Réalisée par :Mail
Date :Novembre 2007
Orcusnf :Bonjour Jean-Louis, pourriez vous vous présenter à nos lecteurs ?
J-L Sévilla :40 ans depuis un an et demi, lecteur vorace depuis l’âge de 7 ans. J’ai découvert la littérature fantastique avec Le chien des Baskerville, vers 10 ans. Mes parents m’avaient interdit de voir le film à la télévision, comme ils avaient le livre dans leur bibliothèque, je l’ai emprunté et lu en cachette le soir où il passait. Les conséquences ont été funestes : vingt ans après je sacrifiais une semaine de vacances à arpenter la sinistre lande du Dartmoor (où se déroule l’action et où la sinusite rôde encore au mois d’août). Aujourd’hui je me méfie toujours des chiens qui dépassent vingt centimètres et j’évite de lire des romans d’épouvante. Ensuite, j’ai lu Asimov, des Van Vogt, Barjavel, des Philip K. Dick, et du Lovecraft et quelques douzaines de space operas édités chez Fleuve Noir. . J’ai commencé ma vie professionnelle comme journaliste, avant de passer à autre chose.
Orcusnf :Un monde sans elfes est votre premier roman publié, mais avez vous déjà écrit avant ? Et si non, pourquoi avoir voulu écrire ce roman ?
J-L Sévilla : Ecrire est un passe-temps ancien: j’ai noirci plusieurs gros cahiers sans intention d’en faire des romans, puis j’ai voulu envoyer un manuscrit à des éditeurs avant d’avoir 40 ans : c’était Un monde sans elfes. Quelques éditeurs ont été intéressés et j’ai choisi la plus petite maison : plus d’humanité, moins de commerce.
Vous me demandez aussi « pourquoi avoir voulu écrire ce roman ? ». On n’écrit pas ce qu’on veut mais ce qu’on peut, dixit je ne sais plus qui . Une question me trottait dans la tête depuis longtemps: qui nous succédera ? A quoi ressemblera le successeur de l’homo sapiens ? Comment nous supplantera t-il : subrepticement? Soudainement ? Brutalement ? Sera-il un descendant ? Une branche collatérale ? Le fruit d’une sélection naturelle ou d’un cataclysme? Est ce que nous l’accepterons ?
Orcusnf :Pourquoi avoir choisi de mêler polar et fantasy ? A l’exception du titre, Un monde sans elfes est très éloigné de l’univers de la fantasy. Il se déroule de nos jours, dans une monde sans fées, ni sortilèges, ni puissance des ténébres. J’ai du mal à lui donner un genre, mais si vous insistez, je dirais que c’est un polar fantastique.
J-L Sévilla :A l’exception du titre, Un monde sans elfes est très éloigné de l’univers de la fantasy. Il se déroule de nos jours, dans une monde sans fées, ni sortilèges, ni puissance des ténébres. J’ai du mal à lui donner un genre, mais si vous insistez, je dirais que c’est un polar fantastique.
Ces réserves étant faites, je ne voudrais pas renier la référence Tolkino-fetjainienne et leur vision d’un monde divisé entre plusieurs espèces partagées entre l’alliance et l’antagonisme.
Orcusnf :Pensez vous que ce livre pourrait être destiné aussi à la jeunesse ?
J-L Sévilla :Oui, sans hésiter… mais pas avant 14 ans, l’âge de conduire une 50 cm3.
Orcusnf :Quels sont les sources artistiques qui vous ont inspiré ?
J-L Sévilla :S’il faut faire des choix : l’architecture para-humaine de Gaudi, les vocalises elfiques de
Bjork, le rythme des thrillers américains, l’angoissante sobriété du 1984 d’Orwell, le cauchemar
d’Innsmouth de Lovecraft. Au cinéma : les films de Myazaki, Blade runners et Brazil. En sculpture : le Moïse à cornes de Michel Ange pour faire un clin d’Œil aux slans de Van Vogt.
Mes dernières lectures en fantastique: Dan Simmons (le cycle d’Hypérion et l’échiquier du mal) et le remarquable Lunar Park de Bret Easton Ellis, qui glisse page après page de la comédie de mŒurs américaine vers le roman d’épouvante pur et simple.
Orcusnf :On peut aussi y voir une forte présence de l’actualité, notamment avec des elfes très similaires à des terroristes, des importuns qui dérangent.
J-L Sévilla :Le terrorisme est le seul moyen d’expression de beaucoup de minorités. Il y a des terroristes sanguinaires et d’autres qui visent leurs oppresseurs. Mes elfes pratiquent un terrorisme non létal, qui échoue. L’échec est il une raison pour abandonner ?
Orcusnf :Les elfes sont ils plus pour vous des mutants, comme on a pu en voir beaucoup avec un auteur comme Van Vogt, ou plutôt une autre espèce ?
J-L Sévilla :Le débat est loin d’être tranché: les elfes sont-ils des mutants, des cousins, nos descendants, une épidémie, des fossiles vivants, nos ascendants? Je ne crois pas qu’on puisse avancer une réponse simple ou univoque. S’ils étaient végétaux, les elfes seraient épiphytes, se développant sur d’autres espèces – sans les parasiter – et réapparaissant par marcottage.
