Orcusnf : Bonjour Catherine, parle nous de tes péripéties dans l’épopée Tolkienesque.
Catherine : Bonjour, et merci de me lire.
Mes péripéties, donc. J’ai lu le Seigneur des anneaux et le Silmarilion. Ensuite, j’ai regardé les trois films de Peter Jackson, dix fois chacun. Ensuite, j’ai relu Tolkien. Ensuite, j’ai reregardé les films de Peter Jackson cinq fois chacun. En prenant des notes. Et j’ai notamment noté que, quand les hobbits se préparent du bacon à la tomate sur les Monts Venteux, leur dîner est interrompu par un lâcher de Nazguls. Quand ils se préparent un civet de lièvre en Isengard, leur dîner est interrompu par une attaque de Faramir contre les Suderons. Alors je me suis dit : « Imaginons un pique-assiette qui a flairé le bon plan et qui file le train de Frodon juste pour récupérer son dîner dès qu’il lui arrive une tuile. ». Et j’ai écrit « L’immortalité moins six minutes ».
Orcusnf : Quel est pour toi le sens d’une quête ?
Catherine : Une quête est quelque chose qui arrive à une personne jeune, donc stupide et prétentieuse, et qui au bout du compte et à force de souffrance, la laisse nerveusement épuisée, physiquement esquintée, mais emplie de sagesse et d’humilité. En clair, une quête prétend que souffrir, c’est bon et que vieillir, c’est bien. C’est complètement faux, et largement pervers. Raison pour laquelle la quête de « L’immortalité moins six minutes » laisse ses quêteuses amères et usées.
Orcusnf : As tu été influencée par les jeux de rôles ?
Catherine : Oui. J’ai eu le parcours classique Tolkien – Willow – Advanced D&D – mago semi-elfe 10e niveau puis DM. Sur plateau uniquement. J’avais aussi un gros barbare nommé Groar, un chaotique-neutre qui violait les poules. De très bons souvenirs.
Orcusnf : On voit aussi l’influence de nombreux auteurs, sans compter Tolkien et Pratchett, penses tu que ces emprunts sont la base de ta création romanesque ?
Catherine : Oui. J’écris pour imiter quelqu’un parce que je le trouve trop bien. Une sorte d’hommage plagiesque. Ma série « Quand les dieux buvaient » est mon hommage à Pratchett autant que mon vote contre la bêtise des contes de fée vus par Walt Disney. Mon livre « Le goût de l’immortalité » est un à-la-manière-de Marguerite Yourcenar. Et « L’immortalité moins six minutes » est un hommage à Tolkien, autant qu’une rébellion contre la vision du monde de Tolkien (« Tout ce qui est blond est beau et bon, tout ce qui vient du sud est basané et barbare »).
Orcusnf : Deux quêtes superposées comme ça, ça fait une biquette ?
Catherine : Ca peut. Mais une quête dans une préquelle, ça fait surtout une préquéquête. Désolée.
Orcusnf : T’es tu amusée en l’écrivant, ou cela a t’il été un calvaire d’user d’autant de ressorts comiques ?
Catherine : C’est un livre, pas un vieux matelas. Je me suis amusée, bien sûr. Quand je ne ris pas en écrivant un livre censé être humoristique, je jette et je recommence.
Orcusnf : Es-tu aussi drôle dans la vie ?
Catherine : Personnellement, je me fais beaucoup marrer mais quand je ris toute seule dans le métro, les gens me regardent bizarrement. Je songe à devenir impavide, voire triste.
Orcusnf : Te sens tu plus proche d’une de tes fées ?
Catherine : Ma foi, sur les trois fées de « L’immortalité moins six minutes » (qui sont les mêmes que dans les tomes post-précédents, d’ailleurs), il y a une gaffeuse poétesse, une homosexuelle sentimentale et une alcoolique rurale. Alors on va dire que je me sens plutôt proche de la troisième. Mais je les aime toutes les trois.
Orcusnf : Il paraît qu’il faut chercher les sirènes dans l’histoires, où sont-elles ?
