Réalisée par :mail
Date :février 2004
Dominique : Avant la parution dune première oeuvre, il y a beaucoup de travaux et de tentatives perfectibles qui permettent décrire ce livre. Pourriez-vous nous parler de la genèse de votre premier roman fantastique Les chemins du destin.
Franck :Il mest difficile de dire si la genèse de ce roman a été longue ou rapide. Entre le moment où jai construit le plan initial de louvrage et celui où jai effectué lultime relecture de la première version, il sest écoulé onze mois. Mais, au fil des pages, jai intégré beaucoup de thèmes et didées qui traînaient dans ma tête depuis un bon bout de temps. Par exemple, javais toujours rêvé de créer un personnage dans le style dAnthony. Il aura fallu plus de dix ans pour quil voie le jour
Dominique : Etre primé au dixième concours littéraire international de lAcadémie francophone pour sa première parution cest encourageant ou cela met une pression supplémentaire ?
Franck :Pour tout vous avouer, je naccorde pas trop dimportance à cette récompense : en effet, je nai pas obtenu le premier prix ! Cest toutefois une bonne entrée en matière, dautant plus quil est rare,, pour un auteur de romans fantastiques, de simposer dans un concours de littérature générale.
Dominique : Beaucoup de lecteurs pourraient se reconnaître dans David le héros de votre roman. Dabord on retrouve ladolescence et les premières expériences de liberté : musique, bar, sortie, premier amour. Puis, adulte, il fait la rencontre dune fille belle et sympa avec qui il va avoir « une petite vie sans problème ». Pourquoi avez-vous conçu David comme cela, simple et gentil ?
Franck :David est à limage des gens qui me côtoient. Mia Cage, qui avait eu la gentillesse de rédiger une préface pour les Chemins du Destin (elle a malheureusement dû se désister pour éviter certains problèmes avec son éditeur), y avait indiqué que jétais « passionné par la vie des gens simples qui mentourent ». En fait, jai surtout cherché à créer un personnage dans lequel les lecteurs puissent se retrouver, ce qui, selon moi, devait leur permettre mieux se plonger dans le récit.
Dominique : Dans votre roman les évènements surnaturels arrivent dune manière inattendue mais tout à fait naturelle. Ils ne créent pas de rupture dans lhistoire mais heurtent généralement de plein fouet les personnages. Plusieurs fois on vous a dit que cette manière décrire sinspire un peu de Stephen King. Il y a pire comme comparaison, non ?
Franck :Jai dû lire une douzaine douvrages de Stephen King. Lorsquun auteur de romans fantastiques débute, il est automatiquement comparé à Stephen King, qui règne en maître incontesté sur la littérature dépouvante moderne. Toutefois, quand jai commencé à écrire les Chemins du Destin, cela devait faire cinq ou six ans que je navais pas ouvert un de ses livres. Je crois que, si notre manière décrire se ressemble, cest plutôt parce que nous avons les mêmes influences : les grands romans gothiques et les uvres dEdgar Poe. Chez ce dernier, le surnaturel est dépeint avec logique et minutie ; le récit est toujours remarquablement construit. Dans un récit fantastique, la construction de lintrigue revêt un aspect primordial. Il faut que lhistoire soit crédible, afin que le lecteur bascule dans le surnaturel sans vraiment sen rendre compte.
Enfin, pour répondre à votre question, je dois avouer quil est effectivement très flatteur dêtre comparé à Stephen King.
Dominique : Les événements surnaturels cumulés conduisent David à une déchéance qui fait apparaître ses noirs côtés. Amener les êtres humains à laisser émerger les côtés noirs de leur âme, est ce cela le fantastique gothique ?
Franck :Cela me semble une assez bonne définition. Par exemple, dans Le Moine de M.G. Lewis (1795), uvre gothique par excellence, le frère Ambrosio, homme dune remarquable piété, va peu à peu sombrer dans la dépravation, jusquà violer sa demi-sur dans les caves dun couvent Le thème de la dualité de lâme humaine est superbement illustré par Dr Jekyll et Mr Hyde de R.L. Stevenson (1886). Au fil des pages, il apparaît que Jekyll veut être Hyde, ce qui illustre toute lambiguïté de nos comportements En fait, le fantastique gothique explore les fantasmes inassouvis de lêtre humain, comme celui davoir la vie éternelle, à limage du vampire, ou de pouvoir laisser ses pulsions animales se défouler, tel un loup-garou
Dominique : Vous insistez souvent sur le genre de votre livre : fantastique-gothique. Est-ce à cause de lamalgame souvent fait de tous les genres de science fiction ?
