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Interview : Valérie Bettencourt

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Allan : Bonjour Valérie, avant toute chose, je vais te demander de te soumettre à la classique et passionnante question : Qui es-tu, D’où viens-tu et Que fais-tu ?

Valérie : Je suis intermittente du spectacle depuis bientôt trente ans. J’ai été comédienne (petits rôles dans des films et au théâtre, je n’avais pas trop la vocation…). J’ai été assistante sur des films et aussi un peu dans le show-biz, la musique. A un moment, j’en ai eu marre de tout ça, j’ai arrêté et j’ai voyagé. Et puis j’y reviens. Je continue de faire des voix de pub de temps en temps en télé et en radio. Et surtout, j’écris, parce que c’est ce qui me correspond le mieux, je crois…

Allan : Les Femmes de mes vies parle de Stéphane qui semble représenter l’archétype du Mâle… Penses-tu réellement qu’il représente la majeure partie de la gente masculine ?

Valérie : Non, et heureusement! Stéphane est un personnage poussé à l’extrême… mais j’ai tout de même rencontré des types qui lui ressemblaient beaucoup, et qui m’ont inspirée. Par contre, ce que je crois, c’est que le sexe est essentiel pour les hommes, et ceux qui me contrediront sont des hypocrites… Pour certains c’est même une obsession totale, qui doit être handicapante car elle mobilise toutes leurs pensées. J’ai reçu quelques messages de lecteurs qui m’ont avoué se reconnaître un peu en Stéphane. J’aime bien ceux-là, ils sont honnêtes. Ils n’ont pas peur de dire qu’ils sont plutôt dominés par leurs hormones et qu’ils n’arrivent pas bien à maîtriser la chose. Et moi je ne les méprise pas, je n’ai vraiment rien contre mes camarades testostéroneux, je me dis simplement que leur dépendance au sexe ne doit pas être facile à gérer tous les jours et que je n’aimerais pas être à leur place!

Allan : Ce dernier va se retrouver dans une situation bien embarrassante : il jouera sa vie – sentimentale – au Freecell : peux-tu nous dire pour quelle raison tu as choisi le Freecell?

Valérie : Il y a une dizaine d’années, je me suis mise à jouer au Free Cell et je suis devenue complètement accro, comme Stéphane. Quand je commençais, je ne pouvais plus m’arrêter, j’étais hypnotisée par ce jeu et ça pouvait durer des heures. Comme ça ne m’était jamais arrivé avec aucun jeu, je me suis dit qu’il y avait là-dessous quelque chose qui n’était pas normal et que je devais comprendre. Et un jour, brutalement, j’ai compris : il y avait dans ce jeu une dimension métaphysique dans ces trois choix (recommencer la partie, en prendre une au hasard ou la choisir). Je me suis dit que la vie était comme une partie de cartes, avec ses coups de chance et de malchance, ses coups de bluff et ses stratégies, et qu’il serait incroyable de pouvoir la recommencer, la choisir ou en vivre une autre au hasard. Cette idée me fascinait et c’est comme ça qu’est née l’histoire. Comme j’étais plutôt versée dans l’écriture cinématographique à ce moment-là, j’ai rédigé un synopsis de téléfilm sur quelques pages. Il était beaucoup plus sage, beaucoup moins basé sur le sexe. Mais aucun producteur n’a voulu de cette histoire, beaucoup trop farfelue pour les chaînes de télé. Alors je l’ai laissée tomber pendant des années. Puis un jour j’ai décidé d’essayer d’en faire un roman, je l’ai écrit et six mois plus tard j’avais un éditeur.

Allan : Le seul élément qui ne lui sera pas autorisé sera le sexe… Est-on certain que c’est bien le sexe qui le fait tourner et pas plutôt une volonté de séduire avant tout, le sexe n’étant qu’une conséquence ?

Valérie : Le sexe est le seul élément qui ne lui soit pas autorisé car le sexe est son obsession. S’il avait été obsédé par l’alcool, c’est l’alcool qui lui aurait été refusé. Il est mis face à sa plus grande faiblesse, face au problème qu’il doit résoudre et dépasser pour se libérer et grandir. Mais il est vrai aussi que la séduction intervient forcément. Pire que la séduction : le besoin d’amour. Le moment où Stéphane comprend que sa quête de sexe effrénée n’est en réalité qu’une quête d’amour déguisée est le tournant de l’histoire. A partir de ce moment là, il se remet en question, il change, il évolue. Il commence par se taper une bonne déprime, puis il se relève et accorde plus d’importance aux sentiments. Il n’a plus ce besoin absolu de sexe, même si le sexe chez l’homme est une nécessité physiologique qui n’a pas forcément de lien avec le sentiment… J’ai une grande tendresse pour Stéphane! Au début il est un ado attardé et tête à claque, puis il devient un type touchant et attirant. Et c’est le paradoxe : il devient séduisant lorsqu’il arrête d’essayer de séduire…

Allan : Qu’as-tu voulu montrer à travers cet exercice ?

