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Interview : Jean-Michel Calvez

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Allan : Bonjour Jean-Michel, pourrais-tu nous parler de toi avant de commencer ?

Jean-Michel : Je suis né en 1961, marié, et j’ai deux enfants de 13 et 10 ans, Renan et Flavien. Particularité inhabituelle, mon épouse Hélène a elle aussi le « virus », celui de l’écriture. Mais sous une autre forme : celle du roman à énigmes, spécialité peu courue en francophonie, héritage d’Agatha Christie et autres auteurs en majorité anglo-saxons tels Ellery Queen.

Allan : STYx n’est pas ton premier roman : pourrais-tu nous parler de tes précédents écrits ?

Jean-Michel : J’ai commencé, comme « tout le monde » je pense, par écrire des textes très courts, il y a une vingtaine d’années. Le vrai déclic vers la forme longue a été, en 1992, la lecture de Hypérion de Dan Simmons ; un éblouissement, et l’envie subite, immédiate, de me lancer, « d’entrer en SF ». J’ai alors écrit ce que je considère comme trois « premiers romans », chacun à sa manière. L’un, le tout premier, de SF, « Planète des vents », dont le titre original (coïncidence ?) était « L’éveil d’Endymion », avant que soit publiée sous ce nom la suite d’Hypérion. Puis deux autres « premiers romans », tant ils étaient différents, tous deux en partie autobiographiques. L’un (inédit) d’aventures historiques et uchroniques, « P608 », se passe sur un escorteur à la fin des années 30, dans la corne de l’Afrique. L’autre, plus contemporain, roman noir ironique et impertinent, qui aurait dû s’appeler « L’inédit », a été publié en 2005 sous le titre de « Panique au quartier latin ». Il n’empêche, la SF a ma faveur, peut-être parce que j’y ai fait mes premières armes comme auteur publié. Sous cette impulsion, j’ai écrit à ce jour une douzaine de romans de SF : « Huis clones » publié au Fleuve noir, très différent du premier puis, longtemps après, à la suite d’une longue traversée du désert, « La boucle d’octobre », publié par Rivière blanche. Les autres attendent encore leur tour, mais c’est long, et d’autant plus sensible, en SF, que certains scénarios vieillissent vite, hélas, dès qu’ils comportent un contenu technologie, vu la vitesse en ce domaine du progrès… et des problématiques par elles-mêmes. STYx, au moins, n’a pas ce défaut-là car il est en retrait sur ce plan, et très peu lié à la technologie qui n’est mentionnée que lorsqu’elle est indispensable à illustrer un futur générique, non daté dans le temps. Mes centres principaux d’intérêt thématique pour le roman ont été le temps, d’abord dans « Planète des vents », puis par diverses variations sur le paradoxe temporel (comme celle de la « Boucle d’octobre »). Désormais, j’écris en priorité sur un thème qui m’est cher, moins scientifique que social et avant tout humain ; celui de la rencontre avec « l’autre », de l’altérité, de la différence, avec tout ce que cela implique de difficultés, d’erreurs, de malentendus et souvent de déviations comportementales. Un sujet majeur dans STYx, je crois.

J’ai omis la nouvelle dans tout cela. En fait, il y aurait plus encore à en dire, je crois. En résumé, j’en écris bien plus que de romans, selon les périodes, et en publie un peu.

Allan : STYx est paru dans la collection Imaginaires de Glyphe : comment s’est passé le contact ?

Jean-Michel : Je connaissais déjà Lucie Chenu, qui m’a aussi publié dans l’anthologie (Pro)Créations et m’a soutenu, auparavant déjà, dans divers projets de plus petit « format » (nouvelles). Je crois que le sujet de STYx a séduit Eric Martini, l’éditeur, parce qu’il touche (je le dis sans rien livrer du scénario) à une problématique d’ordre médical et parce qu’il est aussi un écho à l’anthologie précédente, par d’autres aspects. Lucie quant à elle (elle me corrigera si je déforme sa pensée), semble avoir eu un double coup de cŒur : pour l’écriture, le style que je crois – ou espère – « inhabituel », atypique en SF, à fleur de peau et quelque peu lancinant dans sa tension rythmique. Et un autre coup de cŒur sans doute, tenant au sujet par lui-même, à cet écho souterrain à l’anthologie (Pro)Créations qu’elle venait de diriger.

Allan : Quelle est la genèse de STYx, le point de départ par exemple, ou le processus d’écriture ?

