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Interview de Jaroslav Melnik

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Invité aux Utopiales 2020, un créneau d’échange avait été planifié pour que nous puissions échanger sur les deux parutions de l’auteur-philospohe à savoir Espace Lointain paru aux éditions Agullo et réédité il y a quelques semaines ainsi que Macha ou le IVème Reich paru l’an passé aux éditions Actes Sud.

Le deuxième confinement aura eu raison de l’événement mais pas de notre échange, effectué donc pas email. Jaroslav a eu la gentillesse de répondre à mes (nombreuses) questions, en français, et nous permet de mieux percevoir comment s’inscrivent ses deux romans dans notre contexte actuel.

Si certains propos ne manqueront pas de faire réagir certain.e.s d’entre vous, dans un sens ou dans l’autre, ces échanges m’ont en tout cas permis de découvrir une vision différente sur les choix effectués durant cette période compliquée. D’accord ou pas d’accord, à vous de le dire (avec bienveillance, cela s’entend) : pour ma part, j’attends avec impatience de découvrir les prochains écrits de l’auteur, tout en ne partageant pas nécessairement la même analyse 🙂

Bonjour Jaroslav, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je suis un écrivain et philosophe qui écrit une prose surréaliste et fantastique. J’habite en Lituanie, mais avant la pandémie, j’ai beaucoup vécu en France.

J’ai publié plus de dix livres, ce sont des romans dystopiques et des recueils d’histoires fantastiques et surréalistes. Le thème central de mon travail est la liberté de l’homme et le chemin vers son asservissement. Mes parents étaient prisonniers du Goulag, ils se sont rencontrés là-bas, alors La Croix m’a appelé un jour «fils de Staline».

Jusqu’à présent, trois de mes romans ont été publiés en France. Le roman Espace lointain (Agullo édition) a été nommé meilleur roman de l’année dans la catégorie Imaginaire par les libraires de France et des pays francophones (Prix Libr‘a nous 2018) et a été republié par le Livre de poche. En 2020, Actes Sud a publié mon nouveau roman dystopique Macha, ou le 4e Reich.

Malheureusement, en raison de l’impopularité du genre dans votre pays, les recueils des récits n’ont pas encore trouvé d’éditeur. Par contre, ils ont reçu plus d’une dizaine de critiques positives en Angleterre où ils ont été publiés (notamment le livre “The Last Day”) : le livre a été finaliste du prestigieux prix Rubery International Book Award. Dans un proche avenir, mon nouveau roman Un oiseau se nourrissant de lait (titre provisoire) sur un homme qui vivait dans le ciel devrait paraître en France

Vous êtes en même temps philosophe et écrivain : comment concilie-t-on les deux ?

La vérité peut être exprimée de plusieurs manières : à travers des concepts et à travers des images. Je suis plus connu comme écrivain que comme philosophe. Mais c’est parce que l’écrivain a un public plus large. Je ne sais pas à quel point j’ai réussi à maîtriser l’art de réconcilier la sensibilité et l’intellectualité dans un texte, mais mes œuvres philosophiques et ma prose sont un processus créatif indivisible. Les pensées et les émotions sont tout aussi importantes pour moi. Quand j’écris de la prose, le philosophe en moi s’éteint, sinon mes personnages parleraient en concepts et ce serait terrible. Je n’ai pas un seul héros dont la profession serait celle de philosophe. Cependant, lorsque j’écris de la prose, j’ai une vision philosophique latente de la vie.

Si vous vous intéressez principalement à l’être humain en tant que tel, si vous écrivez une prose existentielle, vous êtes forcément un philosophe. Mes livres traitent de choses telles que la vie et la mort, la liberté et la sécurité, la vérité et le mensonge, Dieu, le sens de la vie … Pourquoi tout cela est-il important pour moi ? C’est parce qu’en observant la réalité, j’y ai pensé toute ma vie. En écrivant mes livres, je veux avant tout me comprendre moi-même, qui je suis. Et pour cela, je dois comprendre dans quel genre de monde je vis. Les critiques parlent de “l’intellectualité cachée” de ma prose, malgré le fait qu’il y ait beaucoup de sentiments et de cœurs … Je vois la vie comme une métaphore, comme un symbole

Pour ma part, j’ai eu l’occasion de lire deux de vos titres en français : Espace Lointain chez Agullo et Macha ou le IVè Reich chez Actes Sud. Comment présenteriez-vous Espace Lointain ?

C’est mon roman le plus célèbre en Occident aujourd’hui. Il a reçu le BBC Book of the Year Award en 2013 et le prix Libr’a nous du meilleur roman de l’année 2018 dans la catégorie “Imaginaire“ en France. Il s’agit d’un roman sur le monde des aveugles, qui, contrairement à nos aveugles, ne savent pas qu’il existe une autre réalité, le monde de la lumière et des couleurs, le monde de la nature et de l’espace lointain. Un jeune homme a commencé à voir le monde et à en parler. Il a été déclaré fou et les autorités ont décidé de le traiter pour «hallucinations de l’espace lointain»

J’ai trouvé qu’Espace Lointain était un reflet, exagéré bien sûr, de notre société : les lois et les règles imposées par nos gouvernements semblent faites pour nous aveugler. Le roman de SF est-il pour vous un moyen de mettre en avant les travers de notre société ?

