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Le paquebot immobile de Philippe Curval

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Le Paquebot Immobile est le nouveau roman publié à La Volte de Philippe Curval avec qui j’avais pu échanger l’année passée autour de la parution, toujours à la Volte, de Souvenir de Loti.

Une utopie qui dérape

Le Paquebot Immobile que nous propose de découvrir Philippe est le résultat d’une expérience utopique qui doit permettre de transformer ce qui est en train de tuer notre monde en une société plus juste nous permettant un futur…

Ce futur utopique semblait plutôt bien parti, un groupe de libertaires ayant réussi à transformer le 7ème continent, qui est pour faire simple une concentration de tous nos déchets d’hyper consommateurs (et cela n’est malheureusement pas de la science-fiction, allez faire un tour ici si vous aviez encore le moindre doute sur le sujet) en un lieu où tout est possible… La créativité est telle que la nouvelle nation est devenue ultra-moderne et fait baver d’envie les territoires plus classiques.

Chacun y est respecté pour ce qu’il est et une des seules conditions pour pouvoir y demeurer est d’y être invité d’une part et d’autre part de ne pas procréer pour garder toujours au bon niveau les ressources. Pour aider et permettre à nos utopistes de pouvoir s’affranchir des tâches les plus ingrates, des clones sans “âmes” (argh, ce n’est pas le bon terme) se chargent de ce qui n’est pas “passionnant”.

Pourtant, 30 ans après la création du lieu, la situation échappe à l’idée de leurs créateurs avec l’arrivée de Pairubus, invité à intégrer l’organe de gouvernance de l’île et qui va rapidement en prendre le contrôle.

De l’utopie à la dictature, il n’y a qu’un pas à franchir…

… comme l’affirme en introduction le quatrième de couverture. Et c’est bien à cela que nous allons assister, bien qu’au moment où nous rencontrons Vera la situation semble bien mal embarquée.

Car la jeune femme, qui va être accusée d’espionnage, vient de l’extérieur et ne doit sa vie qu’à un don qui lui a permis de quitter le navire qui l’emmenait avec ses compères vers le Paquebot : elle a la capacité de “voir” le futur imminent ce qui lui a permis de sauter à l’eau juste avant que son bateau n’explose, détruit par les défenses du paquebot.

Rapidement, nous comprenons qu’elle devient un enjeu qui doit permettre à Pairubus de prendre définitivement le pouvoir sur les fondateurs en lui permettant d’anticiper, en tout cas il l’espère, toute action menée contre lui. Et il a trouvé le moyen de prendre le contrôle, utilisant les clones (les gonzos) pour en faire un service d’ordre efficace (la population étant pacifiste), arrêtant ses opposants et mettant en place une forme de dictature.

Ce glissement, déjà bien amorcé au moment du début du récit, semble de plus en plus incontournable et seule l’énergie des fondateurs encore vivants semblent laisser planer un espoir de réussite de cette utopie au bord de la rupture

, l’utilisation qu’en fait Philippe peut sembler être un pied de nez à notre société de consommation. Car c’est bien sur les vestiges imposés par notre société de consommation que l’auteur imagine le développement d’une société qui s’affranchira des contraintes de notre mondialisation. Liberté de penser et d’agir, sens commun , s’appuyant sur un pacifisme libéré des religions, la société devient ultra moderne, innovante et rendra jaloux une partie de la planète.

Un écrit riche et percutant !

Le choix fait par Philippe de s’appuyer sur ce 7ème continent, de transformer le résultat de notre hyper-consommation en un espoir d’un monde plus équilibré, un monde de respect autant de la nature que des autres humain.e.s est un vrai pied de nez et est en soit jubilatoire.

Page après page, nous découvrirons comment s’est construite cette société à part, où le respect de l’autre est primordiale mais aussi de quelle façon la situation a commencé à déraper (et je n’irai pas plus loin sur le sujet, pour ne pas vous divulgâcher une partie de l’intrigue.

Beaucoup de sujets du roman pourraient être mis en avant, que ce soit la religion qui semble être absente (ou tout au moins confidentielle / personnelle) du quotidien des paquiens et paquiennes et semble revenir (sous la forme du culte du chef) lorsqu’elle bat de l’aile ; les différents courants de pensée sont aussi particulièrement savoureux, j’ai une affection toute particulière pour les Piloufaciens, dont le nom est clairement le reflet de leur philosophie de vie. On pourra parler aussi du destin des gonzos qui seront eux aussi au cœur de l’intrigue, nous faisant réfléchir sur notre humanité et sur la leur.

Bref, un roman passionnant, étrange et intriguant. Un roman bourré d’idées (je vous laisserai juger si elles sont bonnes ou pas), d’espièglerie aussi et de farce. Une réelle bouffée d’énergie, et de plaisir.

La volte (Octobre 2020) – 308 pages – 20 € – 9782370490995
Couverture : Philippe Curval

D’une utopie à une dictature, il n’y a qu’un pas à franchir : le nouveau roman de Philippe Curval est-il vraiment une comédie, une farce philosophique ?

Septième continent construit avec les matériaux de l’île poubelle, plastiques agglomérés, déchets de l’humanité, voilà le Paquebot immobile. Une utopie libertaire créée à force d’imagination par des pacifistes lassés des turpitudes du monde. Une nation ultra moderne, riche de l’exploitation de technologies surprenantes. Trente ans après la naissance du Paquebot, Pairubus profite de la disparition de Robur, le guide spirituel de l’île, pour s’imposer à une population de Paquiennes et Paquiens pétrifiés par le bonheur, ou en proie à des querelles idéologiques. Sur les vestiges d’un tsunami dévastateur, il organise une tyrannie mortifère. Les fondateurs, aux noms issus des héros de Jules Verne, tentent de coordonner la résistance. Dès lors s’engage un combat à armes inégales dans un univers en reconstruction, transcendé par une myriade d’innovations, aux décors toujours plus insolites. D’autant plus qu’il faut convaincre les membres de communautés extravagantes, Végéludes, Athéoristes, Piloufaciens. Et délivrer de Pairubus la mystérieuse Véra, sa captive, son fétiche.

Philippe Curval s’amuse et surprend sans cesse par un récit foisonnant d’idées nouvelles ou détournées ; un roman malicieux au rythme endiablé, tous les éléments d’un genre oublié : la sotie !


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