Retrouvez l’actualité des littératures de l’imaginaire (Science-Fiction, Fantastique, Fantasy, et autre) ainsi que des interviews de celles et ceux qui les construisent.

Les Mains Vides d’Elio Possoz à Hypermonde

Elio Possoz était présent à Hypermondes, festival qui se tenait du côté de Bordeaux, à la Médiathèque de Merignac. L’occasion de parler avec lui quelques minutes autour de Les Mains Vides que nous avons chroniqué il y a quelques mois.

https://open.spotify.com/episode/7JC3WbH8oCtTf9kA5az76j?si=3f2f5b074e624957

Voici la retranscription

Bonjour Elio.
Bonjour.

Merci d’accepter cette interview sur le Festival Hypermonde.
Merci à toi.

Pour commencer, j’aimerais te poser une question, savoir quel a été ton parcours un peu, puisque tu es nouveau sur le marché de littérature d’imaginaire.
J’ai fait une prépa lettres, une licence de lettres et d’histoire, un master de lettres assez classique, universitaire et après, je faisais partie d’un collectif de poésie à Paris. On faisait des recueils en gros, auto-organisé, on allait dans des endroits. En allant dans des endroits où on se faisait des auto-résidences, là, on pouvait nous accueillir. On allait un peu voir les gens, les démarches. On allait voir les gens, leur demander s’ils avaient des poèmes, on les interviewait, on prenait des photos, on faisait des illustrations, on mélangeait tout ça et ça faisait une revue. Je n’ai même plus une pratique du collectif comme dans les années 2010, comme ça. On faisait des jeux littéraires dans des bars aussi. Je commençais à écrire des histoires interactives avec une amie, Esme Dubois, aux Éditions 1115, qui ont par exemple performé dans les bars, on faisait voter le public. Puis après, je me suis mis à répondre à des appels à la nouvelle pour la volte, et puis c’est parti.

Les Mains vides, un premier texte publié tout seul en imaginaire. Comment t’es venu l’idée ? C’est quoi l’idée ? Pourquoi ?
C’est qu’au début, c’est parti de la nouvelle, Sauve qui peut, le recueil sur la santé de la Volte, sorti en 2020. La Volte avait un angle éditorial qui est axé sur l’utopie, sur sortir de la dystopie, sortir des trucs trop badrants. C’est de proposer des imaginaires qui ne soient pas trop le space-op, pas trop la langue de la Volte et un travail de la langue aussi poussé qu’on veut, c’est l’avantage de cette maison d’édition. Pour l’appel à la nouvelle, je m’étais dit: Je vais faire de la science-fiction et je vais faire quelque chose d’utopique en intégrant le dérèglement climatique dans l’utopie. C’était mon postulat initial. Je me demandais de que faire de la santé dans ces contraintes de décroissance, de raréfaction des ressources, etc. La nouvelle a été prise, elle a plu et Matthias – l’éditeur de la Volte – m’a dit dit que je pouvais lui envoyer d’autres choses. Là, j’ai eu l’idée de faire un roman dans l’univers de la nouvelle, de développer un peu plus l’univers et de proposer autre chose qui décrive un peu plus le fonctionnement de mes sociétés anarchistes de cette France du futur.

Oui, puisque le point de départ est une rupture avec cette volonté de dire : finalement, ce n’est pas si grave. Je pars, je découvre le monde. C’est des choses qu’on fait plus, ça, aujourd’hui.
C’est vrai. Oui, c’est le point de départ de ma vie, c’est une rupture amoureuse. Honnêtement, je l’ai écrit dans un moment de rupture amoureuse et je me suis dit : quand même, on n’a pas envie de rester, de vivre à côté de son ex dans ce genre de circonstances. Moi, en tout cas, je n’ai pas envie et donc de prendre le large et j’ai pu le faire. Comme c’est un univers du futur où j’imagine des canicules beaucoup plus intenses que maintenant – On le prend vraiment, malheureusement, au prévisionnel du siècle, n’est-ce pas ? – Je me suis dit : qu’est-ce que ça fait de devoir passer deux mois d’été caniculaire juste à côté de son ex ? Peut-être que les gens vont avoir envie de mettre les bouts avant que ces deux mois d’été arrive et qu’on puisse plus voyager, vu qu’on est dans cet univers, en plus, il n’y a pas de voiture avec la clim. Les voyages se font à la saison douce.

Et avec un vélo.
En l’occurrence, avec un vélo, moyen de propulsion de l’humain low tech.

