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Interview : Olivier Bidchiren

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Le salon du livre fut l’occasion pour moi de rencontrer Olivier, l’auteur des Méandres de la Folie, sur le stand des Editions Nuit d’Avril… Suite à quoi, nous avons pu échanger autour de ce recueil…

Allan : Bonjour Olivier et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions.

Olivier : Bonjour Allan… et, au passage, je salue et remercie toutes celles et tous ceux qui me liront. C’est toujours un vif plaisir de répondre à des questions. Pitié, je l’avoue ! J’adore ça ! Et puis, ça fait partie du métier d’écrivain. Allez ! On se jette à l’eau : un… deux… trois… c’est parti ! (Mince ! J’oubliais que je ne savais pas nager ! ).

Allan : Bon avant toute chose, je tiens quand même à dire que tu es un des rares auteurs (en fait le deuxième après Bernard Lentéric) que j’ai pu rencontré avant de l’interviewer, quel effet cela te fait-il ?

Olivier : Le fait de s’être rencontrés auparavant permet – à mon humble avis – déjà de mettre un visage sur les écrits et, grâce à la manière de s’exprimer, d’échanger des mots ou des idées, de perfectionner l’interview. Le paraître aide parfois à deviner l’être. D’autre part, je suis toujours ravi de faire une nouvelle rencontre et, comme je disais, de coller un visage, un regard et une voix sur la personne qui me lira puis qui me posera un tas de questions. Je suis donc comblé : le fait d’avoir voulu me rencontrer avant de produire l’interview est un honneur. Et ça me réchauffe le cŒur et l’esprit.

Allan : Tu n’en es pas à ton premier recueil de nouvelles, mais comme nous ne te connaissons très peu, je te demanderais si tu l’acceptes, de bien vouloir nous parler un peu de toi ?

Olivier : Question délicate ! Ce n’est jamais très évident de parler de soi, de se décrire, de se cerner, car on ne sait pas ce que l’autre attend de vous.

Donc, en effet, ce n’est pas mon premier recueil de nouvelles. Les Méandres de la Folie est le cinquième. Il y a eu d’abord Images d’Outre-Mondes aux Éditions de l’Agly, une première édition en 1998 et une seconde en 2000. Il a été récompensé par la Plume d’Honneur du Prix du Haut-Poitou en 2004 ; ce qui était pas mal dans la mesure où il s’agit d’un prix en littérature générale faisant la part belle aux romans. En second, Les Aventures du Chevalier Caravan aux Éditions New Legend, épuisé aujourd’hui, mais qui pourrait revoir le jour sous le titre de Prisonnier du Temps chez éventuellement Nuit d’Avril. Cette nouvelle mouture comportera deux nouvelles inédites. Ensuite, a été publié le recueil Les Sept Vallées de la Gloire aux Éditions des Écrivains, aussi épuisé. J’espère qu’il connaîtra un nouvel avenir chez Nuit d’Avril si Franck Guilbert est intéressé. Enfin, Ésosphères est paru en édition numérique chez Sycomor. Au sujet de ce dernier, hormis la très belle illustration de Philippe Coriat, la vente par téléchargement ne fonctionne pas. Donc, pas de panique, le livre papier conserve un bel avenir devant lui. Voilà pour l’aspect éditorial. Toutefois, avant ces recueils, un grand nombre de nouvelles ont été publiées dans divers supports : fanzines, revues, magazines, anthologies, journaux, etc., tant en France qu’à l’étranger. Ma première nouvelle a été publiée dans Magie Rouge en Belgique qui était dirigée par Suzane Vanina, la seconde dans Les Nouvelles Sinologiques en Chine (texte qui avait obtenu le 4e prix du Département de Langue Française de Pékin/Radio Beijing), puis de nouveau en Belgique, dans Xuensé, le fanzine de notre ami Alain le Bussy. Comme quoi, nul n’est prophète en son pays. La première publication en France remonte à 1989 avec une nouvelle publiée dans Le Jeu des Tombes, micro-édition de Philippe Pissier.