Comme je l’ai dit, quand j’écris, je ne pense pas aux problèmes sociaux, à la société … Je vois juste des images. Je vois cette métropole-gratte-ciel monstrueuse, laissant derrière elle les nuages. Je vois sa terrible apparence, je vois du fer, de la saleté comme mon héros qui a retrouvé la vue. Mais les gens qui y vivent n’y voient rien.

Oui, quand les critiques ont commencé à dire que c’est une métaphore de notre société et que ce roman est prophétique, j’ai aussi commencé à voir une métaphore dans mon roman. Mais au départ, je n’y ai pas pensé. Et c’est bien, Et c’est bien, sinon j’aurais obtenu quelque chose d’artificiel, de faux, si je partais du désir de créer une sorte de métaphores, de symboles, d’illustrer des thèses philosophiques préliminaires … Je ne fais jamais ça.

Je ne peux pas imaginer de me fixer certaines tâches avant de commencer à écrire un roman comme disons: «Je dois avertir la société du danger». Il me semble qu’un écrivain qui s’assoit pour écrire un livre avec une telle pensée ne peut pas être un véritable écrivain.

Une autre chose est que plus tard, son roman peut sembler prophétique …

Mais revenons à votre question sur la pertinence du roman pour notre société, notre époque … Du coup, le roman a repris de l’importance avec le début de la pandémie. Etonnamment, nous nous retrouvons tous maintenant dans la situation de Gabr, alors que nous étions fermés dans la Mégapole, dans nos «bunkers», dans «l’espace proche». Et «l’espace lointain», métaphore de la liberté, nous est resté inaccessible.

On nous apprend à vivre dans un «espace rapproché», peu importe la raison, par laquelle ils expliquent la transformation de notre vie en camp de concentration … On ne peut pas sortir de la ville ! Et pour quitter l’appartement, vous devez avoir un “permis”. Si vous y réfléchissez, alors nous sommes dans un monde complètement fantastique de folie absolue, et tous les efforts sont déployés pour nous convaincre que c’est “normal”, que, malgré la protestation intérieure intuitive, qui est tout à fait naturelle pour un être libre, il est nécessaire d’accepter une “nouvelle norme”. La même logique ne prévalait-elle pas à Auschwitz ? La «nouvelle norme» y a été imposée en supprimant la volonté d’une personne.

Cependant, peut-être acceptons-nous volontairement cette «nouvelle norme» ? Mais non, ils nous l’imposent, à l’aide de la violence, de la punition … Au fil du temps, une nouvelle créature supprimée se crée, acceptant ce qui lui a été imposé par la force. Elle n’entend plus l’appel de l’espace lointain, l’appel de la liberté, elle a déjà accepté «the new reality». C’est déjà une créature complètement différente, esclave, elle est aveugle … (Du coup je me suis souvenu de la fin de la vie du héros du roman “1984” …).

Gabr était comme tout le monde. Mais il a retrouvé la vue et a vu la réalité telle qu’elle est … L’essentiel est de préserver la capacité de voir, les yeux … Ne vous laissez pas aveugler.

Gabr, le personnage central d’Espace Lointain est en voie de retrouver la vue, et deux choses se passent en même temps pour lui : d’un côté, il découvre ce qu’on lui cachait mais surtout il doit se redéfinir en tant qu’homme… C’est le philosophe qui reprend le pas sur l’écrivain ?

Et bien non. Gabr est juste dans une impasse existentielle typique. L’existentialisme ne voit-il pas le problème principal de l’homme dans le problème du choix ? Dans mon roman, chacune des trois communautés où tombe Gabr (les aveugles, les voyants et les vengeurs qui ont autrefois vu le monde, mais qui ont été aveuglés) a sa propre vérité. Le but d’un vrai écrivain est de montrer différentes vérités, les vérités de chacun. Vous savez, même un tueur a sa propre vérité, malgré le fait que, semble-t-il, ce n’est plus un être humain et il ne mérite pas notre attention. Mais non, il est humain. Dostoïevski a écrit sur lui, sur son âme, tout un roman, «Crime et Châtiment». Pourquoi a-t-il écrit sur un meurtrier bâtard ? Parce qu’il est toujours humain, tant que ses pensées et ses sentiments sont toujours vivants. L’âme humaine est typique Sinon, nous ne pourrions pas comprendre ce que ressent le criminel. Par conséquent, l’art représentant des criminels deviendrait impossible.

Et d’ailleurs, il reste la question de savoir qui doit être considéré comme un criminel. Sous Staline, des dizaines de millions de «criminels» se trouvaient dans le Goulag. Il était interdit d’écrire à leur sujet. Et puis ils se sont avérés être des victimes innocentes …

Un autre aspect nous interpelle : alors qu’il devrait se sentir libéré, on le sent finalement toujours prisonnier… Les hommes sont-ils destinés à rester enfermés dans leurs habitudes ?