Jean-Michel : STYx a eu un long parcours assez tourmenté, et de même sa genèse. STYx (première partie), avec sa fin provisoire mais autonome, existait avant que je me décide, trois ans plus tard, à rebondir sur cet univers (la planète et les Lutins) et à poursuivre vers une autre fin et une autre vérité, encore plus fondamentale. Le vrai point de départ du projet est tout simplement le mot compatir/compassion, concept étymologique sur lequel j’avais écrit (vers 1995) une nouvelle brève, limitée à la scène très violente vers le début de STYx, entre Orfeu et son amant malade. Bien plus tard, j’ai écrit STYx (partie 1) en trente jours, sans autre élément, scénario ou plan d’ensemble que cette scène ultracourte dans laquelle il n’y a d’ailleurs ni planète, ni Lutins, rien de plus que cette confrontation dure entre un malade en phase terminale et un « préservé »

STYx a été écrit d’un seul jet, dans une sorte de transe, ou de quête personnelle ; j’ai poussé au jour le jour Orfeu (un avatar littéraire ?) à chercher une – ou sa – vérité, poussé moi-même à trouver, d’un chapitre au suivant, une logique interne vers un final encore inconnu de moi, sans scénario préconçu. Un processus parallèle à celui d’Orfeu, perdu, sans but, qui n’a plus de direction logique à sa vie et se laisse diriger par des passions très peu compatibles (amour et vengeance), une sorte d’ivresse, ou de nécessité. Trois ans après, ce fut encore plus ou moins le cas pour Stress (seconde partie du roman) : pas de plan préconçu, pas d’idée de ce à quoi je pourrais (ou souhaitais) arriver, au moment de placer un nouvel acteur dans ce même décor : simplement un environnement, et tous les éléments acquis, non remis en cause bien entendu, issus de STYx. Depuis, j’ai reproduit le même processus d’écriture à un roman noir où un non-héros sans talent particulier, ni policier, ni enquêteur, ni au fait des méthodes d’investigations (un père de famille tranquille, en somme) voit sa vie bouleversée par la mort de son fils dans des circonstances extrêmement troubles et se lance, par nécessité, dans une quête personnelle de la vérité ; la vengeance en fait partie, à nouveau. Le roman s’appelle SPID, autre sigle coup de poing ultracourt, et proche là aussi de l’univers médical

Allan : Ce qui frappe dès le départ dans ton roman est la force des sentiments, des sensations ; tout semble exacerbé… Etait-ce volontaire d’écrire un roman à ce point « humain » ?

Jean-Michel : Totalement. Ce roman, je le revendique, privilégie l’émotion sur le scénario, en particulier dans le parcours ultime d’Orfeu. C’est un long cri de rage, fustigeant la perversion absolue des rapports humains : discrimination, manque de compassion, de compréhension de l’autre (entre les personnes, mais aussi entre groupes ou clans humains), tout en lançant quelques flèches en passant sur d’autres travers plus liés à notre époque (l’art contemporain et ses excès, la publicité et, bien entendu, la logique du profit, matérialisée par l’Ogre dont l’acronyme est explicite à lui seul, ou d’autres encore, moins insistants.)

Allan : Le mal qui frappe les colons, STYx, ne peut pas ne pas faire penser au SIDA (d’ailleurs tu fais le rapprochement clairement dans le roman) : est-ce un moyen de montrer à quel point notre attitude vis-à-vis des malades était (ou est encore suivant les cas) déplorable ?

Jean-Michel : C’est moins vrai sur ce plan, pour moi. Le cŒur du message concerne l’altérité dans toutes ses dimensions, bien plus que le seul cas du malade illustré par le roman : tous les « faibles », ceux qui se font « marcher sur les pieds » ou sont opprimés ou rejetés pour leur différence. Le malade (le STYx positif) n’en est ici qu’un archétype. Dans STYx, le Lutin est une figure symbolique qui représente souvent de façon explicite le colonisé, le « technologiquement » ou le « culturellement » plus faible ou considéré comme tel et, par extension, tous les faibles parce que minoritaires, ou différents. Dans notre société occidentale, dite libérale, la compassion, la compréhension ou le partage sont vus comme une faiblesse inexcusable, et la seule logique « payante » consiste à asservir et dominer l’individu et le groupe, que ce soit dans la vie ou dans l’entreprise. L’entreprise est un monstre, un « ogre » (qui dévore ses propres enfants ?) dont les seuls mots d’ordre sont d’attaquer, de vaincre par tous les moyens, y compris de l’intérieur, par l’oppression et la culture du challenge, de l’objectif. D’où viendraient, sinon, les notions de « cible » et « d’attaquer des marchés », que l’on emploie désormais ? Le client est le roi… des cibles, l’homme n’a jamais, autant qu’aujourd’hui, été un simple numéro… mais un numéro sur un compte clientèle. Même nos politiques ne parlent plus que de relancer la consommation à tout prix et nous exhortent à être de « bons consommateurs » – pour être de bons citoyens, sans doute ? L’Ogre, ici, ne fait que représenter cela, dans toute son inhumanité fondamentale : impitoyable, efficace jusque dans le nettoyage ou la correction de ses erreurs.