Qui suis-je ? (Coup de cymbales). Je suis écrivain. Ouf ! Je l’ai dit. Je m’en tire plutôt bien, là, non ? Bon, blague à part ! Ma vie présente a commencé un 29 avril 1964, en pleine canicule, au moment du déjeuner, presque dans la camionnette d’un peintre en bâtiments, entre un pot de peinture jaune, un blanc et un noir. Véridique ! Enfant, dans ma campagne tourangelle, je rêvais de châteaux en ruine, de chevaliers, de puissances nées des éléments, de fantômes et d’extraterrestres. Durant l’adolescence, je jouais de la batterie (jazz, blues, reggae, rock) et écumais les concerts. À 13/14 ans, un véritable tournant s’opère dans mon existence. Je quitte le milieu familial, dans une ambiance plutôt dramatique. Ma vie était ailleurs, mon avenir aussi. Plus tard, un sac sur le dos, chargé comme un bourricot, je fais quelques séjours dans diverses régions de France, en Italie puis en Grèce, pour bosser essentiellement : vendanges en Bourgogne, cueillette des cerises dans le Vaucluse, des prunes dans le sud-ouest, réfection de maisons en Savoie en alternance comme perchiste en remontées mécaniques et monteur en télécabines dans les stations de ski, gardiennage d’une maison bourgeoise en Italie (Bologne), cueillette des olives en Grèce, re-escale en Savoie avec un peu de boulangerie et l’élevage de chèvres. Puis, retour chez moi, à Tours : durant plusieurs mois, je vis dehors, dans la rue, dans le froid, à faire la manche pour survivre. Puis, coup de chance, signe du destin, heureux présage : je rentre dans une salle de spectacles pour devenir éclairagiste et sonorisateur. Une véritable aubaine. J’ai éclairé ou sonorisé des dizaines de concerts, de Jacques Higelin à Touré Kunda, de Téléphone à Charles Mingus, de H.F. Thiéfaine aux Berruriers Noirs, de Archie Chepp à Miles Davis, etc. ainsi que des spectacles de danse, des représentations théâtrales. Cette période était géniale, magique, fantastique, riche en enseignements, en découvertes, en rencontres. Puis, après le bonheur, le malheur. Le monde du spectacle, c’est comme une drogue : plus on en prend plus on en veut. J’étais donc allé trop loin dans ce voyage et il me fallait diriger mes pas ailleurs. Dommage, dans un sens, puisque je m’apprêtais à devenir régisseur général du théâtre national d’Ankara, en Turquie. Toutefois, il était trop tard. Accident. Dos brisé, irradiation de la jambe. Impossibilité de m’asseoir sans souffrance durant une année. L’univers du spectacle et de la nuit était terminé. Quoi qu’il en soit, ce fut une période féconde, intense. On la retrouve d’ailleurs souvent dans mes textes ; Les Réverbères fait partie de cet instant de ma vie. Comme j’avais un patron assez sympa, j’ai suivi ensuite une formation de scénariste, une autre en tant qu’animateur radio avant de passer le BAC en cours du soir et d’intégrer une fac d’histoire de l’art tout en étant maître d’internat.

Durant cette période, j’ai fondé Mouvement Khronos Éditions et la revue Micronos (25 numéros parus). Nous organisions des expositions dans des appartements, dans des maisons, de façon à montrer l’Œuvre d’art dans la vie quotidienne, animées par des concerts, des lectures de textes (nouvelles écrites en rapport avec les Œuvres exposées, implantées dans les littératures de l’imaginaire). Ce fut plusieurs années merveilleuses.

Aujourd’hui, je tente de vivre de ma plume. Aussi les activités autour de l’écrit se multiplient : critique littéraire pour plusieurs supports (Le Journal de Civray, Détours et des Nuit, …), animateur d’ateliers d’écriture ou directeur de concours de nouvelles en milieu scolaire, une pige par-ci, une pige par-là, les droits d’auteur des bouquins, etc. Par bonheur, j’ai mon épouse qui travaille selon qu’on lui donne un poste ou non – et qui est payée avec un lance-pierre –. Elle croit en ce que j’écris, et c’est le principal.

J’ai abandonné beaucoup de choses pour me consacrer corps et âme à la littérature ; et ce n’est pas toujours évident à vivre. Souvent, nous devons compter sur les aides sociales et sur la bourse alimentaire, pour ne pas sombrer.