Ce qui est intéressant, tu parlais des sociétés anarchiques que tu visites. Dans l’imaginaire collectif, il y a l’anarchie avec un grand A et il n’y a qu’elle. Au travers de ton texte, on découvre différentes sociétés, différentes approches. C’était important pour toi de faire découvrir ce mode de politique ?
Oui, complètement. L’anarchie dès le départ, c’est un mot ambigu et double avec une notion un peu dans le sens commun, « c’est le bordel » et puis le sens politique de l’organisation de la société sans état et sans domination. J’avais envie de découvrir ce sens politique un peu plus dans la littérature de science-fiction. Aussi de sortir du dogmatisme qui est l’ennemi de l’anarchie et de montrer que dans une société, il y a plein de nuances par définition. Oui, ça Je ne voulais pas faire un roman, je voulais proposer un contre-récit. Sur les romans où on nous propose des univers ultra carrés, où c’est comme ça et puis c’est un peu caricaturé, et montrer que la vie, qui d’abord, s’adapte en fonction des gens, des moments, des rencontres, des climats, des circonstances, y compris l’anarchie qui doit être un mouvement souple et fluide et en perpétuelle réinvention. J’ai envie de montrer plein de façons de vivre différentes.

La dimension qui m’a le plus intéressé, finalement, dans chacune de ces rencontres, c’est le regard à l’étranger. C’est-à-dire qu’il y a ceux qui les mettent en quarantaine, en quelque sorte, qui leur disent : « Vous n’êtes pas obligés de démarrer tout de suite dans notre modèle ». Il y a ceux qui sont un peu plus militarisés. C’est le sentiment que j’ai eu, en tout cas. Il y a plein d’entre-deux. La question de l’étranger aujourd’hui, elle est importante pour toi dans notre société actuelle ?
Oui, l’actualité, elle nous le rappelle constamment.

C’était une question rhétorique.
C’est un peu dur de s’en extraire. Je pense qu’en plus, dans un système anarchiste où j’imagine des communautés vraiment très locales, centrées sur des problématiques très locales de production, vraiment de vie en commun, ce n’est pas toujours la question de la personne étrangère qui débarque. Quand je dis personne étrangère, ça peut être vraiment juste quelqu’un qui est limite à 500 mètres. Dans mes expériences de vie un peu en colloc ou un peu en collectif, dans mes expériences de vie un peu en coloc ou un peu en collectif. Il y a un peu cette question qui se pose très fréquemment, finalement, de comment faire groupe sans être excluant d’une personne qui qui débarqueraient. Franchement, ce n’est vraiment pas évident, dans le fonctionnement même, le fait de faire groupe, un peu une notion de nouer des codes très spécifiques au groupe et des habitudes spécifiques au groupe. Du coup, la survenue de quelqu’un de l’extérieur peut poser friction très vite. Je m’étais di t: Dans mes communautés, dans un monde à régler climatiquement, il y aura forcément plein de migrations, plein de nouvelles personnes. C’est des endroits politiques où on aura pensé forcément l’accueil de l’autre.

C’est dans la collection Eutopia. Tu l’as abordé, une dimension un peu plus positive. Aujourd’hui, tu trouves la SF trop dure, en tout cas, apportant peu d’espoir aux gens ?
Honnêtement, je ne dirais Je ne sais pas si ça va se passer, mais maintenant, j’ai un énorme billet qui est que je suis dans le monde de la Volte où tout l’univers de la Volte est constitué maintenant sur le fait de proposer des futurs qui ne soient pas justement déprimants ou dystopiques. Je découvre aussi toute la richesse de la science-fiction, y compris historique, parce que c’était la littérature d’il y a 30 ans. Je découvre toute la richesse de cette littérature en sortant de ce que je pensais, à cette espèce de peuple, que j’appelle le paravent de la science-fiction, qui sont les grands noms qui sont les plus connus et que moi, j’ai lu et j’ai connus pendant très longtemps sans trop connaître ce qu’il y avait derrière le paravent, que sont Isaac Asimow, Franck Herbert, Philip K. DIck, George Orwell, toute une littérature, essentiellement anglo-saxonne d’ailleurs, et qui n’est pas spécialement optimiste et axée sur la société du futur égalitaire où tout ira bien. Je pense qu’on souffre d’un prisme médiatique qui met beaucoup l’accent sur le post-apo et sur le fait que ça va mal aller, et le dérèglement climatique, et puis le fascisme, et puis la dictature, Margaret Atwood

Je pense que c’est plus un bruit de fond médiatique qui donne l’impression que la science-fiction, ça doit être badrant et ça doit décrire le fascisme qui vient. Je pense qu’il y a plein d’autres choses qui existent et c’est vrai que moi, j’aurais envie de faire partir de cette autre chose Ça fait partie de cette autre chose.