Je n’appellerais pas ça des habitudes. Gabr aspire à la liberté, mais il est forcé d’être l’un ou l’autre, et il essaie honnêtement de se retrouver dans un nouveau rôle. Cependant il se rend compte que ce n’est pas lui. Cela ne ressemble-t-il pas à notre vie ? En fin de compte, ce n’était pas sa décision de voir la lumière. Tel est son destin. Après avoir recouvré la vue, il essaie longtemps de s’habituer à son nouveau moi. Et étant devenu une partie de l’élite voyante, il tente de devenir l’un des membres de l’élite dirigeante. Mais rien ne fonctionne. De même, les objectifs des vengeurs qui tentent de détruire le «monde du mensonge» sont loin de lui. Il n’a pas besoin de vengeance pour être libre.

Tout homme cache ce garçon qui était dirigé par sa mère, dépendait d’elle et l’aimait donc plus que quiconque …

À la fin, il semble faire un choix indépendant – il quitte Mégapole, dirige vers de nouveaux mondes, vers un «espace lointain». Et pourtant … même ici, ce n’est pas lui, qui est l’initiateur, mais la femme qui le conduit vers la lumière et la liberté…

Gabr est probablement l’archétype d’un homme indécis et trop réfléchi qui vit en chacun de nous, représentants masculins. Tout homme cache ce garçon qui était dirigé par sa mère, dépendait d’elle et l’aimait donc plus que quiconque …

Ce qui est effrayant à mes yeux est cette propension de la population à accepter cet état de fait : devons-nous comprendre que vous voulez attirer l’attention entre la difficile balance Liberté / Sécurité ?

Encore une fois, ce n’était pas dans mon esprit d’écrire un roman pour illustrer cela et d’autres problèmes sociaux et philosophiques. D’ailleurs, pas un seul critique en Ukraine ou en Lituanie n’a considéré le roman de ce point de vue. Ce n’est qu’en France que les critiques ont unanimement commencé à souligner cet aspect d’actualité du roman.
Et je ne peux pas être en désaccord.

En fait, tous les aveugles vivent en toute sécurité (leur semble-t-il ! Ils ne voient pas l’abîme, où ils tombent parfois quand des quartiers entiers d’une métropole rouillée s’effondrent). Ils sont fournis pour tout. Mais « pour tout » ne signifie que le plus nécessaire.

Comme pour tout le reste, dont une personne pourrait avoir besoin, ils n’ont aucune idée.

Par conséquent, il ne faut pas s’étonner qu’ils «soient d’accord» avec leur situation, avec un manque de liberté, avec un contrôle. Ils sont aveugles ! Alors ils ne voient pas qu’ils sont surveillés.

Rappelons-nous comment ils font l’amour dans un espace ouvert, n’ayant aucune idée de ce que signifie «voir». Mais ils ne savent pas non plus ce qu’est la liberté. C’est pourquoi ils n’en ont pas envie – c’est ça, la base de tout régime totalitaire.

Seul Gabr, commençant à voir, apprit peu à peu ce que c’était, la liberté. L’espace lointain est une métaphore de la liberté, de la beauté, de l’esprit, de Dieu … Ils ne sont même pas conscients de l’existence de telles choses.

Le problème liberté-sécurité est bien plus grave qu’on ne le pense. Soudain, “Espace lointain” a commencé à sembler pertinent dans la situation de la pandémie actuelle. Ceux qui aujourd’hui ont transformé la vie de millions de personnes en une sorte de prison pensent-ils que la vie humaine n’est pas la plus haute valeur ? Savez-vous où se trouve l’endroit le plus sûr, où vous ne serez jamais infecté par aucun virus ? C’est le sous-sol sous votre maison, où vous pouvez vivre le reste de votre vie et ne pas être infecté ! Les gens ont toujours risqué leur vie pour la liberté, et il ne peut en être autrement. Combien de révolutionnaires qui se sont battus pour la liberté sont morts (quel a été le résultat est une autre question).

Une jeune femme, les seins nus, qui brandit un drapeau français, appelant au combat, ne risque-t-elle pas sa vie? Et les soldats au combat qui défendent la liberté de leur pays ? Maintenant, comparez les risques: vous sortez simplement dans la rue …

Pourquoi le gouvernement n’admet-il pas que la liberté est plus importante pour les gens que la sécurité au sous-sol? Que la vie est désormais toujours masquée … De plus, on ne parle pas de la peste, au cours de laquelle la moitié de la population meurt, mais d’un rhume, dont seulement un demi-dixième d’un pour cent périt !

En tant qu’écrivain qui a écrit Espace Lointain, je ne peux m’empêcher de voir comment, par souci de sécurité imaginaire (même le vaccin ne la garantit pas), nous perdons notre liberté. Après l’attentat terroriste du 11 septembre, partout dans le monde, ils ont établi une surveillance totale de chaque citoyen, ont détruit les limites de la vie privée auparavant considérées comme sacrées et intouchables, l’ont privé de cette vie, exactement comme c’était décrit par Orwell (avant cela, la surveillance n’était autorisée qu’après une ordonnance du tribunal, il fallait prouver que la personne représente un vrai danger potentiel !).

