Réalisée par :mail
Date :novembre 2005
A l’occasion de la sortie du premier volume des chroniques de la Lune de Sang, son auteur, Jean-Luc Bizien a accepté de répondre à quelques unes de nos petites questions, grand merci à lui 🙂
Allan : Jean-Luc, bonjour, tu n’es pas nouveau dans le métier, mais pourrais-tu néanmoins te présenter pour nos lecteurs / visiteurs ?
Bonjour.
Jean-Luc : effectivement, je ne suis plus un enfant (hélas). Je suis né en 1963 (le temps passe…) au Cambodge. J’ai vécu mon enfance et une partie de mon adolescence outremer, et je me suis installé en Normandie pendant un long moment.
J’ai écrit pour le Jeu de Rôles (Hurlements, Chimères et des participations à d’autres jeux, dont INS), et je me suis lancé dans l’écriture. J’ai publié depuis, d’abord pour les enfants, puis pour les adultes, une trentaine d’ouvrages, du policier au fantastique, en passant par la littérature générale. Je refuse de me laisser enfermer dans un genre particulier, et je vis de ma plume depuis quelques années.
Voilà. Pas de quoi écrire une thèse… Mais je suis plutôt content de mon parcours : je croise trop d’écrivains qui crèvent de leur art, et je serais donc malvenu de me plaindre.
Quand Audrey et Pierre, des Éditions Octobre, sont venus me proposer de publier de la fantasy, j’ai sauté sur l’occasion de revenir à mes premières amours. Ça a donné le Crépuscule des Aveugles.
Allan : Tu avoues sans détour ta fascination pour les Œuvres de Serge Brussolo : quel côté t’attire le plus dans ces écrits ?
Jean-Luc : Serge Brussolo ? Si vous ne le connaissez pas encore : foncez !
C’est autant l’écrivain surdoué que l’homme qui m’inspire le respect…
Serge est le romancier qui m’a donné envie d’écrire – j’ai découvert avec ses livres que les français AUSSI avaient le droit d’écrire du fantastique, que ce n’était plus un domaine réservé à une poignée d’auteurs anglo-saxons – et qui m’en a donné la possibilité, en me signant d’abord chez Denoël, puis au Masque.
J’aime son imagination sans limite, et son style. Il faut le rappeler, parce que les idées foisonnantes font souvent oublier le style, mais l’écriture de Brussolo témoigne de la classe d’un immense auteur.
Serge, c’est l’évasion, le rêve. Quel que soit le style et l’univers proposé. Comme disait un critique littéraire : Serge Brussolo est un genre littéraire à lui tout seul.
C’est également un homme très humain, pétri de qualités. Avec qui j’ai un vrai bonheur à travailler.
Allan : Ton parcours d’écriture est particulier, on sent nettement que tu flirtes avec tous les genres sans qu’il nous soit possible de t’attribuer un genre de prédilection… Tu ne te retrouves pas dans un genre particulier ou tu te retrouves dans tous ?
Jean-Luc : Je ne me pose pas la question en ces termes. J’écris des histoires, et il se trouve que ma sensibilité m’amène à investir des domaines très différents. J’écris, je travaille et quand l’ouvrage est terminé, je me demande à qui je vais le proposer.
De plus, je crois fermement que la profession à la fâcheuse tendance de vous enfermer dans une case – les éditeurs sont rassurés, quand ils vous ont catégorisé. Je dois avoir mauvais fond, mais je refuse de leur laisser ce plaisir.
Et puis j’ai grandi à l’école Brussolo (on y revient, encore, et toujours) et je sais qu’un lecteur sensible à une écriture suit l’auteur dans ses différents voyages. J’essaye donc de surprendre mon lectorat, en suivant d’autres pistes, pas forcément balisées.
Si les lecteurs m’accompagnent, alors j’éprouve une grande fierté.
Allan : Tu as aussi écrit pour la jeunesse, et je ne peux m’empêcher à chaque discussion avec un auteur jeunesse de poser la fatidique question : écrit-on de la même façon pour un enfant que pour un adulte ? Un public demande-t-il plus de rigueur qu’un autre ?
Jean-Luc : Dire qu’on écrit de la même façon, c’est mentir. On peut certes, tout écrire pour la jeunesse – c’est du moins ce que je crois – dès lors qu’on n’est JAMAIS ni gratuit, ni complaisant. Et on évitera, si possible, la violence psychologique. On peut aborder la violence, quand elle est au service du récit. Il ne faut pas prendre les enfants pour de pauvres petites choses sans défense, ni cervelle… Pour le reste, on s’efforcera également d’adopter un vocabulaire compréhensible (ce qui ne veut pas dire, contrairement à la politique menée par certains éditeurs, limiter le lexique à trois cents mots…)
Au contraire, quand on écrit pour les adultes, on est totalement libre, et dans la forme et dans le fond.
J’aime les deux approches. Je crois à une exigence et une rigueur identiques dans les deux cas, et je ne parviens pas à choisir. Je crois que ces deux écritures, très différentes, me permettent d’aborder mon métier de façon optimale.
Et puis j’avoue avoir été fonctionnaire pendant quinze ans, et ça suffit bien.
Allan : Tu viens de publier aux éditions Octobre le premier volet des chroniques de La Lune de Sang : comment s’est passé le contact avec Pierre Grimbert et Audrey Françaix ? Et pourquoi le choix d’un « jeune » éditeur ?
Jean-Luc : C’est l’éditeur qui m’a choisi. Pierre m’a appelé, on se connaissait un peu, on s’était croisé quelques fois, on avait travaillé ensemble en jeunesse, chez Bayard. Je connaissais également Audrey. Tout s’est fait en bonne entente.