Allan : D’ailleurs, tout au long de l’histoire, on ne s’attache pas à trouver la cause de la maladie, on se contente de poser un voile pudique sur ces malades qui sont de toutes façons condamnés : ce déni d’humanité est assez dur à accepter… C’est une vision assez dure, vis-à-vis de tes concitoyens, non ?

Jean-Michel : Dure mais réaliste, je crois. Car notre monde est ainsi, « l’humanité » semble être devenue un défaut, pour survivre. Pour ce qui est de STYx, le « virus », la première partie du roman est clairement en retrait sur toute explication scientifique. Orfeu a un autre objectif : « descendre aux enfers », non pas pour en ramener sa/son bien-aimé – il est déjà trop tard – ni même une vérité médicale (d’ailleurs il n’est pas compétent dans ce domaine), mais pour assouvir une vengeance qui monte en lui comme une fièvre ou une rage, le prenant quasiment malgré lui, une vengeance qu’il considère indispensable, pour exorciser sa haine des meurtriers Lutins et parce qu’il pense le devoir à son ami disparu. Dans l’autre partie (de façon non délibérée dans un premier temps, car le hasard et l’incertitude y jouent aussi un rôle), la quête de Lucio prend en revanche un caractère bien plus scientifique, y compris par ses méthodes d’investigations. Elle aboutit donc à une toute autre vérité, d’ordre « scientifique ». Ce qui n’annule en rien la portée de la « première » vérité mise à jour à la fin de la première partie, mais la complète. Chaque partie a donc levé un pan du voile, et de la vérité globale.

Allan : On a la très forte impression dans la façon dont est décrite la souffrance d’Orfeu ainsi que dans tes remerciements à la fin de ton récit que finalement tu es passé par les mêmes épreuves qu’Orfeu : perte d’un être cher au travers d’une maladie que je suspecte être le SIDA. Je sais que ce sujet est éminemment personnel, donc je comprendrais que tu n’y répondes pas. Est-ce que je me trompe ?

Jean-Michel : Non, c’est inexact dans l’absolu, mais la vérité n’est pas si éloignée. Il s’agit d’un membre de ma famille proche (mais on ne peut plus éloigné, géographiquement), décédé fin 2006 d’un autre mal à six lettres qui fait toujours des ravages, le cancer. La mention était méritée parce que, malgré son calvaire de plusieurs années, il a gardé jusqu’au bout un moral d’enfer, bien qu’il ait été conscient que c’était une lutte sans issue ; à tel point que parfois, c’était lui, par ses lettres, ses mails ou ses appels téléphoniques, qui assurait le « soutien psychologique » de sa propre famille en France. Il a beaucoup compté, pour moi, par sa lucidité et sa force.

Allan : D’ailleurs, même l’attitude d’Orfeu n’est pas très différente des autres habitants de la colonie : il faudra qu’il soit lui-même confronté au mal pour essayer de le comprendre ; auparavant, il ne s’intéressait absolument pas aux Lutins et à STYx : ne penses-tu pas qu’il existerait au moins un homme pour s’intéresser au mal de façon totalement désintéressée ?

