal, et ils n’avaient aucun problème financier. Le seul hic dans cette vie qui aurait pu être parfaite est et restera l’état du monde et la probabilité que les sociétés s’effondrent suite aux problématiques climatiques. Nous n’en saurons pas plus dans le détail sur cette chute du monde, si ce n’est que ce n’a pas du être un moment sympathique.

Ca donnait l’impression de vivre dans un train dont le conducteur aurait sauté en marche. Si les pauvres angoissaient, les plus riches avaient encore un sentiment d’invulnérabilité : le prix des carburants ou du blé pouvait bien flamber, ça ne changeait pas grand-chose pour eux.

Et notre homme d’affaire l’a largement anticipé puisque, quand nous le rencontrons, nous sommes une année après que cette petite tribu se soit installée sur une île, bien loin de la civilisation, pour échapper aux troubles qui frappent toutes les sociétés civilisées. Et quand nous parlons d’anticipation, nous sommes bien loin d’un simple déplacement dans un lieu dénué de confort : Fred a mis une grande partie de ses moyens dans l’équipement, au travers d’une société spécialisée, de l’île de façon à ne pas revivre ce qu’aurait pu supporter Robinson Crusoé et son comparse Vendredi.

Tout est fait pour que la famille puisse vivre une fin du monde heureuse : la maison est suréquipée, chacun des membres de la famille bénéficiant d’espaces de vie vaste ; les réserves de nourriture et de boissons leurs permettront de survivre bien au-delà de leur espérance de vie ; les moyens informatiques ont été mis en place pour que tout à chacun puisse accéder aux différents éléments culturels (Films, musiques, jeux vidéos et littératures) de façon permanente et avec le catalogue le plus large qui a probablement jamais existé.

La “nature humaine”, ce n’était pas quelque chose de compliqué, c’était la traduction de l’urgence éternelle de sauver sa peau et, pour y parvenir, entre le choix du long terme et celui du court terme, de toujours préférer le second.

On rajoutera que Fred a aussi pensé à s’attacher les services d’un couple pour s’occuper des travaux et des tâches ingrates : Ida et Marco étaient déjà présents sur l’île au moment de l’arrivée du couple et de ses enfants. Il semble donc que tout est fait pour que chacun et chacune puisse vivre une joyeuse fin du monde.

Une rupture sociale difficile…

En tout cas pour les deux enfants qui semblent avoir bien du mal à accepter de se retrouver loin de tout, de tout le monde et surtout de se retrouver dans une forme d’isolement, privés tous deux de leur adolescence. On pourra bien sûr faire un parallèle assez facile avec ce que nos adolescents ont pu vivre durant leur confinement, même si la situation décrite par Thomas Gunzig est plus violente, avec la disparition des réseaux sociaux et autres.

Alors nous suivons, et c’est là le principal intérêt de ce roman, l’évolution de chacun des membres de la famille dans un environnement qui devrait leur donner toute satisfaction. La rupture de l’accès à la société dans son ensemble et l’isolement social de façon globale, a pour conséquence de recentrer chacun sur ce qu’ils sont et ce qu’ils ont fait, tout en questionnant sur la société qu’ils ont quitté.

l’idée d’un complot aussi angoissante soit-elle n’était jamais aussi terrifiante que l’idée selon laquelle tout ce qui se passait n’avait aucun sens;

Fred reste très ancré dans son succès et dans ce qu’il a permis à sa famille d’atteindre, semblant dans le même temps être très critique vis-à-vis du manque de reconnaissance de sa femme et ses enfants. Hélène revoit de son côté sa vie et regrette un certain nombre ce choix qui l’ont mené jusqu’ici. Les enfants n’ont qu’une envie, repartir sur la terre ferme quoi que cela implique.

Après nous avoir présenté cette île et tous ces bénéfices pour survivre, nous comprenons vite que ce monde utopique s’effrite de partout, les voix commencent à s’exprimer et le propos devient grinçant… Jusqu’à reproduire dans ce contexte très intime une lutte des classes dont l’issue est étonnante.

Véritable huis-clos, Rocky, dernier rivage est un roman à ne pas rater en cette période post-été et pourra faire réfléchir sur une solution qui serait plus d’éviter la fin du monde que de se planquer si elle avait lieu 🙂

Au Diable Vauvert (31 août 2023) – 20 € – 356 pages – 9791030706055

Parfois, das ces mometns, quand ila vait pris un verre de vin et qu’une très légère ivresse arrondissait les angles de son esprit, il oubliait que le monde avait disparu.


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