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Interview : Karim Berrouka

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Orcusnf: Bonjour Karim, est ce que tu pourrais te présenter à nos lecteurs ? (non pas la biblio complète, stp)

Karim Berrouka : Premières nouvelles publiées dans des fanzines tels que « L’Oulifan » ou « Luna Fatalis » fin des années 90. De grands souvenirs. Puis chez l’Oxymore. Puis dans de nombreux fanzines (Eclats de rêves, Coprophanaeus, etc.), des revues (Black Mamba, Monk, etc.), des anthos (Moissons Futures (La Découverte), l’Esprit des Bardes (Nesti), etc.). Des nouvelles, des nouvelles et encore des nouvelles. A part ça, j’habite à Lyon depuis quatre mois dans une grotte au premier étage d’un immeuble très vieux dont l’entrée ressemble à celle d’un donjon et le boucan de la boîte de nuit d’en bas à celui d’une salle de torture pour violonistes du Berlin Philarmoniker.

Orcusnf: La Porte est ton premier livre, mais tu as déjà derrière toi de nombreuses publications dans plusieurs anthologie et magazines, est-ce pour toi un aboutissement ou un processus logique ?

Karim Berrouka : L’aboutissement d’un processus logique, en fait. Ou plutôt le contraire. Enfin non, ni l’un ni l’autre. Ecrire, pour moi, c’est un besoin de m’exprimer. Je n’ai pas de but, de finalité autre que celle de communiquer, de partager. Ça marche avec l’affectif, l’impulsif. Rien de logique. Surtout pas. Et les plans de carrière, j’ai déjà donné. Une fois président du MEDEF, on se fait chier comme un rat mort.

Orcusnf: La question va peut être te sembler idiote, mais pourquoi la porte ?

Qu’est ce qui t’a intéressé dans cet objet ? Est-ce sa dimension habituelle ou autre chose ?

Karim Berrouka : La question est idiote : tu marques un point. En plus, tu en poses 3 d’un coup. Tu marques 3 points.

La Porte, c’est surtout le titre de la novella. Juste une figurante dans le récit, même si ce dernier s’oriente autour de cette première (c’est clair ?). Un effet de comique répétitif. Pourquoi une porte ? Parce que le côté anodin de cet objet, dans ce récit, permet d’accentuer le côté absurde de la narration. Une porte à laquelle on frappe, et de là se brode tout un récit abracadabrant. Ce qui permet de mettre en scènes deux personnages principaux complètement déphasés (des loups-garous qui ne ressemblent pas à l’image trop dégradante qu’on se fait de ces braves et civiles créatures) et de m’acharner sur curés et évêques (les scouts, ça sera pour la prochaine fois), tout en conservant assez d’ouverture d’esprit pour parler cuisine. Frisette.

J’aurais pu choisir une côtelette plutôt qu’une porte. Mais bon, frapper à une côtelette c’est pas sympa pour les animaux. Et ça ouvre moins de possibilité pour orienter son récit.

Orcusnf: L’humour est un exercice littéraire difficile, encore plus peut être en fantasy, quels ont été tes sources d’inspiration, tes modèles en la matière ?

Karim Berrouka : D’abord, je ne pense pas que ce récit soit « catalogable » fantasy. Même s’il y a un nain qui se balade sur quelques pages et des barbares à gauche et à droite. En tout cas, il n’en emprunte pas du tout les archétypes de la fantasy. Et la fantasy, sans archétypes, c’est comme Blanche Neige sans nains ni prince charmant : ça endormirait même un fan de Rohmer.

Par contre, je ne suis pas convaincu que la fantasy humoristique soit plus difficile à réaliser que, par exemple, la SF humoristique, ou le polar humoristique, etc. Disons que l’humour, en général, n’a trop la côte auprès des éditeurs. Auprès du public si (voir les succès de Pratchett, de C. Dufour (Blanche Neige etc.), de Terry Goodkind). La littérature est une chose sérieuse. Merci de ne pas contribuer à faire passer les éditeurs pour des clowns.

D’ailleurs, je n’écris rien d’humoristique. Je fais dans la critique sociale et dans la métaphore militante. Voir plus bas.

Maintenant, mes sources d’inspiration.

Pas certain de savoir. Peut-être Eric chevillard, et plus lointainement des auteurs comme Alphonse allais, Ralafferty, Kafka, etc. sans vouloir les imiter, inconsciemment, ils ont du plus me marquer que d’autres. En fantasy : Vance dans Cugel ; Calvo et Colin dans Sunk. Et sûrement d’autres, mais la, je sèche.

Orcusnf: j’ai bien aime la division de ton texte, puisqu’elle laisse apparaître clairement le schéma actantiel de l’histoire, que voulais-tu exprimer par cette simplification ? Un désir de refuser les titres, de simplifier les histoires ?