Jean-Michel : Les deux héros, je crois, suivent – ou subissent ? – plus ou moins, le même type de parcours comportemental ou psychologique en trois étapes. Une première étape assez arrogante et sûre de soi (Orfeu roue de coups une Lutine, à la sortie du concert ; et Lucio semble imbu de sa mission, à son arrivée). La seconde étape est un investissement dans l’action, que celle-ci soit la vengeance ou la quête, le désir de vérité. Puis une troisième étape, que l’on peut qualifier de constat d’échec ou de constat d’impuissance à conjurer le mal, quand bien même la quête d’une certaine vérité a atteint son but. Je pense que nul humain n’éprouve la compassion de lui-même, de façon naturelle/spontanée ; c’est une prise de conscience qui est la conséquence d’un parcours (peut-être même d’un échec ?), qui conduit à s’ouvrir à l’autre et à chercher à le comprendre. Parce qu’on se trouve soi-même atteint, rejeté dans le camp des « faibles » (par exemple Lucio bafoué, rejeté par Mircovic le chimiste malgré son statut d’émissaire). Par ailleurs, j’admets que le colon, pour les « besoins de la démonstration » et du message, est ici considéré de façon univoque comme aveugle à son prochain ; en tout cas au Lutin, qu’il côtoie sans le voir autrement qu’un serviteur. C’est une transposition d’un certain colonialisme « à l’ancienne » mais qui, sur le fond, n’a guère changé de nos jours, me semble-t-il. Faisons-nous mieux, dans la rue, dans notre voiture, ou assis dans le train et cachés derrière un livre ou un regard flou, quand nous refusons le regard de l’autre et faisons comme s’il n’existait pas ?

Allan : Au-delà du STYx, c’est aussi toute notre façon d’appréhender un autre mode de vie qui est montré du doigt : bien que l’Œuvre se situe sur une planète lointaine, il y a des relents de notre bonne vieille Terre dans ton récit. On n’essaie pas de comprendre les modes de vie différents des nôtres, de notre vision occidentale, on se contente de le juger et d’essayer de faire plier les « autres » à notre vision des choses : l’écriture d’un livre de SF est-il forcément à ton sens engagé, porteur d’un message ?

Jean-Michel : C’est exact ; j’ai « réussi » (c’était parfois difficile) à ne jamais nommer la planète et de la même façon, à ne livrer aucune date ou technologie situant trop précisément les événements dans le futur. Le but de ce flou entretenu est assez clair, de même que les nombreux parallèles entre Narghaï et les cités méditerranéennes, l’un des berceaux de la civilisation humaine. C’est une évolution de mes centres d’intérêts, comme je disais. La SF scientifique « pure et dure » ne m’intéresse pas en tant que telle, mais doit servir un message social et humain avant tout. J’ai commis quelques romans de SF sur le temps considéré comme un matériau pouvant subir des accidents, des paradoxes, etc. Je ne regrette rien. « La boucle d’octobre », par exemple, ouvrait me semble-t-il à un « jamais vu » conceptuel ; mais c’était sans doute insuffisant, en tant que laboratoire des comportements d’humains confrontés à de tels événements. STYx, le seul fait de l’écrire, m’a ouvert les yeux à moi-même – presque malgré moi – sur ce qui est important : parler de « nous », de l’homme et de la façon dont nous nous comportons vis-à-vis de l’autre. J’ai poussé très loin ce genre de concept, lorsque le sujet s’y prête. Par exemple dans un autre roman, qui ne verra pas le jour de sitôt, j’imagine, car il ouvre le même type de débat sur une confrontation avec une entité extraterrestre à ce point « exotique » que l’on ne sait même pas dire si celle-ci est vivante ou non ; le final y répond d’une façon cinglante. Mais il est vrai que dans STYx, a contrario, cette « quasi-humanité » des Lutins – et des Lutines, de l’une d’elles en particulier – aide beaucoup le lecteur à se reconnaître ou à s’identifier à eux et à les trouver sympathiques voire touchants (le chauffeur de taxi ?), à les comprendre, finalement. Moi, par exemple, je préfère ces Lutins-là à certains humains que je connais et côtoie. Leur nom y aide, (Lutin, comme ludique ?), de même que leurs « défauts » – la curiosité par exemple, ou leur taille réduite, qui peuvent faire penser à des enfants, plutôt qu’à des étrangers.

Allan : Malgré cette émotion présente quasiment à chaque ligne, il n’y a aucun moment où le récit est larmoyant : les personnages font preuves d’un grand courage malgré les épreuves, d’une certaine façon, et cela est réconfortant notamment quand on arrive à la dernière ligne, il y a encore de l’espoir. C’est important l’espoir ?

Jean-Michel : Il s’agit moins de courage que d’un sens du devoir, ou d’un véritable piège qui se referme et auquel ils cherchent à échapper. D’où l’obligation d’agir pour tenter de s’en sortir. La leçon morale de STYx (première partie) n’est pas très reluisante, il est vrai. De simplement humain et aveugle comme les autres colons, Orfeu se transforme pour un temps en héros vengeur et cynique, en serial killer. Une lectrice a interprété un jour son attitude comme une « apologie de la violence », alors qu’il s’agit avant tout, il me semble, d’une réaction de désespoir ultime, celle d’un être acculé. Lucio change lui aussi d’état d’esprit au fil des pages mais dans un autre registre, menant une enquête, une course contre la montre dont il connaît lui-même le compte à rebours. Cela étant, STYx est un roman du désespoir, je l’admets, il laisse peu de chances à la rédemption de l’homme, pas même à ceux qui relèvent la tête pour rétablir la vérité.