Depuis l’âge de 13 ans, j’ai écrit – et comme vous avez pu le constater – souvent dans des conditions catastrophiques.. D’abord, je produisis des textes poétiques pour des groupes de blues (le principal étant The Blue Shelter = le style pouvait se rapprocher de John Mayall et de B.B. King avec des incursions du côté de The Manfred Mann Earth Band) puis de la prose poétique, plutôt néo-surréaliste voire avant-garde, avant de m’attaquer à la nouvelle.

Hormis cela, je m’occupe beaucoup de mon jardin et en tant que « papa-poule » et d’homme à la maison, je passe du temps avec mon fils, Virgile, et les tâches ménagères m’incombent. J’adore cuisiner, je suis très gourmand, j’ai horreur des choux de Bruxelles, je suis amateur de bons vins. Un conseil : il vaut mieux m’avoir en photo plutôt qu’à votre table, si vous ne voulez pas que je vous ruine.

Allan : À ce que j’ai pu voir, tu as navigué dans pas mal de métiers liés d’une façon ou d’une autre à l’art… Il était important à tes yeux d’être touche-à-tout ?

Olivier : Je suis devenu touche-à-tout malgré moi. C’était lié à des contingences matérielles. Puis, en y réfléchissant bien, si je n’avais pas vécu tout cela, mon écriture aurait été pauvre. Si c’était à refaire, je le ferais de la même manière. Sans ces expériences et les rencontres qui ont parsemé ma route, il ne se serait pas tracé une destinée, une voie initiatique, faite de métaphysique et de philosophie. Je vous garantis qu’il en faut quand vous n’avez rien à vous mettre sous la dent ou quand vous vous pelez dans un « appartement » sans chauffage, qu’il y a un mètre de neige devant votre porte et que des stalactites de glace pendouillent au-dessus de vos toilettes. Je dirais que oui, il est important d’être un touche-à-tout. Sans cela c’est la pauvreté de l’âme et de l’esprit et, a fortiori, de l’écriture. Savoir écrire est une chose, avoir quelque chose à dire, en est une autre.

Allan : Maintenant, j’aimerais savoir pour quelle raison tu as proposé ton recueil à Nuit d’Avril ?

Olivier : Ce n’est pas le fruit du hasard ! Je n’y crois pas. Il s’agit d’une rencontre… pas n’importe laquelle, d’ailleurs ! Pour tout t’avouer, on me l’avait prédit. Nous sommes en automne, et dans une petite fête du livre de la Nièvre, aux portes du Morvan, à Chaulgnes précisément, assis derrière un stand, je découvre Franck Guilbert et ses premiers ouvrages, les siens et le roman de David Gibert. Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais il y a eu comme une énergie qui m’a traversé. Un lien s’est aussitôt créé. Alors que Nuit d’Avril en était à ses balbutiements, je savais qu’il m’éditerait : j’avais en mémoire plusieurs indices que l’on m’avait fournis pour asseoir cette certitude. De plus, le nom de la maison d’édition me plaisait, les idées de Franck Guilbert me correspondait, son courage et sa détermination m’émoustillaient, sa ligne éditoriale était claire, limpide, précise. Une chose était sûre, j’avais rencontré Franck Guilbert en d’autres temps, en d’autres lieux, et là, nous nous retrouvions. Lors de notre seconde rencontre, je lui proposais un manuscrit. Résultat : tout s’est agencé rapidement, sans complication, avec naturel. Entre nous, s’est tissé plus qu’une relation éditeur/auteur, plus que de l’amitié. J’ai beaucoup de respect pour lui. J’ai toujours pensé que Nuit d’Avril allait grandir, mûrir, réussir. Je le souhaite bien évidemment pour moi, pour les auteurs que Franck a accueillis dans son écurie, et pour mon Grand-Chef en personne, il le mérite. De mon côté, je ferai tout mon possible pour que son entreprise fonctionne.

Allan : Les Méandres de la Folie regroupe 14 nouvelles toutes différentes ; comment as-tu fait le choix des nouvelles qui composent ce recueil ?

