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Fahrenheit 451 de Ray Bradbury

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Né en 1920, Ray Bradbury s’impose à la fin des années 40 comme un écrivains majeur, avec la parution d’une série de nouvelles oniriques et mélancoliques, plus tard réunies sous le titre de Chroniques Martiennes. Publié en 1953, Fahrenheit 451, qui finit d’asseoir la réputation mondiale de l’auteur sera porté à l’écran par François Truffaut. »

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Le titre du roman fait allusion à la température de combustion complète du papier. Nombre ô combien important dans le roman de l’auteur américain. Tout le roman tient à ce postulat de départ. Le monde est régi par ce chiffre. Semblable à un sceau qui inspire terreur ou passion, il est semblable au régime Nazi et l’utilisation des autodafés.

Déliquescence de l’esprit

Fin prochaine du deuxième millénaire. les livres sont diabolisés. Ils sont détruits parce que le gouvernement les considèrent comme dangereux, illusoires et subversifs. Les brigades de pompiers ont pour fonction l’ anéantissement total de toutes les oeuvres écrites, quel que soit leur contenu. Seuls le verbe et les règles de conditionnement imposées par le gouvernement sont légalisés. Seuls le devoir de divertissement et d’euphorie avilissante sont autorisés. On assiste parfois à des scènes totalement décalées où la femme de Montag se rend à des fêtes dont le cadre et les convives ne sont que des images portées sur des écrans géants. Ces dites fêtes, scénarisées et réellement interactives, représentent la majeure partie du planning de la vie des gens. Les femmes sont toutes chargées de se perdre dans ce rêve nimbé et cotonneux. Le terrestre et le réel sont niés. L ‘enfantement est autorisé mais la définition biologiquement animale du procédé est rejetée par une grande partie des couples.

Il n’y a ni implications politiques ; dans le sens le plus noble du terme, c ‘est-à-dire dégagé d’un jugement porté sur le charisme et les fioritures de campagne ; ni volonté révolutionnaire, donc pas d’opposants, ni d’ennemis potentiels. Il y a une guerre mondiale, complètement ignorée par les médias, sans cesse reportée, faute de colère assez exacerbée.

Bradbury met le doigt sur un point névralgique de l’histoire des hommes. Il met en cause l’idée utopique selon laquelle le retour à l’oisiveté, quête fugitivement idéale dans la pensée collective, se doit d’être liée à une absence de pensée. Les livres dans cette configuration du monde représentent la menace ultime en terme de façonnage de l’esprit. Lire, parcourir la pensée des philosophes mène à une prise de conscience. L’homme pensant devient donc la cible de toutes les chasses.

La reconversion du bourreau

Un jour, Montag rencontre une jeune fille presque fantomatique. Il est interloqué par ce qu’elle lui raconte. Elle est contemplative, elle pose des questions dont Montag ne pouvait pas même soupçonner l’existence. Elle évoque le subversif dans un premier temps mais au fur et à mesure de leurs promenades nocturnes, Montag se met à réfléchir, à douter de son existence et à comprendre que le modèle de vie qu’il connaît et que le monde lui a enseigné est exactement le même pour tout le monde.

Le modèle de l’Utopie décrit par Bradbury tombe vite dans l’absurde et le totalitarisme, comme celui de Aldous Huxley dans son célèbre Brave New World, « le meilleur des Mondes » ».

Montag va assister à une scène qui va le marquer et lui faire prendre conscience de l’enjeu que représente vraiment la disparition des livres pour le gouvernement. Son monde se démembre. Il n’y voit plus que du négatif, qu’ une hallucination où tous les membres de cette société si parfaite sont enfermés.

Le roman de Bradbury est merveilleusement écrit. D’une qualité à rendre jaloux. Lyrique, beau et crû en même temps. Le film de Truffaut est tout aussi poignant bien qu’il soit plus sujet à l’usure du temps que le roman original de Bradbury.

« Le plaisir d’incendier !

Quel plaisir extraordinaire c’était de voir les choses se faire dévorer, de les voir noircir et se transformer.

Les poings serrés sur l’embout de cuivre, armé de ce python géant qui crachait du venin de pétrole sur le monde, il sentait le sang battre à ses tempes, et ses mains devenaient celles d’un prodigieux chef d’ orchestre dirigeant toutes les symphonies en feu majeur pour abattre les guenilles et les ruines carbonisées de l’Histoire.

Son casque symbolique numéroté 451 sur sa tête massive, une flamme orange dans les yeux à la pensée de ce qui allait se produire, il actionna l’igniteur d’une chiquenaude et la maison décolla dans un feu vorace qui embrasa le ciel du soir de rouge, de jaune et de noir.