Allan : Je n’ose parler de la fin, il faut laisser tout le suspens à tes futurs lecteurs, mais pourquoi, pourquoi cette vision à ce point négative de notre civilisation ?

Jean-Michel : Je suis sans illusions, moins encore sur la société humaine dans sa globalité que sur l’homme considéré isolément, où peut encore subsister l’exception. L’homme, la société ou l’entreprise qui réussit est celui ou celle qui bouffe l’autre ; c’est la machine totalitaire, la loi de la jungle sur Terre, universelle et à tous les étages… et de même pour être publié, je crois ? 🙂 Je le déplore, mais le monde n’est que compétition et la compassion, comme la différence, y est vue comme une tare, un motif de rejet. Même si le processus n’était pas délibéré, j’ai finalement dissocié les deux approches : individuelle dans STYx, puis plus globale et sociale dans Stress. L’Ogre n’est mis en scène que dans la seconde partie, celle où l’on livre (enfin ?) la raison véritable de la présence des colons, les ressorts économiques de la planète et ses principaux modes de fonctionnement (police, astroport, mine et minerais, gouverneur, etc.)

Allan : As-tu d’autres projets en cours ?

Jean-Michel : En nouvelles, toujours une dizaine de textes d’ouverts en même temps, mais c’est plus facile (en temps investi je veux dire, pour se mettre ou se remettre dans le bain). Pour le roman, je viens de terminer un autre sujet de SF qui est en lecture, dans la même veine psychologique, sociale et « intimiste » que STYx, mais bien plus proche de nous car il se déroule sur Terre (en France !), et dans un avenir très proche, à dix ans environ. Un autre roman de SF devrait voir le jour en 2008, à messages là aussi, mais au travers d’une vision plus spectaculaire (grand spectacle, cataclysme et effets spéciaux), et plus politique aussi, bien que cela concerne à nouveau la tolérance envers « l’autre », celui qui est différent (disons E.T., pour lever le voile). Par ailleurs, je viens de commencer une suite indépendante à STYx. Le seul point commun sera la planète (et la cité de Narghaï… que j’aimerais visiter, après l’avoir décrite). Cependant, le ton y sera très différent car j’use d’un autre mode narratif, à la troisième personne. Et la planète a un nom, cette fois ; c’était inévitable, pour consommer la rupture.

Allan : Que peut-on te souhaiter ?

Jean-Michel : Je souhaiterais vraiment que STYx ait un certain succès d’estime car, sans être serial killer ni à l’opposé, sauveur de Lutins dans la vie, j’ai mis beaucoup de moi dans ces visions et avant tout, dans ces messages que je lance, sur nos modes de vie ou nos erreurs d’humains. J’espère qu’ils seront entendus.

C’est le roman auquel je tenais le plus, de ce fait. Et il a mis pas mal de temps à voir le jour, parce que je crois qu’il détone dans la SF actuelle, et que ce n’est sans doute pas un pari gagné d’avance, pour un éditeur, que de défendre un tel titre, dans une planète SF dominée par la fantasy, le space opera, et par les valeurs très différentes qu’ils exposent la plupart du temps. Par ailleurs, le succès d’un livre tel que celui-là, humain et inhumain à la fois, serait une porte ouverte (et pas seulement pour moi…) à une autre forme de SF, à d’autres voix et à d’autres registres expressifs et scénaristiques que celui du héros intraitable armé jusqu’aux dents et qui, une fois de plus, va nous montrer comment il « sauve la galaxie entière », en cassant de l’ET ou du méchant. C’est trop facile, si l’on peut dire, alors que c’est une autre paire de manches que de tenter d’expliquer, par exemple, pourquoi son propre voisin de palier est mort sans qu’on l’ait vu crever, parce qu’on a oublié d’ouvrir les yeux.

Allan : Le mot de la fin sera :

Jean-Michel : Un grand merci à Lucie et Eric, pour m’avoir fait confiance. J’espère que l’avenir leur donnera raison et que les lecteurs de STYx en sortiront « différents », et atteints, ne serait-ce qu’un peu, à une dose non létale, par le virus de la compassion.


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