Olivier : Je ne les ai pas assemblées seul. Le recueil s’est construit autour de plusieurs manuscrits. Avec Franck, nous avons mené un travail de fond. Nous en avons discuté ensemble. Nous avons échangé nos points de vue, fait la part des choses. Il m’a soumis son avis. Je l’ai écouté. Je lui ai fait confiance. Il a agencé les textes de la manière qu’il le souhaitait. Étant donné qu’il allait publier le premier recueil de nouvelles de la collection, il fallait que ce soit nickel-chrome, parfait. Nous sommes donc partis sur un fil conducteur dont le départ est une rencontre initiatique, surnaturelle, universelle, sensitive, émotionnelle, le grain de folie qui va nous faire voir la vie autrement pour finir sur une donnée plus matérielle, physique, sur la complexité des rapports humains. Au final, en peu de temps, les Méandres de la Folie ont su s’imposer et conquérir son lectorat.

Allan : Alors on va entrer maintenant dans le vif du sujet : tu ne trouves pas que le ton poétique que tu emploies dans ces nouvelles va totalement à l’encontre du genre auquel tu l’appliques ?

Olivier : La poésie est une universalité. Tout est poésie. Pourquoi la poésie gênerait-elle le fantastique ? Tout comme l’humour, la dérision, l’absurde, la poésie est une partie intégrante de la vie et de la mort, elle est le sel de la littérature. Dans les ouvrages de Borges, de Calvino, de Buzzati, de Kafka ou de de Nerval, transpire la poésie. Nul ne s’en est rendu compte ? Et ce n’est pas tout. Lisez ou relisez Ptah Otep de Charles Duits (de la S.-F. poétique) qui relève du génie, Frankenstein de Mary Shelley est très poétique, Dracula de Bram Stocker aussi, L’Iliade et l’Odyssée d’Homère (fondements de la culture classique européenne), Les Chants de Maldoror de Lautréamont, l’Épopée de Gilgamesh. Imaginons le Diable en train de lire les Fleurs du Mal de Baudelaire, imaginons un vampire lire du Sade, un cannibale en train de lire du Henri Miller ! Toutes ses Œuvres littéraires ont allié la poésie à la créativité et sont devenues inoubliables. Je dirais que dans un grand nombre de romans, de récits, de recueils de nouvelles, la poésie s’y installe avec aisance. Toutefois, je consens à accepter que mon style soit particulier, pas courant. La poésie que je distille dans mes textes, tout comme l’ésotérisme que j’y déploie, sont des marques de fabrique : c’est à cela que l’on reconnaît des textes bidchireniens . Nul n’aurait pu les écrire à ma place. Leur force est là, par leur caractère sucré-salé et pimenté. Ces nouvelles-là ne sont pas faites pour entrer dans un moule, dans une catégorie bien définie. Pour résumer, disons qu’il s’agit de fantastique poétique. Ça dérange quelqu’un ?

Allan : Les voies et thèmes que tu explores sont très variés : voulais-tu proposer une large palette de façon à toucher le maximum de monde ?

Olivier : En effet. Et ça marche. Le lectorat est vaste. Mon plus jeune lecteur, rencontré en librairie, a 13 ans, et ma lectrice la plus âgée, rencontrée elle à un salon, en a 97. Le premier s’est déjà avalé Tolkien, tout Barjavel, et adore les auteurs russes, la seconde avait lu Huysmans, Wells, Verne, Lovecraft, et le fantastique avait été toute sa jeunesse. Et les deux étaient férus de paranormal. Toutefois, la moyenne d’âge se situe entre 30 et 60 ans. Lors de mes pérégrinations en salons et en librairies, les hommes et les femmes que j’y ai rencontrés étaient enseignants en collèges, en lycées ou en universités, employés dans diverses administrations, étudiants, médecins, avocats, agents immobiliers, politiciens, boulangers, agriculteurs, viticulteurs, restaurateurs, commerçants, V.R.P., secrétaires, auteurs, artistes de tout horizon (peintres, sculpteurs, photographes, musiciens, comédiens, réalisateurs, danseurs). J’ai même eu la visite d’un prêtre, d’un pilote de l’armée de l’air et d’un officier de police, tous trois amateurs de nouvelles, des passionnés de fantastique, intéressés par le paranormal. Et les femmes représentent 80 % de mon lectorat.

