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Ereshkigal d’Oksana et Gil Prou

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En ce début d’année, Oksana et Gil Prou nous proposent deux textes dans la collection Rivière Blanche de Black Coat Press. Des récits très différents, un dans la collection “blanche” Soliloquium in Splendor et l’autre Ereshkigal dans la collection noire. Le récit qui nous est proposé est déroutant à plus d’un titre, mais on en parle tout de suite…

Un peu d’histoire européenne du XIVème siècle…

Le roman commence par nous planter le décor avec le contexte historique de l’époque à savoir que l’Empire Mongol s’est étendu jusqu’aux portes de l’Europe, sous la direction de Gengis Khan et de ses descendants. L’Empire se divise désormais en 4 régions dont la Horde d’Or, sous la direction des descendants de Djötchi, fils aîné du terrible empereur.

En 1346, l’armée de la Horde d’Or, sous le commandement de Djanibeg, sont en train de faire le siège du port de Caffa, protégé par une double enceinte infranchissable. Les soldats n’arrivent pas à être décisifs et sont de plus en plus affaiblis par la Peste qui ravage leurs effectifs. C’est alors que Djaghataï suggère au Kahn de catapulter par dessus les enceintes des pestiférés de façon à affaiblir la population assiégée. Ce que cela implique est effrayant et, malgré cette ruse, les mongols ne réussiront pas à remporter leurs victoires.

Abandonnant le port, ils seront néanmoins responsable de la deuxième pandémie de peste qui a ravagé l’europe au XIVème siècle, les marchands de ses ports transportant des rats infestés du puces, vectrices de peste, dans les cales des bateaux et donc in fine dans les plus grands ports. Ces faits sont des faits historiques, même si les historiens pensent probables que la peste aurait quand même durement frappée sans cela.

… avant de découvrir nos deux personnages

C’est dans ce contexte, et 6 ans après le siège de Caffa que nous retrouvons Djaghataï, enfermé dans une grotte, avec de nombreux autres détenus. L’état du fier soldat s’est largement dégradé et le poids de son action pèse sur son moral. Il a conscience d’être responsable de la mort de plusieurs millions d’innocents et n’attend qu’une chose : mourir. Mais il entendra le cri d’une femme, en l’occurrence Palmyris, dont la souffrance fait largement écho à la sienne.

… l’être humain est capable d’abominations qui dépassent l’entendement. Il avait vu des atrocités innommables lors des combats auxquels il avait participé. Il connaissait les tortures les plus barbares. Les plus raffinées aussi. Celles qui prolongeaient l’agonie du supplicié pendant des heures. Celles qui rendaient fou. Celles qui faisaient honte à l’humanité. Il avait lui-même imaginé le geste monstrueux qui avait largement propagé la peste à travers toute l’Europe. Il était donc expert en horreur.

Rapidement, les deux âmes damnées, pour deux raisons différentes, se trouveront et pourront ensemble tenter de surmonter les tourments qui les accablent. D’autant plus qu’une voix leur demande de se relever pour tenter de fuir !

Nous allons pouvoir suivre leurs combats, essentiellement pour trouver un sens à leur tourment dans ce roman. La relation qui va se nouer entre les deux personnages, l’un bourreau et l’autre victime, est étrange et montre la capacité de résilience de deux humain·e·s confronté·e·s au pire de l’humanité.

Car le récit est violent, sans aucune concession et les scènes de torture succèdent aux scènes d’exécution. Rien ne nous est caché de l’envers des guerres qui ont frappé cette zone. La résilience des personnages est de mon point de vue le sujet principal de ce récit, et c’est avec beaucoup d’intérêt que nous allons suivre leur évolution tout au long de leurs réflexions.

Pour la dimension fantastique, elle reste finalement anecdotique : une voix qui leur demande d’agir ou de réagir à votre convenance, pour se libérer. Ces voix pourraient tout aussi bien être un rêve, une hallucination plutôt qu’une déité qui chercherait à interagir. Mais cela n’est finalement pas si grave, et, bien que j’étais plutôt curieux de savoir comment le fantastique allait s’inviter dans la narration, j’ai bien accroché à la dimension historique et à l’évolution des personnages…

Reste qu’à certain moment, ces détails historiques et la volonté de partager des connaissances prennent une place ralentissant l’histoire en elle-même, comme, par exemple, cette citation de Roger Caillois, écrivain du XXè siècle qui tombe comme un anachronisme dans ce récit se situant au XIVème. Cela reste anecdotique.

Je vous invite à y faire un petit tour à l’occasion 🙂

Black-Coat Press (Mars 2023) – Rivière Blanche – 250 pages – 20 € – 9781649322005
Couverture : Lilian Liu

Été 1352, l’épidémie de peste noire qui vient de dévaster l’Europe s’achève enfin. Damnés du Ciel et de l’Enfer, Palmyris et Djaghataï sont confrontés à l’horreur absolue. La première en tant que victime, le second en tant que bourreau. Venues des ténèbres, d’étranges créatures hexadimensionnelles les invitent à se sublimer par le biais d’une hallucinante alchimie. Deux destins tragiques s’unissent alors face aux pires barbaries qu’une humanité scélérate puisse imaginer. De ce cloaque naquit une étrange lumière prodiguée par le soleil noir qui rayonne au firmament du royaume de la déesse des enfers. L’antre d’Ereshkigal…


2 réponses à “Ereshkigal d’Oksana et Gil Prou”

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