Prétendument, pour qu’il n’y ait pas d’attentats terroristes, vous devez accepter que temporairement ils vous surveillent, votre correspondance, vos appels. Il n’y a pas eu d’attentats terroristes de niveau 9/11 depuis longtemps. Et qu’avons-nous aujourd’hui ? Avons-nous retrouvé notre liberté d’anonymat (sans lequel la liberté est impossible en tant que telle !) ?

D’ailleurs, la surveillance que nous subissons, à l’aide des nouvelles technologies, s’est multipliée à plusieurs reprises pendant la pandémie…

Maintenant, il y a un désir de nous enlever même la liberté de disposer de notre corps. De plus en plus on parle d’un passeport sanitaire, de vaccination obligatoire avec des vaccins non vraiment testés (il faut des années, pas des mois pour tester un vaccin sérieusement !), de la restriction de nos droits sacrés à notre propre corps si vous refusez de vous faire injecter un liquide inconnu dans votre corps ! Et si vous refusez d’injecter cela, vous serez conduit dans le ghetto des lépreux.

Les autorités veulent avoir une base de données de l’ADN de chaque personne. L’homme est de plus en plus transformé en animal. Nous arrivons donc au thème de mon autre roman dystopique “Macha ou le IVème Reich “…

Il n’y a pas eu d’attentats terroristes de niveau 9/11 depuis longtemps. Et qu’avons-nous aujourd’hui ? Avons-nous retrouvé notre liberté d’anonymat (sans lequel la liberté est impossible en tant que telle !) ?

Justement, je voudrais parler maintenant de Macha ou le IVème Reich paru aux éditions Actes Sud. Nous sommes dans un monde où un nazisme un peu particulier est en place : vous pouvez nous en parler ?

La race supérieure domine, elle a tous les avantages, la race inférieure sert de main-d’œuvre, de cendres d’Auschwitz pour les champs, pourquoi pas de nourriture après des dizaines de générations ?

Voir une autre personne comme inférieure (elle est plus pauvre, elle est issue d’une classe inférieure, elle est d’une couleur de peau différente, d’un sexe différent, etc.), voilà l’essence même du nazisme.

Et le pire, c’est que le nazisme a sa propre moralité. Il veut faire du bien ! MAIS seulement pour la race supérieure. Quant à la race l’inférieure, par rapport à elle, tout est permis. De la même manière que l’homme s’est tout permis par rapport aux animaux. Tuer un animal n’est pas la même chose que tuer une personne, n’est-ce pas ? Ce n’est pas un meurtre ! Après tout, nous avons besoin de manger ! Animaux. Qu’est-ce que la morale a à voir avec cela, n’est-ce pas ?

Le nazisme a suivi cette voie. Dans mon quatrième Reich, les «stors», les personnes à corps humain, sont traités comme des animaux ordinaires. La ressemblance physique avec un être humain ne signifie rien pour les post-nazis, tout comme cela importait peu aux meurtriers d’Auschwitz, qui ont gazé des centaines de milliers de créatures comme eux.

Il semblerait qu’aujourd’hui il n’y a plus de nazis. Quelle est alors la pertinence du roman ? Il est évident. Et pas seulement parce que les néonazis, les ultras et les radicaux lèvent la tête partout et gagnent en force. Les critiques de mon roman en France ont subtilement saisi la métaphore du livre : diviser les gens en deux sortes ! N’est-ce pas ce à quoi nous conduisent ceux qui tentent d’introduire des «passeports sanitaires»?

Il y aura donc une race supérieure de «sains» qui auront accès aux avantages, et de «malades», «non vaccinés», etc., de «stors» qui seront enfermés dans leurs granges.

Permettez-moi de citer quelques critiques:

  • «Tout à la fois roman dystopique et réflexion philosophique sur la nature des êtres vivants et les rapports entre les hommes et entre l’Homme et l’animal, d’une brûlante actualité au regard des événements pandémiques qui nous ont soudain rapprochés de nos voisins de toujours, bouleversant parfois, sublimement dramatique lorsqu’il s’offre une épopée pathétique dans l’inconnu et vers un devenir aussi stupéfiant qu’inattendu, il est le livre qu’il faut absolument lire parce qu’il rejoint, à sa manière, les grandes œuvres que furent celles d’Huxley, Orwell, Wolfe ou Zamiatine.» Le magazine L’ÉCRAN FANTASTIQUE
  • «Certes, les stors sont des personnages de fiction, en apparence du moins, mais difficile de ne pas voir en eux une classe sociale toujours plus marginalisée et encore plus fragilisée par la pandémie de Covid-19 » FLAIR magazine

De plus, tant dans Espace que dans Maсha, en fait, je dépeins un système totalitaire. Lorsque nous parlons de totalitarisme, il nous manque un point important. Presque personne ne dit que le totalitarisme n’existe dans les États totalitaires que pour la «race inférieure». Uniquement pour les aveugles dans Espace Lointain, uniquement pour les stors dans Macha. Kim Jong-un vit-il sous le totalitarisme ? Quels droits de Staline étaient limités ? Les post-nazis de mon roman se sentent totalement libres ! De plus, tout en mangeant des stors, ils ne se considèrent pas comme des monstres, mais comme des gens très bons et nobles, ils prient Dieu et croient qu’ils méritent le paradis !

