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1794 de Pierre Bordage

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Cornuaud s’est engagé dans l’armée républicaine, car il n’avait pas d’autre moyen pour sortir de Paris bloquée par les sectionnaires. Parti en Vendée, il se fait vite remarquer pour ses talents au combat, et devient sous officier responsable d’une escouade. Mais un soir, après une embuscade, il arrive dans une ferme dont les occupants se prétendent républicains. En fouillant un peu, pendant que ses hommes dorment, il découvre un des chefs de l’insurrection vendéenne, le chevalier de Lescure. Pris de compassion, il tente de l’aider à s’échapper mais est surpris par quelques uns de ses hommes, qu’il est obligé de tuer. Mais par mesure de prudence, il prefère rejoindre la révolte des chouans.

Emile a été reconnu comme le fils du Grand prêtre de Mithra et, alors qu’il en avait l’occasion, a refusé de le tuer. Il est destiné à devenir l’Atar de la fin des temps, celui qui sortira l’ordre de Mithra de l’obscurité et le fera resplendir face aux feux du soleil, leur père à tous. Il est alors initié aux mystères de la vie grâce à l’Haoma, la boisson divine. La soirée d’intronisation arrive, mais le doute s’installe en lui. Surtout que les fées réussissent à le contacter et à lui donner un dernier rendez-vous avant qu’il ne succède à son père.

Impératrice Moa :Le cycle de l’Enjomineur touche ici à sa fin. Les différents nŒuds de l’intrigue doivent normalement se dénouer. Que va faire Emile, maintenant qu’il est entre les mains du Père des Pères ? Va-t-il retrouver sa chère et tendre Perrette ? Va-t-il trouver Cornuaud et le tuer avec la dague magique ? ou va-t-il simplement le «désenjominer » ?
Pour ce qui est des intrigues révolutionnaires, nihil novi sub sole, car nous connaissons déjà la fin de cette intrigue-là.

Qu’est Emile, d’ailleurs ? C’est à se demander comment Bordage construit ses personnages. Emile n’a rien d’héroïque, n’a rien de spécial, et ce qui pourrait en faire un personnage extraordinaire n’est pas exploité. Il est tentant de croire que Pierre Bordage construit ainsi des personnages proches des lecteurs, proches d’une certaine normalité, réalistes, cohérents. On gagne évidemment en réalisme, mais on perd énormément en intérêt.

Pour encore 400 pages, nous nous retrouvons dans la tourmente révolutionnaire. Il y a sans doute une recherche personnelle de la part de l’auteur, une voie suivie vers la découverte de son patrimoine. L’histoire est bien alimentée par la connaissance d’un contexte historique et d’un pays. Mais pour quoi faire ? Toute l’intrigue révolutionnaire n’est qu’un prétexte qui prend beaucoup trop de pages, une toile de fond qui prend beaucoup trop de place. C’est un contexte qui permet les actions des personnages principaux, qui les expliquent, mais qui n’aurait pas du prendre tant de place dans le roman. Les évènements révolutionnaires n’apprennent rien aux personnages. C’est sans doute un effet de l’écriture, mais il n’y a pas d’émotions face aux massacres de population, aux tortures, aux viols, aux noyades. Le lecteur accompagne donc les personnages à travers des monstruosités, et ces mêmes personnages ne semblent pas un instant touchés. Et nous non plus.

Le roman est construit par couches successives qui, au final, ne se pénètrent pas :
– Emile doit détruire le Mal ;
– Cornuaud veut se débarrasser de la Prêtresse Vaudoun qui le possède ;
– Le chef d’une société secrète veut devenir le maître du monde (Armande et Bellerive) ;
– C’est la révolution (La Madonne de la Mort et les autres).

A quoi servent les pérégrinations de Cornuaud de l’armée des bleus à celle des blancs ? Evidemment, les batailles étaient au départ un des lieux de prédilection d’expression de la prêtresse Vaudoun. Mais Corunaud ne change pas l’histoire, il n’a pas d’acte héroïque, pas de pensée politique, il ne semble pas apprendre grand chose. Il est jamais là que par opportunisme. Si au lieu de passer par Paris, puis la Vendée, Corunaud était resté homme de mains à Nantes pendant les trois volumes, l’intrigue principale n’aurait pas été modifiée pour autant.

Une chose est particulièrement choquante, et laisse à penser que Pierre Bordage a des problèmes avec son Oedipe : toutes les femmes, à l’exception de l’amoureuse d’Emile et de la Madonne de la mort, sont des prostituées. Souvent pour de pures et très prosaïques questions de survie, mais toutes vendent leur corps contre argent, chaleur, nourriture, protection. Ce n’est pas avec de telles images que l’on pourra attirer d’avantage de lectrices dans le monde merveilleux des littératures de l’imaginaire.

Sur le plan des obsessions de Pierre Bordage, il y a aussi celle du Taoïsme. Car Bordage est vraiment très fort : il arrive à faire apparaître un personnage creux, vide, inutile, mais qui sera le personnage taoïste du roman (Séraphine). En pleine révolution française ! Quel intérêt ? Pourquoi ? Pour quoi faire ? Quel message ? Rien… juste le personnage taoïste du roman.

Vu la chute du cycle, les romans se voudraient initiatiques. Mais Emile n’apprend pas grand chose. La terrible révélation finale est d’une fadeur déconcertante. Elle est surtout totalement indépendante des autres «aventures » du roman. Il n’y a pas d’initiation à laquelle le lecteur aurait pu participer, il y a uniquement des révélations. Des explications et faux rebondissements sont absolument invraisemblables. Il faut clore toutes les intrigues, même celles qui n’ont pas été ouvertes et renvoyer chez-eux des personnages dont on avait oublié l’existence (je ne me remet toujours pas de la dernière intervention des assassins trucs).