Franck :Tout à fait. Le terme général de littérature fantastique englobe trois genres distincts : la Science Fiction, la Fantasy et le fantastique traditionnel, ou gothique. Le terme de roman gothique est apparu au XVIIIème siècle, avec la publication du Château dOtrante dHorace Walpole. Les spécialistes estiment que ce genre littéraire a contribué à la naissance du romantisme et quil a disparu vers 1830. Personnellement, je pense que des uvres comme Dracula de Bram Stocker (1897) ou le Tour dEcrou dHenry James (1898), pour ne citer que celles-là, sont de la même veine. Plus près de nous, lExorciste de William Peter Blatty(1971) ou Entretien avec un Vampire dAnn Rice (1976) prouvent que le roman gothique est parvenu jusquà nous.
Dominique : Comment avez-vous découvert ce genre ?
Franck :Depuis mon enfance, je suis passionné par la littérature fantastique. Jai lu très tôt les nouvelles dEdgar Poe, les contes de Maupassant ou ceux de Jean Ray. Quant au terme de « roman gothique », je crois lavoir vu pour la première fois dans la préface dune vieille édition de Frankenstein, de Mary Shelley.
Dominique : Parlons un peu de la musique qui rythme votre livre. La musique semble tenir une place importante, peut-être même est-elle source dinspiration pour vous ?
Franck :Avec la littérature, la musique est ma deuxième passion. Je crois quelle aura toujours sa place au sein de mes romans. Il était logique que mes deux premiers livres soient influencés par mes deux groupes fétiches, les Fields of the Nephilim et les Field Mice. Dun côté le rock sombre de Carl McCoy, de lautre la pop aérée de Bobby Wratten : cela symbolise un peu la dualité dont je parlais précédemment.
Dominique : Quels groupes contemporains appréciez-vous ?
Franck :Jaime beaucoup Gaë Bolg And The Church Of Fand. En plus, son dernier CD sappelle la Balade de lAnkou, alors je me sens forcément un peu dans mon univers quand je lécoute Citons aussi quelques groupes dont les noms ne vous diront peut-être pas grand chose : Inkubus Sukkubus, Big Electric Cat, Die Laughing Le problème, cest que je suis toujours en retard de quelques années pour découvrir de nouveaux groupes (rires). Et je suis ravi de la réédition récente, sur le label Prikosnovénie, du superbe Villers-Aux-Vents de Collection dArnell-Andrea, avec en prime un titre bonus !
Dominique : Le genre gothique est peu diffusé par les médias et ne bénéficie pas non plus dune réelle présence dans les médiathèques. Quant au genre vestimentaire il semble virer à la mode ! Quen pensez-vous ?
Franck :Il me semble quactuellement, un grand débat a lieu au sein des gothiques pour définir ce qui caractérise leur mouvement. Personnellement, je ne tiens pas à mimmiscer dans cette polémique. Je crois quà tout niveau, il faut laisser les gens libres dêtre en harmonie avec eux-mêmes, sans porter de jugement. Pourquoi tenter de mettre une étiquette sur telle ou telle personne, parce quelle semble différente des autres ? A mon humble avis, chaque être humain est unique et possède sa propre personnalité.
Dominique : La SF reste un genre minoritaire et souvent mal exploité par les maisons déditions les plus connues. Pensez-vous que celles-ci ne veulent prendre aucun risque financier et juste assurer un bénéfice facile, que la SF na pas assez de lecteurs ou que les auteurs ne développent pas assez de qualité décriture dans ce genre ?