Comme à la parade, il avança dans une nuée de lucioles. Il aurait surtout voulu, conformément à la vieille plaisanterie, plonger dans le brasier une boule de guimauve piquée au bout d’un bâton, tandis que les livres, comme autant de pigeons battant des ailes, mouraient sur le seuil et la pelouse de la maison. Tandis que les livres s’envolaient en tourbillons d ‘étincelles avant d’être emportés par un vent noir de suie. »

Il est exagéré de dire que tout le roman tourne autour du 451. Il raconte la période où la vie de Montag a basculé. Montag est un pompier. Dans l’univers créé par Bradbury, le pompiers, n’ayant plus d’utilité avec l’ignifigation des maisons, se sont reconvertis dans l’élimination par le feu de tout ce qui entrave le bonheur des gens, et notamment le fait de trop penser en lisant. Donc élimination des livres.

Assez peu d’histoire en fait. On suit juste Montag qui fait évoluer une vague interrogation en révolte. Le roman s’iscrirait dans la lignée des romans de SF « psycho/philosophiques » type 1984 ou le meilleur des mondes.
Il est plus à lire comme un classique.

Avis complémentaire d’Allan

Il est toujours difficile de s’attaquer à des monstres de la littérature que ce soit SF ou autre. Fahrenheit 451 est un livre qui a été écrit il y a maintenant plus de 50 ans et la justesse de ce qui décrit Ray Bradbury est effrayante. Bien sûr, nos pompiers sont toujours des soldats du feu, mais du bon côté, l’arrêtant ; bien sûr les livres ne sont pas encore détruits ; bien sûr, nous n’avons pas des télévisions panoramiques… mais pour le reste, le message me semble d’autant plus intéressant que certains des faits se sont déjà déroulés.

Que dit Ray Bradbury ?

  • Il nous annonce que les personnes « cultivées » sont devenues gênantes et dérangeantes pour des personnes qui se jugeaient moins « intelligentes » et se sentaient écrasées par les connaissances des autres : De nos jours, il existe une telle pression pour pousser nos enfants à aller loin dans les études que nous préparons petit à petit ces derniers dans une frustration s’ils ne parviennent pas le plus loin possible… Le risque de voir cette frustration s’exprimer plus clairement ne serait-elle pas une conséquence de cet état d’esprit ?
  • Pour rendre les personnes égales, il fut décider de détruire tous les livres, ainsi les connaissances sont les mêmes pour tout le monde et fournit par un seul média, la télévision : je ne dirais pas qu’actuellement les livres subissent des auto-daffés se seraient quand même pas très honnêtes mais néanmoins, connaissons nous les interventions de la censure ? Nous y intéressons nous seulement ? Nous pouvons voir déjà de la censure au niveau des journalistes alors ou s’arrête-t-elle ?
  • L’omniprésence de la télé : ah ça par contre, on y est avec tous les travers annoncés par Ray Bradbury. Notamment la télé-réalité à laquelle nous sommes désormais coutumiers et qui nous permet de nous décérébraliser en buvant un coca-cola sans avoir le moindre remord

Bref, ne tombons pas non plus dans l’excessif, mais il est vrai que l’auteur s’inscrit ici dans une démarche intéressante de la SF, à savoir le devoir d’alerte. Nous n’en sommes pas encore rendu là mais une autre Œuvre paraissait encore bien lointaine il y a quelques années et nous laisse un goût amer désormais : 1984 et son « Big Brother ».

Ce pompier, qui va prendre conscience de ce qu’il fait, des conséquences de ses actes, et qui va consécutivement à cela se rebeller et entrer dans la « Résistance » si tant est qu’on puisse parler de résistance, représente en soit une bonne touche d’espérance, espérance en la capacité de l’homme à se rendre compte de ses erreurs et à essayer de les corriger.

Sur le style même, j’ai plus de réserve mais l’explication de la façon dont a été écrit ce roman et notamment des conditions, fait relativiser : j’ai eu j’avoue un peu de mal à me faire au style de l’auteur.

Denoël Lunes d’Encre (Novembre 2007)739 pages 29.00 € ISBN : 9782207259887
Titre Original : Fahrenheit 451 (1953)

Folio 2000213 pages 4.00 € ISBN : 2-070-41573-2

451 degrés Fahrenheit représentent la température à laquelle un livre s’enflamme et se consume. Dans cette société future où la lecture, source de questionnement et de réflexion, est considérée comme un acte antisocial, un corps spécial de pompiers est chargé de brûler tous les livres, dont la détention est interdite pour le bien collectif…


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