Je t’ai vu aussi dans un autre contexte puisqu’on a été tous les deux sur une table ronde à Angers autour de la responsabilité sociétale des entreprises. Je sens un véritable engagement de ton côté dans la société et aussi une volonté, d’une certaine façon, de dire aux gens de se réveiller. Tu penses aujourd’hui que l’engagement est moins marqué, que ce soit chez les jeunes ou de façon globale dans la société ?
Non, ça, je ne pense pas. Non, non. Mais par contre, moi, tout mon propos et tout mon engagement, c’est sur la question de la démocratie. Je suis arrivé à la conclusion que la démocratie telle qu’on la définit le plus couramment comme, en gros, les sociétés occidentales avec un système électoral, pluri-partisan éventuellement, avec deux chambres, des élections unilominales à deux tours, si on veut, etc. C’est une très mauvaise démocratie. Historiquement, ça a été conçu comme une mauvaise démocratie. Sur lui, les révolutionnaires des 89, il n’y a pas trop de mystère sur le fait que l’élection, c’est un système aristocratique, contrairement au tirage au sort qui est un système conçu comme démocratique à l’époque. Je pense que mauvais système démocratique et qui est malheureusement assez peu pensée comme telle. En général, on dit: Oui, la démocratie, c’est nous. Et puis le fascisme, la tyrannie, c’est les autres. Moi, je pense que la démocratie doit être modifiée, est accessible, mais doit être recherché. Je pense que c’est une pratique. Ce n’est pas un interrupteur oui/non, c’est une pratique qui est constante et qui peut toujours améliorer. Je pense que mon engagement, il va dans ce sens, de dire: La démocratie, c’est On peut la pratiquer au quotidien.

Je pense que l’associatif, c’est quelque chose d’incroyable sur la démocratie en France. Je pense qu’il y a même plus de pratiques démocratiques dans l’associatif que dans le fait d’aller voter une fois tous les cinq ans pour X parties. Mon propos, c’est de dire que tout militantisme est politique et que c’est de faire prendre conscience aux gens que La démocratie, ce n’est pas monsieur Bidule qu’on a élu. C’est vous, c’est tout le temps, c’est tous les jours, c’est partout. En gros, on n’a pas besoin de patron, on n’a pas besoin d’élu pour nous dire quoi faire et qu’on peut très bien s’auto-gérer nous-mêmes et prendre en main notre quotidien.

Aujourd’hui, tu es à Hypermonde. Tu y étais aussi hier d’ailleurs, cette saison. Quel rapport tu as sur ces salons et la rencontre avec le public ? Qu’est-ce que ça t’apporte en tant qu’auteur ?
Il y a deux dimensions. D’abord, c’est un lieu de rencontres professionnelles et amicales. C’est un lieu de camaraderie où on peut rencontrer d’autres auteurs qu’on apprécie ou qu’on ne connaît pas et qu’on découvre. On rencontre aussi des gens comme toi qui font des chroniques, des critiques, des éditeurs, des éditrices, des universitaires. C’est vraiment super. Et puis, on rencontre le public. Ça aussi, c’est super dans un autre genre. Il y a un peu la barrière de la table et qu’on essaye d’oublier dans les moments de dédicaces. C’est l’occasion d’avoir des retours sur ce qu’on écrit et de se rendre compte que ce qu’on écrit nous échappe parce que c’est pris par des lecteurs et des lectrices qui en font leur compréhension, leur interprétation, qui transmettent, qui comprennent des choses que nous, on n’a pas compris en écrivant ou qui ne comprennent pas. C’est aussi intéressant pour nous auteur de se comprendre. Je comprends que ce qu’on pensait parfaitement clair quand on l’écrit. Pas du tout.

Tu es déjà dans un processus d’écriture ? Tu as quelque chose qui arrive ?
Non, j’ai quelque chose qui est en train de me processer, on va dire, dans le pur domaine de mon cerveau et de m’écrater de l’écriture, mais c’est vraiment des idées… Je ne me suis pas mis à me lancer dans une nouvelle narration spécifique. C’est des idées qui sont en train de m’acérer pour peut-être donner quelque chose en 2026.

Je te remercie beaucoup pour cet échange et je te souhaite une bonne fin de festival.
Merci.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.