Valérie : Je n’ai pas vraiment décidé de « montrer » quoi que ce soit, l’histoire est arrivée dans ma tête et je l’ai écrite. C’est ma manière d’écrire : soudain je suis obnubilée par une histoire qui s’impose à moi, et je l’écris très vite, du soir au matin pendant des semaines, sans m’arrêter, d’une manière presque automatique. Puis rien ne vient pendant des semaines ou des mois, et d’un seul coup ça recommence, une nouvelle histoire me descend dans la tête et ne me lâche pas jusqu’à ce que j’aie terminé de l’écrire. Alors je m’enferme à nouveau devant mon ordinateur. Mais s’il y a quelque chose à « montrer » dans cette histoire, c’est plutôt le problème de la dépendance en général (ici en l’occurrence le sexe et les cartes). L’attachement obsessionnel à quelque chose (sexe, drogue, ou même sentiment amoureux, etc) ou à quelqu’un ne peut pas rendre heureux, car il empêche d’être libre, et qu’à mon sens la liberté est une condition essentielle au bonheur.

Allan : Vas-tu faire le même exercice avec un personnage féminin pour donner un « pendant » à ce titre ?

Valérie : L’idée est intéressante, je n’y avais pas pensé! Mais alors il faudrait trouver autre chose, une obsession féminine plus répandue, parce qu’à de rares exceptions près, les femmes ont plus besoin de sentiment que de sexe… Alors quoi? Le chocolat? Le shopping? Dans ce cas, il vaudrait mieux que ce soit écrit par un homme, non? Moi, je me suis tellement amusée à parler de sexe et de séduction comme un mec…

Allan : Quels sont les projets que tu as en cours ?

Valérie : D’abord la version scénario de film de « les femmes de mes vies ». J’ai un réalisateur qui s’y intéresse beaucoup, alors il reste à convaincre un producteur… croisons les doigts!

Ensuite la sortie de mon deuxième roman est prévue en novembre, si tout va bien. Je ne peux rien vous en dire, sauf que ce sera très différent des « femmes de mes vies », pas du tout une comédie, mais toujours dans le registre fantastique, ou plutôt situé dans un futur proche. Là encore la version scénario est écrite… Et puis j’ai écrit un projet de série documentaire sur l’engagement des bénévoles dans les associations caritatives, et je travaille dessus avec un producteur. Et j’ai d’autres sujets de documentaires en tête. Enfin j’aimerais bien terminer mon troisième roman et sa version scénario… Donc voila, je n’ai pas le temps de m’ennuyer!

Allan : Que peut-on te souhaiter ?

Valérie : De recevoir toute ma vie l’inspiration pour écrire des histoires qui feront passer de bons moments aux lecteurs, ou même les aideront et les inspireront dans leurs vies. J’ai envie de toucher un maximum de gens, de les divertir et peut-être même de pouvoir leur apporter quelques sujets de réflexion, mais toujours d’une façon légère, ludique. De pouvoir continuer à écrire sous différentes formes, romans, scénarios, sujets de documentaires ou de séries télé, peut-être un jour pour le théâtre (pour ne pas être enfermée dans une catégorie, toujours cette passion de la liberté!).Avec toujours l’envie d’être utile, d’apporter quelque chose…

Allan : Le mot de la fin sera :

Valérie : Amusez-vous avec « les femmes de mes vies ». Au premier niveau, c’est une comédie sur la dépendance masculine au sexe, une comédie qui n’est ni contre les hommes, ni contre le sexe. Mais c’est aussi une réflexion sur le choix : si nous avions la possibilité d’obtenir tout ce que nous désirons, est-ce que nous serions forcément plus heureux? Est-ce que nous ne voudrions pas chaque fois encore plus, sans jamais être satisfaits? Une réflexion sur la liberté : comment se débarrasser de ce qui nous enchaîne, nos habitudes, nos obsessions, nos dépendances, pour être plus libres et donc plus heureux? Une réflexion sur le bonheur : au lieu de nous projeter dans des vies imaginaires, ne ferions-nous pas mieux de savoir apprécier ce que nous avons dans notre vraie vie, plutôt que de rêver toujours à ce que nous n’aurons jamais, ce qui nous fait plutôt souffrir? Et encore à un autre niveau, plus spirituel, peut-être est-ce une allusion à la réincarnation, à toutes ces vies qu’il faut vivre pour grandir, évoluer, devenir meilleurs… Chacun y verra ce qu’il voudra…


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