Allan : Si l’on prend la nouvelle Ligne Blanche, nous avons l’impression de retrouver un peu l’antithèse de l’écrit de Werber dans L’Empire des Anges : effet voulu ?

Olivier : Oui et non. D’ailleurs, plusieurs lecteurs m’ont déjà signalé cette impression. J’aime bien prendre à contre-pied les tendances du moment, provoquer et déranger. Émettre d’autres hypothèses, faire réfléchir, bouleverser les a priori, donner un coup de pied aux tabous, soumettre des idées, lancer des concepts, c’est le rôle de l’écrivain que je suis . Il n’y a aucun intérêt à faire de la complaisance. Par contre, ce n’est pas une réponse à L’Empire des Anges. J’apprécie beaucoup les bouquins de Bernard Werber. Et c’est même un bonheur d’être comparé à lui. Si vous avez trouvé cette antithèse, c’est que foncièrement nous avons une approche identique, tant divergente que complémentaire.

Allan : Dans Une page de vie bien remplie, tu abordes l’astrologie avec une tolérance importante : tu fais bien le distingo entre l’astrologie « scientifique » (thème astral) et horoscope. Es-tu sensible à l’astrologie ou est-ce uniquement pour l’histoire ?

Olivier : Je suis en effet très sensible à l’astrologie. Je la pratique, je la vis. En fait, les sciences traditionnelles, les arts divinatoires, l’ésotérisme, me passionnent. Il est normal et logique que j’utilise ces outils dans mes textes. Ils me servent pour dresser le portrait psychologique de mes personnages ou pour mettre en place une dramaturgie, comme dans la nouvelle Le Ballet des Astres. Ce sont des vecteurs de connaissances et de savoirs. Ils permettent d’appréhender l’univers qui nous entoure d’une manière tant spirituelle que philosophique. Ils peuvent nous guérir, être la clef de notre propre acceptation, pour mieux se connaître, pour se construire, pour se mettre en harmonie avec son Moi et la société dans laquelle nous vivons.

Allan : Plus globalement, quand on lit ces nouvelles, doit-on s’attendre à voir tes opinions sur des sujets variés exprimés ou alors il existe deux Olivier, l’Olivier citoyen et l’Olivier écrivain ?

Olivier : Il n’existe pas deux Olivier. Le « citoyen » et l’écrivain sont indissociables. Il est évident que mes pensées, mes opinions, mes préoccupations, mes révoltes et tout ce qui fait l’homme se retrouvent dans mes écrits. Si l’on ne s’implique pas dans ses textes, si l’on ne livre pas une partie de soi-même, si l’on ne fait pas partie intégrante de son Œuvre, c’est le signe que l’on ment, c’est un indice de dissimulation. Être soi-même, c’est respecter le lecteur. La sincérité et la vérité sont les ferments pour écrire une grande Œuvre.

Allan : Un personnage m’a fait tilté : Martin Loevenbruck… Doit-on y voir une référence à l’auteur de Gallica (Henri par contre) ou est-ce par pur hasard (auquel cas tu avoueras qu’il y avait de quoi se poser la question) ?

Olivier : Enfin quelqu’un qui me fait remarquer le nom de mon personnage ! J’ai croisé Henri Loevenbruck plusieurs fois, à divers salons. Nous ne nous sommes jamais vraiment parlés. Toutefois, il m’a toujours intrigué. J’ai souvent voulu l’approcher mais… je n’ai jamais osé. Vous savez, je n’en ai peut-être pas l’air, je suis très timide. N’ayez aucune crainte ! Je me soigne. Donc, d’avoir glissé son nom à l’un de mes personnages, c’était une certaine façon de dire : « Salut ! Ça va ? » Un court message de salutations, comme ça. D’autre part, j’aime bien ce nom, il sonne, il a quelque chose de magique, de grandiose. Je voulais que mon personnage est un nom comme celui-ci. Pour moi, le nom est une empreinte ; selon le cas, elle est belle ou non. Dans Les Méandres de la Folie, il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir une petite place de personnages secondaires, de ceux qui détiennent la clef : dans Le Collectionneur d’arbres, le belgo-australien n’est autre qu’Adam Possamaï, un auteur que j’aime beaucoup et qui vient de publier son excellent recueil de nouvelles Perles noires chez Nuit d’Avril. Il y en a d’autres, seulement ils vivent dans mon entourage immédiat et donc ils ne peuvent pas être connus du public.