C’est pourquoi mon nouveau roman acquiert une pertinence inattendue, mettant au centre le problème de la division des gens en deux catégories – une idée complètement nazie ! Oui, on doit appeler un chat un chat. C’est à dire, nous devons considérer les “passeports sanitaires” comme une idée complètement nazie. L’introduction de tels passeports, cela ne nous rappelle-t-il pas Auschwitz, des chiffres tatoués sur la main des prisonniers des camps de concentration ?

Nous devons déclarer que c’est immoral. Mais pour une raison quelconque, peu de gens en parlent. Une nouvelle morale se crée, la morale des «post-nazis», selon laquelle la division des personnes en «gens» et «stors» est justifiée, car, disent-ils, c’est ainsi que des vies seront sauvées … Trouvez-moi un régime totalitaire qui ne justifierait pas son totalitarisme avec un nobles objectifs ! Hitler, dans la «nouvelle morale» qu’il créa, était réputé noble aux yeux des Allemands, personne ne voyait en lui un monstre. En URSS, où j’ai dû vivre la moitié de ma vie, tout a été fait, bien sûr, «au nom de l’homme, pour le bien de l’homme» (le mot d’ordre principal du régime). Une société de bien-être, le communisme était en train de construire, quoi… Sauf que des dizaines de millions, comme mes parents, été plantés pour rien comme stors dans les granges, dans les casernes pour des prisonniers de GOULAG derrière des barbelés…

L’analogie avec notre relation aux animaux ici est évidente. D’ailleurs, dans différents pays, environ un tiers du roman “Masha” sont végétariens.

Je suis heureux de savoir qu’en France on a compris l’idée principale de mon roman. Permettez-moi de citer une autre source: « Une puissante fable dystopique, par l’Ukrainien Jaroslav Melnik, qui entrechoque la question animale avec les pires constructions totalitaires que l’humanité a su dresser contre elle-même : si la « race inférieure » est absolument déshumanisée, toute question morale s’évanouit. » (LIBERATION)

Nous suivons Dima, un journaliste et dans le même temps tueurs de Stor, dans un changement de mentalité… Ce personnage n’a rien de flamboyant : la résistance est dans le commun ?

Au début, Dima traite Maсha comme un animal qui donne du lait et qui, à la fin, peut être mangé. Comprendre que Maсha est un être humain est impossible, car alors vous devez vous considérer comme un monstre, un cannibale, et c’est insupportable. Le monde du post-nazisme est un monde de mensonges monstrueux qui pénètrent une personne dès les premiers jours de sa vie. Les gens qui ont subi un lavage de cerveau ne considèrent pas les stors comme des êtres humains. Cependant, les sentiments humains chez Macha, qui tombée amoureuse de Dima, éveille dans l’âme du héros la question, qui est en face de lui. Il la frappe et elle l’embrasse. Lui-même commence à ressentir un sentiment humain envers Macha (il lui demande pardon après les coups !).

L’amour, n’est-ce pas une vrai source de révélation? N’ouvre-t-elle pas les yeux sur la vérité ? Dima n’avait aucune idée de la résistance, il n’était pas un révolutionnaire conscient. Mais un fort sentiment lui a révélé la vérité, qui lui est venue non par l’esprit, mais par le cœur.

Ne devrions-nous pas voir la véritable résistance comme une conséquence de la découverte de la vérité: connaître la vérité fait de nous un combattant pour elle. C’est pourquoi la lutte contre la vérité (et cela n’est possible qu’en créant des mensonges) est l’objectif principal de tous les régimes totalitaires. Nommez-moi au moins un régime totalitaire qui ne serait pas basé sur des mensonges.

Ce qui nous étonne est le traitement accordé aux Stors qui sont devenus des animaux bien qu’étant à l’origine des hommes : est-ce un moyen de mettre en avant le côté arbitraire du choix de qui souffre et qui ne souffre pas, en écho avec le traitement infligé aux animaux ?

Oui, en tant que personne, en tant qu’écrivain, en tant que philosophe, j’ai toujours cru que tous les êtres vivants peuvent souffrir et souffrent. Et ce n’est pas un hasard si mon roman contient des extraits d’un livre dont l’auteur fictif dit: le Christ a vu un homme dans un esclave, il a appelé à la compassion pour lui. Et les animaux, leur souffrance ? Le Christ, pour ainsi dire, a contourné la question de la compassion pour l’animal. Humanisme, oui, mais seulement par rapport à l’homme.

On voit d’ailleurs que traiter les Stors comme des animaux permet de s’affranchir de toute forme de compassion et permet toutes les horreurs… Nous ne sommes pas loin de voir nos abattoirs : le parallèle est ce que vous recherchiez ?

Oui, il suffit de voir juste un corps, un animal dans une personne, comme au XXe siècle à Auschwitz, et voilà que nous pouvons facilement transférer notre cruauté envers les animaux, notre manque de cœur, aux humains.

