Allan : Bonjour Eric, la première étape sera si tu le veux bien de te présenter à nos visiteurs (qui sont peut-être pour certains aussi les votres :p)
Eric : Hé bien, Eric Holstein, quarante ans au pâquerettes (ou peu s’en faut). De formation je suis ingénieur du son, ce qui m’a permis d’occuper pendant quinze ans les fonctions de directeur de production d’une radio parisienne plutôt orientée rock, puisque le rock est une grosse part de ma culture (peut-être même plus que la SF, en fait). Je suis venu bizarrement à l’écriture, même si j’écrivouillais depuis des années. En fait, c’est en écrivant des autopromos pour la station qui m’employait que je me suis aperçu que j’avais des facilités de plumes.
Puis ensuite, en travaillant sur ActuSF tout ça s’est un peu précisé, jusqu’à ce que mes premiers textes soient publiés par Jean Pettigrew, dans Solaris. Voilà… de fil en aiguille, les opportunités et et les affinités s’enchaînant, on en arrive là. Plus ou moins, quoi…
Allan : Tu es un des chef de rubrique de l’un des plus grands sites sur les littératures SF, fantasy et fantastique à savoir ActuSF (http://www.actusf.com) qui est aussi désormais éditeur… Te voilà aussi écrivain : comment gères-tu toutes ces casquettes ?
Eric : Comme je peux. Je me suis aussi mis à la cuisine et je m’occupe de mes enfants. Par contre j’ai arrêté la guitare (ce qui finalement est mieux pour tout le monde) et je fais moins de photos que je ne voudrais en faire.
Blague à part, en dehors de l’écriture, tout se fait en équipe sur ActuSF. Il est clair que pendant l’écriture, hé bien les autres ont eu plus de livres à chroniquer. Après, en ce qui concerne l’édition, mon travail porte surtout sur la direction artistique (même si il y a quelques projets que je gère et des auteurs avec qui je travaille plus régulièrement. Le gros de l’éditorial est fait par Charlotte Volper et Jérôme Vincent.
Pour le reste, j’essaie de faire au mieux.
Allan : Quel effet cela fait-il de passer de l’autre côté ?
Eric : Bizarre. Mais pas désagréable.
Allan : Parlons maintenant du roman : comment le présenterais-tu à de potentiels lecteurs ?
Eric : C’est un roman de vampire pour ceux qui préfèrent Léo Malet à Stephanie Meyer, et pour ceux qui en ont marre des poseurs gothico-gnangnan qui terrorisent à l’indéfrisable en écoutant de la musique de merde.
Ah, et avec pas une fois le mot « vampire » d’écrit dedans.
Allan : Tu dédies ce livre à ta mère, en lui conseillant de ne pas le lire car il est bourré de gros mots (c’est exact) : alors l’a-t-elle lu ?
Eric : Ouaip !
Allan : ’espère que, si elle l’a lu, tu t’es fait tiré les oreilles et que ton prochain roman sera moins « oral » (rires)
Eric : Ouaip ! Mais en même temps, elle en peut pas dire que je ne l’avais pas prévenu.
Allan : Pour ma part, j’ai bien accroché (et je ne dis pas cela pour garder de bons rapports avec ActuSF) et je me posais la question : Eugène n’est-il pas quelque part une facette refoulé d’Eric ?
Eric : Pourquoi refoulée ? En fait, il yen toujours une part de soi dans ce qu’on écrit. Il n’y a pas de sincérité possible sans un minimum d’impudeur. Certains aspects d’Eugène me sont proches. Ceux qui me connaissent n’ont pas été étonné de découvrir un personnage parlant argot et étant un incorrigible parisien. Il y a des aspects qui ne me ressemblent pas forcément, mais écrire à la première personne un roman dont le narrateur est assez proche de moi, était aussi un moyen technique d’évacuer certaines difficultés. Petits Arrangements est un premier roman, donc j’avais avant tout besoin de savoir si j’en étais capable. D’aller jusqu’au bout, je veux dire.
Allan : On sent l’amour de Paris dans ce roman, et le sentiment d’appartenance à la ville d’Eugène ; je ne comprends pas cet attachement à la capitale, il faut y être né pour comprendre ?
Eric : Oh, je ne pense pas. Léo Malet, qui a été une influence assez présente pendant l’écriture (mais que je n’ai pas relu pour l’occise) était montpelliérain et il a écrit certaines des plus belles pages sur Paris.