Allan : Dans Une Naissance Particulière, il nous est encore prédit de grandes catastrophes écologiques. Dis, pourquoi toujours ce thème chez tout le monde ?

Olivier : Cette préoccupation est en effet récurrente tant dans les livres que dans les films . Ne nous voilons pas la face : la situation est grave et catastrophique. Il est donc normal d’en parler et d’étayer cette inquiétude, cette angoisse, par de multiples images de catastrophes écologiques. Il est l’un des moyens pour alerter l’opinion publique et les décideurs du monde entier. D’ailleurs, je trouve que l’on n’en parle pas suffisamment. Par malheur, il y a plusieurs décennies que nous aurions dû réagir. Encore une fois, il est un peu tard. Tant qu’il existera des intérêts économiques et financiers, tant que nous accepterons cette société malade, décadente, égoïste, rien ne sera fait dans le sens de l’intérêt général de la planète, de la vie végétale et animale. L’auteur a un devoir, informer. L’outil à sa disposition, le livre. Ainsi, on retrouve cette préoccupation dans Une naissance particulière mais également dans Le Ballet des Astres ou dans Le Collectionneur d’Arbres. La Résistance envers la destruction de notre monde passe par nous.

Allan : Globalement, es-tu satisfait du recueil ou trouves-tu que certaines nouvelles sont encore perfectibles ?

Olivier : Étrange question ! Supposes-tu que globalement il n’est pas parfait ?

Dans son intégralité, je suis très satisfait de ce recueil. Quant à la perfection… en quoi consisterait-elle ? L’Œuvre de Tolstoï est-elle perfectible ? Et Baudelaire ? Et l’interprétation cinématographique du Seigneur des Anneaux ? Les toiles de Dali et de Picasso, ne sont pas parfaites ? Le requiem de Mozart, ça ne va pas ? Aujourd’hui, mes 14 nouvelles ne sont pas perfectibles… elles sont la perfection telle que je la considère maintenant. Dans 10 ans, dans 20 ans, qu’en sais-je et qu’importe, je serai dans un autre état d’esprit. L’Œuvre est ce qu’elle est à l’instant où elle a été produite. Après, seul son long périple dans le lectorat la rendra mortelle ou immortelle. L’avenir dira si les nouvelles des Méandres de la Folie sont la perfection ou un simple ramassis d’histoires vite lues, vite oubliées.

Allan : Je ne sais pas si tu étais au Salon du Livre pour la première fois (moi en tout cas, c’était mon cas) ce qui ne va pas m’empêcher de te poser la question : te sens-tu à l’aise dans ce genre d’événements et que t’apporte-t-il ?

Olivier : Il s’agissait de ma quatrième participation au Salon du Livre de Paris. Ma première visite était lors du 18e Salon : l’un de mes textes poétiques avait été lu par un comédien lors d’une conférence au sujet de « l’Avenir de la création poétique » soutenue par la revue surréaliste, Supérieur Inconnu. Ça fait bizarre quand vous avez près d’une centaine de personnes qui vous applaudissent. Ensuite, j’y suis retourné quelques années plus tard pour dédicacer Les Aventures du Chevalier Caravan sur le stand de l’un de mes anciens éditeurs, New Legend. Cette année, il s’agissait de ma seconde participation consécutive sur le stand des Éditions Nuit d’Avril.

Mon agenda est rempli de ce genre de manifestations, en réalité tous les week-end sont pris. Je suis un peu comme les compagnons, je fais mon tour de France. Le 15 avril, je serai à la Maison de la Presse de Montrichard (41), le 22 à la librairie Plein Ciel de Châtellerault (86), le 23 au 1er Salon du Livre et de la Rose « La Saint-Georges » à Tours (37). En mai, je participerai aux Imaginales d’Épinal, le week-end suivant j’irai à Damparis dans le Jura, puis à Vendôme (41), à Prémery (58), à Quiévrain en Belgique, à Chaulgnes (ce salon a toujours été le lieu de la première présentation pour chacun de mes livres), à Sedan (08), etc.