Après avoir écrit le roman, un article d’une philosophe française Élisabeth de Fontenay que j’ai vu dans la Philosophie magazine m’est venu aux yeux. Elle y écrit que l’idée d’Auschwitz n’est devenue possible que parce qu’il y avait des granges et des abattoirs. Auschwitz n’est qu’une immense grange, un immense abattoir habité par des corps nus …

Cependant, je dois dire que lorsque j’ai écrit le roman, je n’ai pas pensé à protéger justement les animaux. Je pensais que nous étions tous post-nazis par rapport à notre voisin, que nous considérons comme quelque chose d’inférieur. Mais la toute première publication du roman en Lituanie m’a surpris par le fait qu’un tiers des fans de ce roman étaient végétariens. Une chose similaire s’est produite dans d’autres pays. Les critiques ont beaucoup écrit sur le fait que le roman encourage la pitié des animaux.

Apres cela, de coup je me suis souvenu d’un fait étonnant de mon passé lointain, que j’avais oublié. Alors, dans un village lointain de l’ouest de l’Ukraine, a l’époque, j’ai écrit un poème sur notre vache, que tout le monde aimait, elle nous a servis fidèlement, a donné du lait, puis ils l’ont donnée pour la viande … Il y a de telles lignes: “Je suis désolé pour le fait que je t’ai une fois frappé avec un bâton, pardonne-moi, ma chérie. J‘ai bu ton lait, tu es devenu de la viande pour nous. Tu as servi l’homme du mieux que tu as pu. Toi, la vache, grande et belle, ne me regarde pas dans les yeux”. Croyez-le ou non, le poème s’appelle Maсhka (une forme diminutif de «Macha»). C’était le nom de cette vache réelle. Nom humain…

Lorsqu’un écrivain écrit avec son cœur, il ne sait même pas de quelles profondeurs subconscientes les pensées et les sentiments, les idées lui viennent …

Nous voyons aussi que le nazisme tel qu’il est présent est un nazisme qui ne se revendique finalement d’aucun fascisme et se désolidarise de son passé et tout particulièrement du IIIè Reich. J’imagine que c’est aussi un moyen de pointer du doigt cette tendance des états à mettre un voile sur leur passé et de s’en dédouaner ?

Encore une fois, je n’ai vu toutes ces idées qu’après avoir écrit le roman. Beaucoup d’entre eux ont été signalés par des critiques et je suis d’accord avec eux. Oui, dans mon roman, les post-nazis vivent au quatrième millénaire, plus de mille ans se sont écoulés depuis la victoire du nazisme, avec sa moralité de «race supérieure». Alors, ils ne se considèrent plus comme des nazis. Oui, ils admettent que leurs lointains ancêtres étaient des nazis, de terribles barbares qui transformaient les gens en esclaves, les détruisaient, les brûlaient … Mais pas eux.

Le Troisième Reich millénaire dont rêvait Hitler donc est terminé. Mes héros se considèrent comme des saints, tout comme nous, qui mangent quotidiennement la viande des pauvres animaux tués dans les abattoirs. Notre conscience est endormie.

Et savez-vous pourquoi ils ont une conscience tranquille ? Parce que les stors ne sont pas pour eux des êtres humains, ce qui signifie que post-nazis ne se considèrent pas comme des cannibales. C’est pourquoi la révélation qui est arrivée à Dima, à ses amis, combattants de la vérité, est impossible pour la plupart des post-nazis.

Admettre la vérité signifie pour eux de renoncer à eux-mêmes, d’admettre qu’ils sont tous des monstres. Dans le roman, j’ai montré toute cette logique. Personne ne veut et ne peut se reconnaître comme un monstre. Pour cela, ils continueront à vivre dans le mensonge, et quiconque qui voudra parler de cette vérité sera réduit au silence. Si nécessaire, tué.

C’est pourquoi Dima et Masha s’enfuient dans des montagnes lointaines …

Du point de vue de l’écriture, qu’est-ce qui vous attire dans la dystopie ?

Mes héros se considèrent comme des saints, tout comme nous, qui mangent quotidiennement la viande des pauvres animaux tués dans les abattoirs. Notre conscience est endormie.

La dystopie en tant que genre me permet d’imaginer d’autres mondes qui reflètent mes pensées au fil des ans. Beaucoup de mes pensées sont au niveau subconscient, mais elles me tourmentent. Dans un roman dystopique, elles se réalisent à travers les mots, je m’en donc débarrasse. En même temps cela me permet de voir comment les gens y réagissent.

Macha ou le 4e Reich a suscité des réactions assez controversées, c’est un texte qui est capable de choquer, car il y a au début quelques scènes explicites de tueries et de boucheries de stors. Mais je devais les montrer. C’est dans ces scènes que les sentiments de Dima changent progressivement. Après avoir commencé à comprendre que les stors sont peut-être des êtres humains, il lui est devenu difficile de tuer ces «animaux». Il découvre avec horreur qu’il a des sentiments humains pour l’animal qu’il tue …

Je dois dire que j’ai été quelque peu surpris par la perception de Macha en France. Je n’ai pas rencontré ici le rejet qu’une partie des lecteurs avait, par exemple, en Lituanie et en Ukraine. À savoir, beaucoup ont simplement jeté le livre, le considérant dégoûtant, horrible. Mais ceux qui ont traversé le choc initial et ont continué à lire (et c’était la majorité), ont avoué que le livre “sort le cerveau”, “choque la conscience”, “fait éclater la tête “, qu’il est impressionnant … En Ukraine, le roman est devenu finaliste du prix BBC Livre de l’année et un livre culte, il a subi quatre réimpressions. Maintenant, le cinquième est en cours de préparation. Le roman est étudié à l’université.