Au delà de cette analogie végétale, il est avéré c’est que les elfes ont frôlé l’extinction au début du
moyen-âge, qu’ils connaissent actuellement une résurgence et que l’interfécondité humains-elfes ne pose pas de problème. Certaines caractéristiques elfiques – comme la capacité à hiberner, la perception de sons inaudibles par les humains ou la résistance au froid- laissent penser qu’ils proviennent d’un rameau archaïque de l’humanité, isolé il y a des centaines de milliers d’année et qui aurait suivi un développement propre dans un climat vraisemblablement froid. Une parenté avec les hyperboréens n’est pas exclue. En revanche d’autres caractéristiques – comme la
stabilité émotionnelle, l’intuition ou la fragilité des dentitions elfiques – militent davantage en faveur d’une évolution de l’homo sapiens que d’un rameau archaïque. Le plus déconcertant est probablement la capacité des elfes à accéder à leur mémoire collective, une mémoire de l’espèce à mi-chemin entre l’instinct et le savoir. Contrairement aux humains, les elfes, même isolés,
semblent avoir accès à cette mémoire innée qui les dispense d’acquérir individuellement certaines connaissances. Bien qu’il semble que le cerveau humain possède une mémoire analogue, les humains n’y n’accèdent que fugitivement, dans des états de conscience rares et particuliers (méditation, transe, sommeil…). Cet avantage cognitif des elfes rend difficile la mesure de leur intelligence individuelle, mais elle leur confère une supériorité très nette sur
les humains, notamment dans l’apprentissage des langues et dans l’adaptation sociale.
Orcusnf :Un détail assez gênant, c’est la facilité avec laquelle Marek et Syriane se débarrassent à chaque fois des limiers. Jeunes elfes, l’un à peine initié et l’autre ignorant quasiment tout, font preuve d’une dexterité incroyable au combat tandis que leurs adversaires sont plutôt balourds, ratent tout. Pourquoi une telle facilité dans le scénario ?
J-L Sévilla :Je m’insurge : les limiers réussissent quasiment toutes leurs opérations, notamment lorsqu’il s’agit d’éliminer les elfes en masse. Effectivement, ils sont moins heureux dans la poursuite d’elfes isolés qui n’est pas leur activité de prédilection. Mais je vous rappelle que les elfes ont accès à une mémoire d’espèce et qu’ils jouent leur vie, ce qui n’est pas le cas des limiers.
Orcusnf :Quel plaisir avez vous éprouvé à redéfinir l’histoire humaine à partir d’une donnée nouvelle ?
J-L Sévilla :Il y a plusieurs façon d’écrire et de lire l’histoire. Si vous prenez un manuel d’histoire de terminale des années 1980, il est frappant de constater que les mouvements religieux et ethniques sont à peine mentionnés, et que les échanges culturels, religieux, artistiques sont ignorés. Or radicalismes religieux et les antagonismes ethniques sont probablement la principale cause des conflits actuels et la mondialisation de la culture le plus changement le plus profond. Les forces qui ont animé les grands épisodes de l’histoire humaine nous sont aujourd’hui largement inintelligibles. Comprenez vous pourquoi et comment les allemands, les anglais et les français se sont considérés comme des ennemis héréditaires pendant un petit siècle ? Pourquoi les hutus et les tootsies ont ils voulu s’exterminer ? Franchement, j’ai du mal pourtant cela s’est produit hier ou avant hier. En revanche, certains évènements deviennent intelligibles si on les relit avec une autre perspectives. Je suis très perplexe sur le caractère fortuits de certaines coïncidences et sur les analyses généralement admises de beaucoup d’évènements. A quoi rime la destruction du Havre ? Pourquoi la colonie de Thulé a t-elle disparue ? Et la malédiction des Kennedy ? Et les rocks stars qui meurent à 27 ans ? Ce n’est pas parce qu’elles sont connues qu’elle sont expliquées.
Orcusnf :N’avez vous pas peur de faire de votre roman une oeuvre à la mode, surfant sur les grands complots millénaires, plutôt qu’un roman original ?
J-L Sévilla :Je laisse aux lecteurs le soin d’apprécier l’originalité. Je dirais que c’est un roman personnel, sinon je n’aurais ni su ni pu l’écrire… Vous savez on écrit avec les idées de son temps. Ce n’est pas surprenant que des thèmes similaires ou voisins inspirent différents auteurs.
Orcusnf :La fin est assez ouverte, peut on espérer une suite ? Avez vous d’autres projets en cours ?
J-L Sévilla :Deux fois oui.
Orcusnf :Que peut on vous souhaiter ?
J-L Sévilla :J’ai le droit de faire un vŒu ? Garder le plaisir d’écrire et de lire Un deuxième ? Que ce livre sorte en version poche.
Orcusnf :Un dernier mot pour la fin ?
J-L Sévilla :C’est douloureux, mais j’aimerais bien que le cyber corbeau qui a essayé de descendre ce livre sur le web perde quelques plumes et l’envie de recommencer .
Laisser un commentaire