Il n’y a pas si longtemps que cela, j’ai fait avec Thomas Day une très longue interview de China Miéville, pour Bifrost. On y a évidemment parlé de son attachement à Londres, et de la manière dont il le décrivait. Je me retrouve assez dans ce qu’il dit. C’est sa ville, il la connaît assez pour la fantasmer comme bon lui semble. C’est un peu pareil. Je ne suis pas, à proprement parlé, un amoureux de Paris, mais un amoureux de plein de Paris. Celui des ouvriers qui vivaient à Ménilmontant (mais qui n’y vivent plus depuis bien longtemps), celui des touristes américains aussi (qui ont laissé le terrain aux Japonais et aux Chinois), celui des réfugiés boat peuple du début des années 80, celui des passages couverts du XIXème siècle qui sentent le vieux papier et le plâtre humide, etc… Tous sont autant de passerelles l’imaginaire.
Allan : Les vampires sont différents de la vision « Stokerienne » si je peux parler ainsi : ce n’est pas une vision spécialement nouvelle, mais elle percute particulièrement dans ton roman… Tu sembles jouer avec l’histoire telle que nous la connaissons, et nous entraîne dans un complot mulderien destiné à nous cacher la vérité : tu as du bien t’amuser dans l’écriture !
Eric : Assez oui. Et j’ai été le premier surpris. Jusqu’à présent, l’écriture avait toujours été pour moi quelque chose d’assez douloureux. Tertiaire par exemple, la nouvelle qui figure dans Retour sur l’horizon, l’anthologie de Serge Lehman, s’est écrite difficilement. Mais comme je voulais absolument lui envoyer un texte, je me suis vraiment fait mal (après , le retravail a été beaucoup plus agréable).
Mais pour Petits Arrangements, ça s’est fait dans la jubilation. je me suis vraiment bien amusé, oui.
Allan : Le visage que tu montres de Paris n’est pas toujours le plus politiquement correct : tous ces lieux existent vraiment ?
Eric : Quels endroits t’ont-ils semblé politiquement incorrects ? Si tu veux parler de Pigalle, de ses bars à putes et de ses marlous qui trainent, oui, ça existe vraiment.
En fait, je travaillais, évidemment sur souvenir et avec Google ma, en permanence sur mon navigateur, jouant avec le street vie pour vérifier tel ou tel détail d’architecture et de topographie. De fait, tous les lieux décrits existent vraiment (enfin plus ou moins). J’ai même contacté la Société de Jeu de Paume et de Racquets, pour aller visiter leur locaux, mais ils ne m’ont jamais répondu. Tant mieux au fond.
Allan : Je retiens aussi ton travail conjoint avec Jérôme Vincent et Thibaut Eliroff avec 100 chefs-d’Œuvre incontournables de l’imaginaire sacré boulot que vous avez fait mais n’est-ce pas frustrant de devoir se contenter de 100 Œuvres ?
Eric : C’était le deal de base avec Librio, et on le savait dès le début.
Allan : D’ailleurs pour certaines, j’ai trouvé que vous aviez triché en mettant des cycles… Vraiment trop dur comme exercice ?
Eric : Pas vraiment triché. Disons que parfois, certains cycles nous apparaissaient comme des Œuvres d’un seul tenant, donc nous les avons notifiés, comme telle (c’est le cas de Elric, par exemple). Mais ça a évidemment fait partie des questions que nous nous sommes posées. Le plus dur, a été d’établir un cap et de s’y tenir. notre parti pris a été, « si ce livre n’apprend rien à un lecteur confirmé, c’est que nous avons bien fait notre boulot ».
Allan : Je suppose que vous avez reçu quantité de remarques pour dire que tel ou tel roman manquait…
Eric : Pas tant que ça, en fait. Nous avons tellement pris de précautions dans la préface, en désamorçant d’avance ce genre de critique, qu’on a plutôt eu des remarques sur « les bonnes surprises » du guide, comme la présence parfois perçue comme inattendue de roman comme « Cent ans de solitude » ou d’auteurs comme Louis-Sébastien Mercier.
Allan : Et maintenant, quels sont tes projets ?
Eric : Normalement deux textes devraient paraître prochainement, l’un dans l’ante d’Anne Fakhouri « Les Fées dans la ville », et l’autre, logiquement, dans l’antho de la Volte avec la LdH. J’ai projet qui cherche un éditeur, une sorte d’uchronie autour de la fondation de Bogota et de l’El Dorado, celui-ce est en cours d’écriture.
Et puis dans les tuyaux, il y a un projet de comics avec Diego Tripodi, l’illustrateur argentin qui a fait la cou’ de Petits Arrangements. C’est lui aussi qui avait fait la couverture de This Is Not America de Thomas Day, chez nous et celle de l’ante 69 qui sort ces jours-ci. Ce type est un grand malade. Je lui envoie une idée d’histoire et il me répond le lendemain avec le storyboard des huit premières planches. Très stimulant.
Allan : Le mot de la fin est pour toi :
Eric : Robinet ?*
Crécdit Photo : ©Patrick Imbert
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