Pour ceux qui joueraient le jeu littéraire de se demander «comment Emile va retrouver Perrette ? », je ne gâcherais pas le «plaisir » mais je me sens le devoir d’annoncer qu’Emile la retrouve deux pages avant le mot «fin ». Dans Wang, Bordage avait eu au moins la courtoisie de faire en sorte que Wang retrouve Lhassa quelques chapitres avant la fin, afin de la faire exister un brin. Ici, nous avons juste droit à une fin bâclée, un peu new age, qui en fait assez clairement un roman pour petit garçon (il retrouve la princesse, ils se marient et ont beaucoup d’enfants).

La fin sous-tendue par tout le roman (Emile tue Cornuaud, incarnation de l’esprit du mal, ou exorcise la prêtresse Vaudoun) n’arrive pas et nous laisse dans une grande frustration. Le roman se termine par une espèce de gâchis mou.
Les révélations finales tant pour Emile, Cornuaud que la prêtresse Vaudoun, sont décevantes en ce qu’aucun apprentissage ne s’est fait au cours des romans. La «révélation » est certes plus progressive pour la prêtresse, mais les personnages semblent se réveiller après l’aventure, le cŒur plein de bons sentiments, de bonnes résolutions, de tolérance et de repentir.

Pierre Bordage voulait sans doute écrire une fresque historique teintée de fantastique. Le résultat est long et lent, et manque parfois d’intérêt. Je reste avec l’impression qu’une intrigue d’un roman de 400 pages a été étiré sur 1200 (les trois volumes) pour des raisons inconnues, peut-être purement commerciales.

Dans l’ensemble, la lecture reste agréable et distrayante, mais pas forcément très enrichissante.

Pour finir le mystère du titre reste entier, puisqu’Emile n’est toujours pas enjomineur.

Orcusnf :
Enfin s’achève la trilogie de l’enjomineur, ouf quand même. C’est pas tout ça, mais presque 1300 pages, ça commençait à faire un peu long, avec beaucoup d’évènements qui se répètent, s’annulent mutuellement, font tourner en rond les personnages, etc.

Certes, l’action prend un nouveau souffle avec la fin inattendue que connaitra la multi millénaire épopée de Mithra, mais ce n’est plus ça quand même. Ce tome est une conclusion, mais au lieu de monter en puissance, il semble plus penaud, plus modeste que les autres.

En fait, et c’en est même dommage, j’ai largement preféré les morceaux historiques comme les batailles vendéennes, plutôt que l’aspect fantastique de ce tome qui, osons le dire, est anecdotique. Enlevons les fadets, la sirène, le mallet, on n’a plus qu’un polar historique normal. Et l’histoire n’aurait pas changé sensiblement, ce qui est dommage d’ailleurs. Les batailles sont bien plus rythmées que le reste de l’action, mais aussi trop semblables les unes aux autres quand Cornuaud en est le protagoniste.

Néanmoins, je trouve que la rédemption finale est belle. Ma collègue impératrice moa pense pour sa part qu’il n’y en a pas, mais n’est ce pas un message d’espoir que cette réconciliation entre la sorcière noire et le boucher blanc, la voie vers une ardoise vierge? Même Emile, qu’on avait pu croire perdu un moment, surmonte ses sentiments. En tout cas, en ce qui s’agit du duo sorcière/cornuaud, on assiste vraiment à une évolution, qui s’échelonne tout le long de 1794. On ne peut pas accuser l’auteur de nous prendre par surprise, d’avoir caché des éléments, l’évolution positive était nette et prévisible.

En outre, le titre de l’enjomineur semble bien mal adapté pour imperatrice Moa, et c’est vrai qu’on se demande longtemps ce qu’il fiche là. Mais au final, même s’il est certain que cornuaud n’a pas la dimension d’un enjomineur, émile , fils d’un prêtre maléfique et élu des fées, pourrait remplir ce rôle Il ne peut y avoir de hasard s’il est le seul à pouvoir tenir la dague des fées, il est même désigné plusieurs fois sous le titre d’enjomineur. Ca pourrait paraître un peu artificiel, mais ce n’est qu’un titre après tout, ce n’est pas le plus important selon moi.

Sinon, en conclusion, c’est une trilogie intéressante, assez bien écrite, pas la meilleure écrite par Bordage, loin s’en faut. Payer 66 euros pour les 3 tomes, c’est quand même cher pour la qualité globale, et à part pour les collectionneurs, je ne saurais trop vous conseiller de regarder du côté des bibliothèques qui, généralement, sont bien fournies en pierre Bordage. N’empêche que vous pourrez passer un bon moment de détente, et puis, franchement, c’est un créneau peu exploité.


L’Atalante La dentelle du Cygne 460 pages 9.99 € ISBN : 2-84172-337-2 2006

Prisonnier dans la cage d’or de Mithra,égaré dans le labyrinthe de l’haoma, l’élixir de la mémoire et de l’immortalité, fascné par les yeux jaunes du Père des Pères sous la cagoule, Emile ne sait plus : est-il bien l’enfant d’une fée ? Est-il l’Atar de la fin des temps, le roi des rois dont l’avènement approche, puisque Terreur et Révolution ne sont qu’une étape d’un projet séculaire ? Que reste-t-il alors des filles des eaux et de la mission à lui confiée par Mélusine ?

« L’esprit du mal change en haine la souffrance des hommes, il les dresse les uns contre les autres. » Dans l’Ouest la guerre civile fait rage. Tantôt Bleu, tantôt combattant de l’armée catholique et royale, Cournuaud, lui, traverse à grand pas fougueux la Vendée en flammes, toujours possédé par la sorcière africaine, et reagne Nantes où Carrier fait de la Loire la « baignoire nationale » de la répression.


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