Je pense que les Français qui ont lu Sade et Bataille ont déjà du mal à être choqué avec quoi que ce soit. Néanmoins, plus de quinze critiques du roman en France, à commencer par Libération et L‘Obs, confirment que le contenu humain universel que je mets dans mes livres peut être proche de n’importe qui sur terre, peut l’inquiéter … Pour être honnête, je craignais que Macha ne soit pas aussi remarqué en France que l’Espace Lointain, car ce roman est à bien des égards différent. Je suis content d’avoir eu tort.

Avez-vous pu profiter de cette période un peu particulière pour développer un nouveau roman ?

Oui, j’ai écrit un nouveau roman. Titre provisoire “Pourquoi je ne me lasse pas de vivre”. Cela semble n’avoir rien à voir avec le virus, et pourtant en ce qui concerne la pandémie, le roman semble, de façon inattendue pour moi, aussi pertinent que l’Espace lointain et Macha.

C’est difficile à croire, mais mes romans précédents sont soudainement devenus d’actualité précisément en lien avec les processus sociaux qui accompagnent les actions des autorités pendant la période de la pandémie déclarée. Probablement parce qu’ils parlent toujours d’une menace à la liberté humaine.

La pertinence de l’Espace lointain par rapport à cela m’a été signalée par un éditeur berlinois, qui venait de publier mon roman en allemand. Les habitants de la mégapole sont enfermés dans l’espace “proche”, ils sont contrôlés à chaque pas par des appareils électroniques, ils ont été coupés de l’espace lointain, ils vivent dans un monde de mensonges, de fausse réalité … Cette histoire ne nous concerne-t-elle pas en 2020-2021?

Et Macha, ou le 4e Reich? Encore une fois, les autorités ne nous préparent-elles pas à faire face à la nécessité d’avoir un «passeport sanitaire»? Diviser toutes les personnes en êtres humains et en stors (c’est-à-dire en animaux), en personnes en bonne santé et malades ? Même aujourd’hui les gens ne sont-ils pas déjà divisés en deux races ? Les personnes en bonne santé pourront vivre leur vie antérieure, et pour les stors… s’il vous plaît, la grange, la ferme. … Comme les animaux, ils seront privés de leurs droits !

Et voici donc mon nouveau roman face à une pandémie … J’y réfléchis sur le thème de la mort et de l’immortalité. La science a atteint de tels sommets que la transplantation de cerveau est devenue possible. C’est même maintenant possible, simplement on ne sait toujours pas comment connecter rapidement et efficacement tous les nerfs et tous les vaisseaux qui vont du cerveau à la moelle épinière … Cela nécessite de nouvelles technologies robotiques qui fonctionnent au niveau du microscope. Les scientifiques disent qu’ils seront créés dans les décennies à venir.

Cependant, je ne suis pas intéressé par le problème médical, mais par le problème philosophique. Que ressentira une personne qui, en changeant de corps, pourra vivre des centaines, voire des milliers d’années … Sera-t-elle heureuse?

Mon héros, qui a vécu près de mille ans, dans l’État Éternel, qui a procuré aux gens l’immortalité, est en quelque sorte dans un état de sommeil … Ses sentiments ne sont pas les mêmes que ceux d’un mortel, les relations profondes avec les êtres chers sont impossibles, puisque les êtres chers qui ont changé de corps à plusieurs reprises se sont perdus dans l’immensité de l’infini… À quoi sert de vivre éternellement?
La vie éternelle sur terre, dans le corps – est-ce la vie éternelle dont parlent les religions?

Comme dans mes romans précédents, le héros subit des changements dramatiques. Cela se produit après qu’il soit tombé amoureux d’une fille mortelle du ghetto de mortels (vivre une seule vie est leur choix conscient) …

Aujourd’hui, quand les gens regardent la mort dans les yeux, ils en en ont peur (le monde entier vit dans la terreur gonflée par les médias), quand ils sont prêts à vivre toute leur vie au sous-sol, juste pour respirer, abandonnant leurs libertés, quand la mort est devenue un monstre, un tel roman n’est-il pas un roman d’actualité ?

Je voulais donc regarder la situation à travers les yeux d’une personne immortelle. Le désir de vivre éternellement, avec des sentiments éteints, dans ce monde matériel, sur cette terre, n’est-ce pas une illusion dangereuse ? N’est-ce pas une variante de l’enfer ? Mon héros est fatigué de l’immortalité et veut de vrais sentiments forts. Et il commence à comprendre qu’ils sont donnés à ceux qui ont une seule vie … Il n’a pas peur de la mort, la mort pour lui, l’immortel, devient désirée … (En même temps, personne ne vous interdit de croire en une autre vie éternelle, dans une dimension différente, non terrestre, dont parle la religion …)

J’espère que mon roman bouleversera l’esprit du lecteur et lui apprendra à regarder différemment ce dont il a peur. C’est grâce à la mort, que nous avons l’intensité des sentiments et la richesse de la vie intérieure … La mort est inextricablement liée à la naissance et au sens profond de l’existence humaine.