Franck :Je ne suis pas dans la peau des grands éditeurs et je ne sais donc pas ce qui guide leurs choix. Mais le fantastique est un genre porteur, à en croire le succès de Stephen King et celui de J.K. Rowling. Et, pour fréquenter les petits salons du livre où lon trouve des écrivain(e)s inconnu(e)s du grand public, je peux vous assurer que la qualité des auteurs dexpression francophone nest pas en cause. A mon avis, le mal est beaucoup profond et ne concerne pas seulement la littérature. En France, nous sommes prisonniers dune éducation cartésienne qui nous pousse à considérer ce qui touche aux phénomènes surnaturels dun il suspicieux, voire condescendant. Par exemple, malgré lexcellent travail de quelques pionniers, aucune recherche denvergure nest entreprise dans le domaine de la parapsychologie. A ce niveau, notre pays prend un retard considérable par rapport à dautres nations.
Dominique : Le fantastique semble être bien plus développé en Angleterre
Franck :En effet. Les éditeurs Anglo-Saxons semblent faire preuve dune plus grande ouverture desprit que les Français. Cest dailleurs en Angleterre que je me suis mis à lire du fantastique moderne, avec Haunted de James Herbert ou The Woman In Black de Susan Hill. Je me suis alors rendu compte que la littérature fantastique nétait pas limitée au XIXème siècle ! (rires) Chez Nuit dAvril, nous essayons aussi de nous inspirer de la façon dont sont présentés les livres publiés en Grande-Bretagne, bien que nous nayons pas encore trouvé notre style définitif. Mais nous y travaillons
Dominique : Avec quelques proches vous avez créé les Editions Nuit dAvril. Pourquoi cela et pourquoi vous être auto produit ?
Franck :Il existait déjà des structures éditoriales de qualité spécialisées dans lImaginaire, mais plutôt orientées vers la Science Fiction et la Fantasy. Nous pensions quil manquait un petit éditeur de fantastique gothique dans notre pays ; aussi avons-nous fondé les Editions Nuit dAvril. Il sagit dune aventure menée par quelques passionnés durant leur temps libre, dans le seul but de se faire plaisir. Personnellement, je moccupe de la partie littéraire. Je suis dailleurs bien content davoir essuyé les plâtres avec mes deux premiers romans : cette expérience utile servira pour nos nouveaux auteurs ! Enfin, Nathalie, la Présidente, et moi-même aimerions profiter de cette interview pour remercier Jean-François pour sa présence régulière à nos assemblées générales et surtout Marie, pour son travail et ses conseils avisés.
Dominique : Pouvez-vous nous annoncer de prochaines sorties ?
Franck :Nous venons de publier le premier récit dun jeune écrivain prometteur, David Gibert. Son livre, intitulé A lEncre des Ténèbres, démarre très fort et jen suis ravi, car cest un homme vraiment sympathique, pas prétentieux pour un sou. Je suis certain quil ira très loin.
Nous avons quelques très bons manuscrits à létude, mais rien nest encore décidé : il est donc trop tôt pour en parler. La seule certitude concerne la sortie, lété prochain, de mon troisième roman, car certains lecteurs me lont déjà commandé !
Dominique : Vous avez aussi prévu de sortir un recueil de nouvelles. Pourquoi avoir choisi ce genre littéraire ?
Franck :Vous êtes bien renseigné Mais ce projet risque de rester dans les cartons pendant un petit bout de temps. En effet, chez Nuit dAvril, la priorité est donnée à lédition de nouveaux auteurs. Et puis, les premiers lecteurs ne sont pas daccord quant à leur nouvelle préférée, dont le titre correspondra à celui du recueil (rires). Pour tout vous avouer, je ne sais pas si je rédigerai beaucoup de nouvelles au cours de ma vie. Il mest en effet difficile décrire des textes courts ; cest dailleurs pour cela que je nai pas été publié en revue. En vérité, je prends beaucoup plus de plaisir à écrire des romans.
Dominique : Je sais que vous appréciez également la poésie. Allez-vous faire une uvre rythmée par la poésie comme avec la musique ?
Franck :Comme le dit mon ami Jean-Pierre Mercier, la poésie est à la littérature ce que lérotisme est à lamour Depuis quil me permet de lire ses oeuvres en avant-première, je me rends compte quil ne vaut mieux pas que je perde de temps à écrire des vers. En effet, je nai pas le talent des vrais poètes comme lui. Alors, pour répondre à votre question, si jécris un récit rythmé par des poèmes, on ny trouvera pas les miens !