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Interview avec Eli Esseriam


A l’occasion de la sortie du deuxième volume d’Apocalypsis, qui comprendra au total 5 volumes, nous avons pris un peu de temps à son auteur, Eli Esseriam, pour poser quelques questions.
Une occasion unique de voir l’auteur derrière le texte et d’apprendre un peu plus sur un cycle qui se révèle passionnant.
Vous pouvez retrouver les chroniques sur les deux premiers cavaliers de l’Apocalypse, Alice et Edo.

Allan : Bonjour Eli, et merci d’avoir accepté de répondre à nos quelques questions. La première est assez classique et te demandera de bien vouloir te présenter à nos visiteurs qui ne te connaissent pas encore ?

Eli : Je m’appelle Eli Esseriam et je viens de publier les 2 premiers tomes d’une série fantasy aux editions Matagot Nouvel angle. Je suis aussi infirmière en psychiatrie, j’ai 28 ans pour quelques semaines encore, j’habite chez mon chat et je fais un filet mignon de veau aux girolles très correct. C’est là l’essentiel à dire de moi…

Allan : L’écriture est-elle naturelle pour toi et comment s’est passé ton premier contact avec le monde de l’édition ?

Eli : Je ne sais pas si l’écriture m’est naturelle, elle l’est en tout cas plus que tout autre mode de communication… Mon premier contact avec l’univers littéraire s’est fait miraculeusement, grâce à Fred Ricou, mon conseiller artistique/agent/frère de fortune. En faisant connaissance, nous nous sommes découvert des penchants communs et un regard assez similaire sur le monde du livre. Il est le créateur du très bon site leshistoiressansfin.com, qui est aujourd’hui une vraie référence pour tout ce qui touche à la littérature jeunesse. Il m’a proposé un job de chroniqueuse, que j’ai accepté avec un bonheur sans égal. Il a su me convaincre de lui montrer les textes d’albums que j’écrivais à l’époque et m’a longtemps encouragé à écrire pour les adolescents, ce qui ne m’intéressait alors pas le moins du monde… Voilà pour la genèse d’Apocalypsis.

Allan : Je vais poser maintenant une question qui peut fâcher 🙂 : n’est-il pas « tendance » d’écrire sur la fin du monde cette année et de quelle façon cette fin du monde annoncée a-t-elle été un « accélérateur » d’idée ?

Eli : C’est peut-être tendance, effectivement, mais c’est aussi, en contrepartie, extrêmement casse-gueule. Le sujet étant maintes et maintes fois exploité, sous cent aspects différents, le risque est de lasser avant même d’avoir pu réellement susciter un véritable intérêt. Proposer quelque chose d’un peu neuf, lorsqu’on ne parle partout que de fin du monde, ce n’est pas si facile…

Allan : Je viens de finir Edo, le deuxième volume d’un cycle après Alice. Et j’avoue que j’ai été bluffé autant par le deuxième que par le premier ; la psychologie des personnages est très bien construite ne tombant ni dans un extrême ni dans l’autre… Dois-je conclure qu’avec Apocalypsis, tu as ramené du travail à la maison ?

Eli : Ah… Il ne suffit pas d’ôter la blouse pour cesser d’être un soignant… L’infirmière que je suis aide considérablement l’auteure que j’essaie d’être, et inversement. L’une et l’autre s’équilibrent parfaitement: la première inspire la seconde et la seconde divertie la première. Je me dis souvent que ce n’est pas facile de gérer de front ces deux fonctions, que ça tend vers une certaine schizophrénie, tout ça. Cela étant, je serai très bancale si je devais renoncer à l’une d’elles. Peu importe laquelle.

Allan : Quand je dis que la psychologie est soignée, c’est dans la mesure où nous partons avec un a priori plutôt négatif que ce soit vis-à-vis d’Alice ou d’Edo, ne voyant que le côté marginal et la « déshumanisation » (ils ne sont pas tendres envers les hommes). Pourtant, petit à petit, nous – comme eux – vont découvrir leur part d’humanité : était-ce important de leur faire découvrir aussi tard cette part de « lumière » ?

Eli : Je ne sais pas si c’était important mais je crois à l’apprentissage des choses, au temps, à l’expérience. Je pense qu’on ne sait jamais rien, ou pas grand-chose, surtout sur soi-même et que le but de toute une vie, c’est de découvrir qui l’on est. De se construire, se recréer. Effectivement, Alice et Edo ne sont pas tendres. Mais ils sont entiers dans leurs défauts, vrais dans leur imperfection totale. Ils ne font jamais semblant et c’est ce qui génère autant d’inimité et de turbulence autour d’eux. Quand on est adolescent, “enfulte”, on peut être terriblement dur, cynique et manichéen. Violent. On doute rarement, on a des convictions, des certitudes. On croit qu’on sait tout, qu’on peut tout, qu’on fera tout. C’est à la fois assez grotesque et très très beau. Ce n’est qu’après qu’on comprend. Et qu’on se dirige lentement vers la tempérance et la douceur. A la fin de leurs tomes respectifs, c’est là qu’en sont Alice et Edo.