Karim Berrouka : je traduis pour les gens qui, comme moi, ne sont pas familiers des barbarismes des maîtres es masturbation du cervelet :

schéma actantiel : « le modèle actantiel, dit Greimas, est en premier lieu l’extrapolation d’une structure syntaxique. un actant s’identifie donc a un élément (lexicalise ou non, un acteur ou une abstraction) qui assume dans la phrase de base du récit une fonction syntaxique : il y a le sujet et l’objet, le destinataire, l’opposant, l’adjuvant, dont les fonctions syntaxiques sont évidentes ; le destinateur dont le rôle grammatical est moins visible et qui appartient si l’on peut dire a une phrase antérieure (d1 veut que s…) ou, selon la grammaire traditionnelle, a un complément de cause. »

voila, c’est tout de suite plus clair.

Donc, je dirais que c’est possible, mais ça dépend pas mal de l’adjuvant et du dosage de silicone dans les fonctions syntaxiques de la machine à cueillir les psylos. Sauf, bien évidemment, s’il neige de gauche a droite, surtout en partant du milieu. mais ça se discute (ça ne sert a rien d’autre d’ailleurs).

Orcusnf: vu le niveau de complexité des phrases, que l’on peut sans peine qualifier de torturées, alambiquées, contournées, précieuses, voire amphigouriques (ça en jette hein !!), as tu passe ton temps le nez penche sur un dictionnaire des synonymes ? (Comme moi même pour rédiger cette question)

Karim Berrouka : en fait, j’ai développe un générateur de phrases imbitables et de qualificatifs inutiles.

C’est tout con a utiliser, et ça marche a merveille. par exemple, tu rentres guimauve dans le générateur et tu obtiens l’intégrale des Œuvres d’Alexandre jardin. C’est fou l’informatique.

Orcusnf: faisons plus simple, je te donne cinq lignes pour présenter l’Œuvre, nous faire rire et nous donner envie de l’acheter (et je sais que tu en es capable).

Karim Berrouka : mon livre n’est pas drôle, je le répète. C’est une vive critique de la société, ou le sarcasme tire la bourre au mauvais goût, ou le verbe est mis au service de la révolution syntaxique (option marxiste maoïste d’extrême gauche qui mange les étudiants en grève – sauf quand ces derniers sont assimilables a des actants lexicalises), ou le mot s’épanouit pour laisser a la phrase le rôle de reformer les consciences. Bref, c’est un acte littérairement révolutionnaire. et ce que tu trouves drôle, jeune échelat écervelé, c’est juste que de décalage en décalage, de pointes d’ironie en éclairs de génie, le texte te parait soudainement accessible, beau, évident, et te voila zeppelin dans l’immensité azurée, voguant dans les lumineux courants de la lucidité. ça file le vertige. Alors, ha ha ha, tu rigoles. Mais y a rien de drôle. Je suis pas un clown ! fuck you ! je suis un auteur sérieux. Sinon personne n’aurait jamais ose me publier.

Donc, en cinq lignes…

comment on empêche

un éléphant

d’entrer par le trou de la serrure ?

réponse dans

la porte.

Orcusnf: as tu une nouvelle novella en cours ? Un roman peut-être ?

Karim Berrouka : j’ai des novellas en cours, des romans en cours, des nouvelles en cours. mais rien n’avance jamais très vite dans le pays des Berrouka. Toutefois, j’ai bien un énorme bouquin que j’essaie en vain de faire publier. Et dont personne ne veut. C’est qu’il doit être très mauvais. Mais comme c’est un des rares que j’ai réussi a terminer, j’insiste lourdement en frappant a toutes les portes (on y revient).

si j’ai le courage, j’écris la suite de la porte : la lampe. Comme ça, on pourra discuter du symbolisme des lampes (il y a beaucoup moins a dire que sur les portes, mais on trouvera – et on fera une interview en live chez Jacques Cailleau).

et puisqu’on me donne une tribune pour m’exprimer, je rajouterai que je bosse comme co-directeur de la collection recueil chez griffe d’encre (l’éditeur qui ronronne), avec mon collègue Michaël Fontayne (actuellement en mode stand-by). Déjà publié : le magnifique recueil de Nathalie Dau « les contes myalgiques i » (une véritable perle). et, à venir, la deuxième Nathalie du lot : Nathalie Salvi avec « en quête… ». 20 textes tout en finesse, un peu de sarcasme, beaucoup de sensibilité. Après, promis, on arrête les Nathalie (au moins pour un bouquin) et on passe à du plus poilu.

Orcusnf: quel sera le mot de la fin ?

Karim Berrouka : ouf

Orcusnf: sinon, petite déception, ton nain était peu présent quand même !

Karim Berrouka : tu voulais pas aussi que je t’en mette 7 avec une greluche qui pionce dans une forêt pas très ténébreuse ? Et Rohmer en cadeau bonux ?


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