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Interview de Sylvie Miller et Philippe Ward

Sylvie et Philippe ont accepté de répondre à nos questions suite à la parution de Lasser, un prisonnier sur le Nil dans les jours à venir. Les deux auteurs ne sont pas à leur coup d’essai pour l’écriture en commun puisque nous leur devons déjà Noir Duo, Plumes de chats et Contes de villes et de fusées. L’occasion d’échanger autour d’un détective privé plutôt sympathique :).

Vous pouvez déjà lire la chronique du titre concerné : Lasser, un détective sur le Nil.

Le personnage de Jean-Philippe Lasser était déjà présent dans Noir Duo, entre autres. Qu’est ce qui vous a poussé à reprendre ce personnage et a développer ces aventures ?

Philippe Ward : nous sommes des passionnés d’égyptologie, de polar et de fantasy. Quand nous avons écrit la première aventure de Lasser, Pas de pitié pour les pachas (parue dans la revue Faeries), nous avons réuni nos passions et nous avons trouvé un personnage que nous adorons, sans parler des personnages secondaires qui ont tous une histoire. Après, nous n’avons pas voulu abandonner Lasser : il s’est retrouvé embrigadé dans l’anthologie Plumes de chats (éditions Rivière Blanche) puis dans l’anthologie Contes de villes et de fusées (éditions Ad Astra). Chaque fois, nous avons pris plaisir à trouver de nouvelles enquêtes et à développer ce monde uchronique – l’Egypte en 1935 sous le règne d’un pharaon – et puis, au fil des histoires, nous avons navigué sur tout le bassin méditerranéen, en gardant cette idée des dieux vivant au milieu des humains.

Sylvie Miller : Philippe a bien résumé la genèse de Lasser. C’est notre passion commune pour l’Egypte ancienne, l’histoire, la mythologie, l’aventure et le polar qui nous a donné envie de situer la première enquête de Lasser dans une Egypte des années 30 encore pharaonique et sous la domination des dieux anciens. Or, dès les premières lignes d’écriture, nous avons réalisé à quel point le « terrain de jeux » que nous venions de trouver était riche et amusant ! Nous ne voulions pas l’abandonner. Nos lecteurs partageaient d’ailleurs cette opinion : ils avaient envie de retrouver notre détective et nous réclamaient d’autres aventures. Si bien qu’après avoir écrit trois nouvelles dans cet univers, nous sommes passés au roman. Aux romans, devrais-je dire, puisqu’il y en a plusieurs en cours d’écriture ou de publication.

Il est plutôt étrange de confronter un détective à des dieux & déesses. Pourquoi ce choix plutôt que de tabler sur des enquêtes, disons, plus classiques ?

Philippe Ward : Dans Un privé sur le Nil, il y a du polar, mais pas que…. Si je caricaturais, je dirais que ce roman est un mélange du faucon maltais, des polars américains des années 30 et du film Qui veut la peau de Roger Rabbit. Nous voulions un monde à nous, avec ses règles, ses personnages, un monde à la fois véridique mais aussi un peu fou. Les dieux sont des personnages idéaux pour des écrivains, ils ont tous les pouvoirs, ils sont ignobles, et pourtant ils ont besoin d’un humain, d’un détective pour résoudre leurs problèmes. Ce que nous voulions, ce n’était pas un simple polar, mais un feu d’artifice des genres.

Sylvie Miller : Comme le dit Philippe, nous n’avions pas envie d’écrire du polar classique. Nous voulions avant tout un mélange des genres. Donc, tout en respectant scrupuleusement les règles du polar – Lasser mène de vraies enquêtes –, nous souhaitions jouer sur d’autres ressorts narratifs et un environnement décalé. Comment se comporterait un détective s’il se trouvait face à des enquêtes peu banales et à des clients inattendus ? Comment affronterait-il des puissances qui le dépassent ? C’est là qu’intervient notre Egypte uchronique. Que serait l’Egypte, aujourd’hui, si elle était encore pharaonique ? Et comment réagiraient les dieux anciens s’ils étaient toujours présents et si, en plus, ils se promenaient au milieu des hommes ? Pour un auteur, les dieux et déesses sont des personnages fabuleux à exploiter : quand on regarde la mythologie, on y trouve des récits extraordinaires, des histoires de famille dans tous les coins, des amours, des haines, des vengeances, des héros, des exploits… Il nous suffisait de « piocher » dans ce fond pour voir notre créativité s’enflammer !

Le personnage fait un peu « looser » ce qui le rend d’autant plus attachant. Etait-il obligatoire de le rendre fauché, alcoolique (ou peu s’en faut) et limite aigri ?

Philippe Ward : Jean-Philippe Lasser est le détective années 30 par excellence. On ne voit pas Philip Marlowe sans sa bouteille, par exemple. En plus, Lasser se trouve dans un pays qui n’est pas le sien. Au départ, c’est un individu paumé qui vivote de petites affaires et, d’un coup, il est catapulté au milieu des dieux, de leur monde, de leur richesse, de leur méchanceté. Ce sont les dieux qui l’ont rendu aigri parce qu’ils considèrent les humains comme quantité négligeable. Et il ne peut pas s’opposer frontalement à eux, il est obligé d’accepter, de plier l’échine… Mais à la fin du premier tome, il devient le Détective des Dieux. Il boit toujours, mais il est moins fauché qu’au début.