Quant au choix d’un « jeune éditeur »… je l’ai déjà fait par le passé en littérature blanche, par exemple.
De plus, je ne crois pas aux « vieux » et aux « jeunes ». Je croise des « vieux » qui n’ont plus l’envie, ou qui font leur boulot comme pour s’en débarrasser, et des jeunes qui se battent et travaillent en vrais pros. Des jeunes qui sont déjà vieux et fatigués, blasés et sans flamme, et des vieux qui sont prêts à se lancer dans des aventures nouvelles, parce que c’est ce qui les anime : la passion.
Je crois aux rencontres, et j’aime la nouveauté.
Octobre, c’est l’occasion d’essayer autre chose. Et j’en suis très heureux.
Allan : Tu ouvres donc la voie du cycle avec ce premier volet – Le crépuscule des Aveugles – et comme je le disais dans ma chronique, par rapport aux autres Œuvres de fantasy, la quête me semble plus « désuète » : volonté de montrer un autre visage de la fantasy ?
Jean-Luc : Je n’en sais rien, à dire vrai.
J’écris l’histoire que j’aimerais lire. J’en ai un peu assez de cette surenchère dans les thèmes, dans les missions confiées aux héros de la fantasy actuelle. Je trouve que les miens ont assez de choses à gérer comme ça, les malheureux, sans pour autant qu’on vienne leur demander de bannir un archdémon ou qu’on exige qu’ils ramènent la paix sur leur monde.
Je m’attache aux personnages, aux ambiances. Et je n’écris pas PAR RAPPORT aux autres. Si l’on établit des liens, tant pis. Si l’on parvient à classifier ce livre entre tel titre ou tel autre, tant pis.
Mais si l’on passe un bon moment, qu’on s’évade à la lecture de ses pages, j’aurais rempli ma part de contrat.
Allan : Ce qui est toujours intéressant pour moi est de savoir le processus de construction des univers : alors pour le tien, as-tu suivi un plan que tu avais écrit avant ou écris-tu au fil de l’eau ?
Jean-Luc : Je ne commence JAMAIS un livre sans avoir les personnages PARFAITEMENT à l’esprit. C’est probablement une déformation du jeu de Rôles.
J’ai également le premier et le dernier chapitre. Et puis je lâche mes personnages dans la nature et je les regarde évoluer. Je me laisse parfois surprendre – et c’est l’un des grands plaisirs de ce métier, ce moment où les personnages prennent le pouvoir et s’échappent, où il faut les rattraper, les ramener… c’est aussi pour moi un moyen de combattre une certaine forme de routine. Quand on travaille dix heures par jour, sept jours sur sept, on a le droit de s’offrir ces petits plaisirs, non ?
Alors oui, il m’arrive d’écrire « au fil de l’eau » (l’expression est jolie !).
Allan : Pour tes personnages, t’es-tu inspiré de personnages déjà existants ?
Jean-Luc : Non. J’ai repris les prénoms des protagonistes de ma trilogie jeunesse, en clin d’Œil. Mais je me suis surtout attaché à mettre en scène des archétypes – presque des caricatures – du genre, pour mieux les faire imploser. La fantasy est une « littérature de spécialistes ». Pour surprendre le lecteur, il faut jouer avec les codes, aussi.
J’espère y être arrivé.
Allan : Quel avenir vas-tu donner à tes personnages, un petit scoop ?
Jean-Luc : Ils sont mal en point, à l’issue du Tome 1, non ?
Disons qu’ils ne bénéficient pas des fabuleux pouvoirs du phénix.
Quoique… (à suivre).
Allan : Le prochain volume est prévu en 2006, est-il déjà fini et d’autre part, la fin est elle déjà écrite ?
Jean-Luc : La fin est écrite, oui.
Mais le second tome est encore en cours de rédaction. Je mène plusieurs projets de front, en ce moment, et c’est compliqué d’achever celui-là.
J’ai hâte de retrouver mes personnages, de leur consacrer toute mon énergie et mon temps. D’ici une semaine, ce devrait être à nouveau le cas.
Allan : Quels sont tes projets à court terme ?
Jean-Luc : Il y en a beaucoup…
Continuer à publier des livres-jeux avec des illustrateurs que j’admire, et qui sont des amis dans la vie.
Écrire mon second roman pour Sabine Wespieser.
Achever la préparation d’une série policière historique.
Lancer une nouvelle série jeunesse.
Livrer dans les temps mon second roman aux Éditions Octobre.
Coécrire un scénario pour le cinéma, un projet énorme.
Et surtout, SURTOUT : trouver du temps pour ma femme et mes fils !
Allan : As-tu visité notre site et si oui qu’en dirais tu ?
Jean-Luc : Oui. Je me suis un peu renseigné avant de répondre à l’interview… 😉
Tout ça me paraît bien fait, clair. Un visiteur novice ou égaré devrait s’y retrouver sans problème, et c’est une qualité : trop de sites se referment sur eux-mêmes, trop d’éditeurs oublient de partir à la rencontre d’un lectorat plus large.
Encore une fois, je crois à la rencontre, à l’échange. Un complet novice doit pouvoir entrer dans un site et ne pas s’y perdre. Je crois que c’est le cas du vôtre.
Et cela ne peut se passer qu’en élargissant les frontières de ce petit monde de la fantasy.
Allan : Que peut-on te souhaiter ?
Jean-Luc : Beaucoup de courage, sans doute.
Et de joyeuses fêtes avec mes amis et mes proches.
Ah ! Et une nouvelle guitare électrique aussi (mon second vice).
Allan : Le mot de la fin sera :
Jean-Luc : Rendez-vous au détour d’un salon du livre.
Échange, dialogue, discussion – les livres servent aussi à ça.
Mille amitiés,
JLB
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