De plus, dans mon roman, je parle d’un autre problème très important. L’État Éternel est gouverné par une intelligence artificielle d’une puissance inimaginable, par un Cerveau Artificiel. Il est la source de tous les bienfaits des habitants de l’État, mais … Lorsque le Cerveau Artificiel surveille en permanence le travail de chaque organe de votre corps saturé de capteurs, pour que vous viviez pour toujours, existez-vous? Ou y a-t-il quelqu’un d’autre à votre place?

La liberté et l’autosuffisance, l’autonomie complète de l’homme, n’est-ce pas le sens même de la vie pour un être humain?

Que peut-on vous souhaiter ?

En cette période difficile, je souhaite à chacun de se souvenir du monde de la liberté, bien que relatif, que nous avions en 2019. Je ne suis pas allé à Paris depuis plus d’un an et je ne vois aucune raison d’y aller, car pour moi Paris c’est son atmosphère, l’atmosphère de la liberté. Paris sans terrasses, où les gens insouciants (pas de masques !) boivent du café et bavardent joyeusement, Paris sans théâtres et peuple libre, Paris où les policiers poursuivent un homme sans masque, pardon, ce n’est pas mon Paris.

Je me souviens d’une nouvelle de Bradbury, dans laquelle, après une guerre nucléaire, une personne avec une mémoire phénoménale raconte aux gens le passé, leur rappelle la vie qui était autrefois sur la planète. Il est secrètement invité par des personnes pour qui c’est important. Pour qui il est important de se souvenir de la vie qui n’existe plus. Mais pourquoi est-ce important si vous ne pouvez pas le retourner de toute façon?

Tout simplement, les gens ont besoin de voir un autre monde, un espace lointain. Comme Gabr qui était enfermé dans une Mégapole, dans un “espace proche”. Le Christ parle d’un autre monde, il appelle à ne pas croire en cette réalité.

De plus, tant qu’il y a de la mémoire, il y a l‘espoir de retour. Je voudrais me souvenir de cette vie, car nous ne savons pas si elle reviendra. Nous vivons seulement dans l’espoir qu’elle reviendra, à tout moment. Mais elle n’est pas revenue à l’automne. Nous attendons maintenant le printemps, l’été … Sommes-nous sûrs de l’automne prochain?

Et si des années, des décennies passent et qu’on ne retrouve jamais notre vie antérieure? Pour une raison quelconque, les principaux politiciens nous inculquent « qu’il n’y aura pas de retour à l’ancienne vie». Pourquoi font-ils cela ? Si ce qui nous arrive ne fait pas partie d’un plan global de reconstruction de la vie de l’humanité, pourquoi en parlent-ils constamment ? Pourquoi nous font-ils constamment peur ?

La mémoire n’est pas omnipotente, elle commencera à s’estomper. Des générations habituées à vivre de l’enfance comme ça vont grandir, masquées et enfermées … Un regard trop pessimiste sur l’avenir ? Je ne serais pas l’auteur de dystopies si je ne voyais pas les menaces du futur.

On ne sait rien. Nous devons chérir la mémoire et lutter pour rendre le plus rapidement possible la vie que nous avions. Et nous ne devons pas nous laisser transformés en objets, en moutons, pour nous priver de nos droits innés. Car pourquoi vivre s’il n’y a pas de liberté ? La vie et la liberté sont synonymes. La peur de la mort tue la vie. Comme toute peur. Vous voulez avoir une sécurité absolue (c’est impossible!), et vous perdrez la liberté et le sens même de la vie.

Écoutez, je vais parler en tant que philosophe. Chaque trajet en voiture que nous avons fait n’est-il pas un risque ? Notre vie ne dépend que de nous à 50%, et 50% cela dépend du camion qui va vers vous. Mais malgré cela, nous montons dans la voiture et roulons. Pourquoi? Parce que nous voulons exister, pas seulement respirer. Parce que la liberté nous est plus chère que la vie elle-même. La vie est liberté et sans liberté elle se réduit uniquement à l’existence biologique.

Nous ne renonçons donc pas au voyage, même si c’est dangereux (toujours ! regardez le nombre d’accidents sur les routes). Alors au lieu de nous cacher dans le sous-sol et d’être complètement en sécurité, nous montons dans la voiture et la conduisons parce que nous ne sommes pas possédés par la peur de la mort. Et c’est pourquoi nous sommes libres et existons.

On peut dire la même chose de la peur de mourir du virus. Je veux vivre, respirer la liberté, mais ils me l’ont enlevé, me faisant peur avec un virus.

Personne n’a le droit d’abolir la vie et la liberté. La vie est incompatible avec les garanties de sécurité totale. L’endroit le plus sûr est une cellule d’isolement dans une prison. On vous donne de la nourriture par la fenêtre et la voiture ne vous heurtera jamais. Est-ce que ça a du sens de vivre comme ça?



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