Sylvie Miller : Le côté « looser » de Lasser le rend plus intéressant. C’est typiquement l’anti-héros. Enfant, il a vécu une vie très difficile en Gaule (c’est un peu évoqué au début du roman) et a fini par baisser les bras face à l’adversité. Ses malheurs sont en grande partie dus aux dieux, qu’il méprise. En se résignant, Lasser est devenu aigri. Il est fauché, il boit, il n’attend plus rien de la vie. Il s’apitoie volontiers sur lui-même. Naturellement, lorsqu’il débarque en Egypte, il continue de végéter. Or, les dieux ne vont pas le laisser tranquille. L’apparition d’Isis dans son bar favori, le Sheramon, va bouleverser sa vie et l’entraîner dans une suite d’aventures rocambolesques dont il n’imagine pas l’ampleur. Confronté aux dieux, Lasser va devoir puiser en lui des ressources dont il n’a pas conscience. Parce que, à sa façon et avec ses méthodes peu orthodoxes, Lasser est doué. Il a une chance incroyable, aussi. Peu à peu, le personnage va évoluer. Le changement est encore peu perceptible à la fin du tome 1, Un privé sur le Nil, si ce n’est que la vie de Lasser se transforme : il acquiert un statut officiel de Détective des Dieux et il ne manque plus d’argent. Mais c’est dans le tome 2, Mariage à l’égyptienne, que Lasser se révèle pleinement, aidé par un certain nombre de personnages mis en place dans le premier opus, comme Fazimel, Hapi, U-Laga M’Ba…

J’ai cru lire qu’une suite est déjà prévue. Vous confirmez ?

Philippe Ward : Oui, nous confirmons ! Mariage à l’égyptienne sortira en mars 2013 chez Critic. Là, il s’agira d’une seule enquête, mais quelle enquête ! Ensuite, une troisième aventure est prévue en 2014 et, après, qui sait ?

Sylvie Miller : Dans Un privé sur le Nil, on découvre que Lasser s’est enfui de Gaule pour arriver en Egype. Au tout début, il ne parle pas la langue, n’a aucune relation… Peu à peu, il se bâtit une petite existence miteuse mais relativement tranquille. Puis Isis entre dans sa vie pour tout bousculer. Mais il lui faudra plusieurs petites enquêtes – qui, du reste, vont devenir de plus en plus complexes – pour faire ses preuves. A la fin du tome 1, il y parvient en devenant officiellement le Détective des Dieux. L’histoire se poursuit dans le tome 2, Mariage à l’égyptienne – une précision : même si les deux ouvrages s’enchaînent, les deux peuvent se lire séparément. Là, Lasser se voit confier une très grosse enquête qui est développée sur tout le roman et qui entraînera Lasser jusqu’en Mésopotamie, puis en Grèce. De plus, les dieux grecs viennent se mêler aux dieux égyptiens (ce qui sera également le cas dans le tome 3, en cours d’écriture). Tant qu’à mélanger les genres, autant mélanger les mythologies ! RIRES

On ressent le plaisir que vous avez à travailler ensemble. Avez-vous d’autres projets en cours ?

Philippe Ward : Nous prenons tellement de plaisir avec notre détective que nous continuons ses aventures. Là nous travaillons sur le tome 3.

Sylvie Miller : Philippe et moi avons écrit séparément, et nous continuons de le faire. Mais l’expérience de la co-écriture est quelque chose de particulier. Lorsque nous co-écrivons, nos univers personnels s’entrechoquent, se mêlent, et c’est assez jouissif. Je pense que cela se sent dans ce que nous produisons en commun. En plus, avec l’habitude, nous savons exactement comment va réagir l’autre – même s’il nous surprend encore, parfois – et vers quoi nous voulons aller, littérairement parlant. L’univers de Lasser est, à cet égard, particulièrement représentatif de ce plaisir de la co-écriture. Nous nous éclatons littéralement à inventer et à écrire les aventures de ce détective décalé. Si cela se sent pour le lecteur, j’en suis positivement ravie ! Nous avons en tête le scénario de trois autres aventures (les tomes 4, 5 et 6) qui verront le jour si la série fonctionne bien. Après le tome 3, nous ferons un point avec l’éditeur… D’autres projets communs sont également en chantier, dont une saga de fantasy basque. Sans compter nos écrits personnels avec, là aussi, des projets en cours. Mais c’est le temps qui manque : nous avons chacun un métier qui nous occupe à temps complet, l’écriture étant reléguée aux rares moments de loisirs…

Merci à Sylvie et Philippe pour le temps qu’ils nous ont accordés !


5 réponses à “Interview de Sylvie Miller et Philippe Ward”

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