Allan : D’ailleurs, ce qui est intéressant est que nous partons avec le verre à moitié vide et arrivons avec le verre à moitié plein : l’Apocalypse est souvent vu comme la fin du monde, et finalement ton axe est de dire qu’ils doivent sauver 144000 âmes : volonté de prendre à contrepied la vision la plus largement partagée ?

Eli : Volonté surtout de me pencher sur cette atroce question du choix, de la possibilité de ne pas faire partie des élus. C’est encore plus cruel qu’une apocalypse totale et absolue, cette histoire de 144 000 âmes sauvées. ça oblige à s’interroger, se remettre en question, faire un bilan honnête de nos actions, de nos intentions. C’est très compliqué. Et puis 144 000, sur l’Humanité toute entière, c’est rien ou quasi, ça soulève des interrogations torturantes. L’éternel “pourquoi lui et pas moi?”. Si l’on considère les choses sous cet angle, je crois que je vide plutôt le verre, non?

Allan : Nos deux premiers « héros » sont amenés à sacrifier leur vie : n’avaient-ils pas déjà assez souffert ?

Eli : Tous ceux qui savent aimer correctement et vivre vraiment souffrent beaucoup, j’ai l’impression. Grandir, c’est très douloureux en soi. ça implique un tas de deuils, de désillusions, de déceptions amères. Il n’y a rien de plus dur que quitter l’enfance. On en reste à jamais nostalgique. Eux, qui ont eu une enfance si particulière, qui auront un avenir à ce point spécial, ils ne pouvaient que souffrir. Parce qu’être différent, à part et seul, ça fait très mal. Même quand on possède une intelligence folle ou une force extraordinaire. Rien, au final, n’est aussi doux que la normalité. C’est un sentiment qu’on peut connaitre sans pour autant être un cavalier apocalyptique, je crois…

Allan : A quoi devons-nous attendre avec les deux prochains (Maximilian et Elias prévus pour Mai) ?

Eli : Eh bien, à ça précisément. Max et Elias sont des personnages complets: nuancés, extravagants et authentiques. Ils passent par toutes les émotions, se perdent un peu dans leurs contradictions, s’esquintent au cours de leur quête identitaire.
Max est obsédé par l’idée de ne pas avoir de véritable personnalité, bien à lui. Il est terrifié à la pensée que personne ne l’aime tel qu’il est, ou pour qui il est. Et ce, bien qu’il passe la quasi totalité de son temps à se faire passer pour un mégalo arrogant et sûr de lui.
Elias a une opinion de lui qui ferait passer le plus grand complexé de la planète pour un type bien dans sa peau. C’est un terroriste de la tristesse, un malheureux de compétition. Il est extrêmement sensible et attentif à tout. Il est surtout foncièrement bon.

Allan : Ce choix de les faire rencontrer si tard (chacun des titres les présente séparément) s’imposait-il ?

Eli : Pour moi, oui, absolument! Je sais que certains s’en agacent et s’impatientent mais je trouvais important qu’Apocalypsis ne se résume pas à la description d’un groupe d’êtres prophétiques. J’avais envie de raconter des histoires d’individus, de familles, d’amitiés et de rencontres. Parler de la vraie vie, ou presque, en somme.

Allan : Le dernier volume représentera donc l’Apocalypse : avons-nous une chance de le lire avant la vraie fin du monde ?

Eli : C’est prévu pour, en tout cas…

Allan : Mis à part la poursuite de ce cycle, as-tu d’autres idées d’écriture ?

Eli : Oui et non… Des idées, on en a tous, mais la vraie, la bonne, c’est autre chose. C’est un peu comme le Prince charmant: on peut passer sa vie à l’attendre… Alors je m’arme de patience. Pour l’idée, pas pour le Prince, attention !

Allan : Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

Eli : Que tout continue comme ça, j’imagine. Qu’Alice énerve encore beaucoup de monde, qu’Edo séduise de nouvelles lectrices… Que Max et Elias soient bien accueillis, chacun à leur façon. Et qu’un jour, je trouve un nouveau projet qui m’habite autant que ces quatre-là ont pu le faire, et le font encore. Et qu’on se retrouve pour en discuter, tous les deux !

Allan : Je te laisse le dernier mot 🙂 :

Eli :  Un seul? Alors ce sera “merci”!
 


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