Grâce à ces événements, je me retrouve dans mon élément. C’est un peu comme si je baignais de nouveau dans l’univers de la scène. J’y ressens l’ambiance des théâtres, la vivacité des festivals. Pour vivre, j’ai un besoin crucial de rencontres, d’échanges, de communications. Sans cela, je n’aurais plus de terreau dans lequel m’épanouir. D’autre part, il s’agit du seul et unique moyen pour rencontrer ses lecteurs, d’autres auteurs, des journalistes, des éditeurs, de connaître leurs impressions, de se tenir informé du monde dans lequel je vis car le salon littéraire est un lieu de brassages, de fusions, d’informations, d’émotions, de sentiments.

Allan : Je sais que tu as un autre projet en cours puisque nous en avons parlé au salon… Tu peux nous en parler ?

Olivier : En fait, étourdi par la foule qui se ruait sur le stand, je ne t’ai pas tout dit. Je n’ai pas un projet mais… plusieurs. Le premier à voir le jour sera sans doute un très bel ouvrage, un Beau-Livre, réalisé avec une peintre sur l’univers fantastique et initiatique des Mayas. Les toiles de cette peintre, Claudine Béhin (rencontrée au Salon du Fantastique « Chimeria » à Sedan), sont extraordinaires. Nous avons accroché à nos Œuvres respectives. Aussi avons-nous décidé de faire un bouquin ensemble. Moi, j’écris le texte, une histoire fantastique, ésotérique, initiatique, poétique et onirique, histoire de faire dans la dentelle. Cet ouvrage devrait paraître avant Noël 2006 aux Éditions de l’Échelle de Cristal.

Ensuite, il y a un autre recueil de nouvelles fantastiques qui me tient à cŒur, Dans l’antre des Esprits. Je viens de le proposer à Franck Guilbert. Cette fois-ci, mon nouvel ami et auteur, Michel Rozenberg (lisez Les Maléfices du Temps chez Nuit d’Avril, excellent ! il m’a flanqué la frousse.) signera la Préface.

D’autre part, en rapport avec le premier projet, des pistes sont actuellement en train de se dessiner pour d’autres livres unissant peintures fantastiques et littérature. La première se met en place avec la peintre bretonne, Antea, plutôt primitiviste, la seconde avec le peintre russe, Vladimir Petrov-Gladky.

Pour terminer en beauté, sur une note très différente, je viens d’achever l’écriture d’une trilogie, Les Voies du Temps, que nous pourrions affubler de l’étiquette (ça me gave ! ) space-opera.

Allan : Nous as-tu rendu visite, et que penses-tu de notre site dans l’affirmative ?

Olivier : Oui. Je m’y suis rendu plusieurs fois. Rien à redire en particulier ! Il est assez complet. D’autre part, le site a l’air actif, vivant, animé. Si, une petite chose : à mon goût, je le trouve un peu tristounet, ça manque de couleurs, et ça enlève de sa dynamique.

Allan : Que peut-on te souhaiter ?

Olivier : Que des bonnes choses, bien sûr !

Amour, gloire et beauté… Euh ! non ! Je ne suis pas sur la bonne chaîne.

Je te fais une liste, ce sera plus simple. Commence par m’envoyer une foule de lecteurs. Ensuite ajoute un fan-club. Et verse-y, en touillant, des monceaux de livres vendus, des jarres emplies de boulot, des prix littéraires à la pelle, des traductions dans la totalité des langues de ce monde et des autres, des adaptations cinématographiques avec une pléiade de stars, d’oscars et de palmes en tout genre, des voyages qui me feront sans arrêt rester jeune et, pour joindre l’utile à l’agréable, une montagne de gâteaux à manger. La cerise sur le plus gros des gâteaux : une navette spatiale, pour aller cultiver mon lopin de terre sur Mars. À part cela, je ne vois pas trop !

Pour rester plus lucide et terre-à-terre, je souhaite juste avoir de quoi vivre décemment. Le reste, je ne l’emmènerai pas dans la tombe.

Allan : Le mot de la fin sera :

Olivier : Alea jacta est, morituri te salutant.

Et

Carpe diem.

Et

Rock’n’roll.


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