Catherine : Elles n’ont pas voulu venir. Le fait qu’un livre n’en fait qu’à sa tête et non à celle de son auteur n’est pas un mythe : c’est un, eh bien – un fait. Il devait y avoir des sirènes, j’avais toute la documentation, et il devait y avoir aussi une horrible dictature, avec des prisonniers politiques et des tortures, je m’étais renseignée sur les prisons chinoises et non ; rien à faire. Le livre n’a pas voulu.
Orcusnf : Pour quelle raison as tu décidé de considérer le seigneur des anneaux sous un nouvel angle ? De renverser les rôles ?
Catherine : Pour voir comment quelqu’un de normal (vous, moi) réagit dans un contexte magique. J’adore ces contrastes. Passer par Fondcombe et préférer visiter les cuisines plutôt que le salon d’Elrond me paraît un bon résumé de la vraie vie.
Orcusnf : Pétrol et Pimprenouches sont-elles des morfales ? On a toujours l’impression de les voir affamées !!
Catherine : C’est ça, la vraie vie. Mieux soulignée dans Tolkien que dans les films, d’ailleurs. Voyager, fut-ce en terre du Milieu avec le regard de Sauron sur soi, c’est malgré tout dénicher à manger trois fois par jour, et trouver deux litres d’eau par personne et par vingt quatre heures. C’est ça, le vrai défi. Parce que prendre des poses avec une épée qui brille, tout le monde peut le faire, mais traverser un pays de landes et de marécages avec sa bite et son couteau sans finir par mourir de faim, de froid ou de maladie, ça, c’est difficile. C’est d’ailleurs ce que mes fées découvrent avec horreur : le froid, l’onglée, les ampoules, les crampes, les carences alimentaires, les bretelles du sac qui frottent, toute la joie de la route. Une des fées ne lâche pas son « Guide du routard du Milieu ».
Orcusnf : Après deux ans de silence, tu publies à nouveau un livre sur l’immortalité. Doit on en déduire que le prochain livre portera à nouveau sur l’immortalité ?
Catherine : Oui.
Orcusnf : Pourquoi accorder une place si limitée aux nains et aux ogres, après tout, ils auraient pu servir encore mieux l’histoire ?
Catherine : Pour que le lecteur ne se perde pas trop. « On » prétend qu’il y a trop de personnages dans mes livres. « On » m’enjoint de me limiter à moins de cinquante. Alors, j’ai limité.
Et maintenant, « On » me le reproche. C’est pas facile, hein ?
Orcusnf : Les notes de bas de page, c’est une réminiscence de Pratchett ?
Catherine : Possible. Sûrement. Mais j’ai toujours adoré rajouter des personnages en bas de page, de toute façon. Des gens qui se disputent en se fichant complètement de l’intrigue principale.
Orcusnf : Vue la description que tu fais de l’Ether, pourrait on imaginer un livre s’y déroulant, qui serait un space opera ?
Catherine : Ce serait parfaitement possible. Dans le monde de « L’immortalité moins six minutes », l’Ether est l’univers qui se situe à l’origine de toute magie et ses possibilités sont innombrables. Le problème, c’est que sa géographie n-dimensionnelle est remodelée en permanence par les fées, surtout lorsqu’elles ont besoin de créer une nouvelle planète pour garer leur solex. Alors, peut-être que ce serait un spacecake-opéra. Mais c’est une bonne idée, tiens.
Orcusnf :Xavier Mauméjean nous a confié que tu seras à l’affiche du Club Van Helsing, peux tu nous en parler ?
Catherine : Club Van Helsing est une nouvelle série qui met en scène des chasseurs de monstres mythologiques (loups-garous, golem). Tiens, j’en profite pour remercier Xavier Mauméjean de m’avoir permis d’y participer. Et tant qu’à faire, ma foi, je remercie l’éditeur de « L’immortalité moins six minutes », Nestiveqnen, de me faire confiance depuis de si nombreuses années. C’était quoi, la question ? Le Club Van Helsing, oui.
Mon opus du Club Van Helsing sortira à la rentrée. C’est l’histoire d’un chasseur de cachalots qui prend pied sur la terre ferme pour chasser une bestiole beaucoup plus méchante et beaucoup, beaucoup plus vieille. Le problème, c’est que la bestiole est accompagnée par une très, très jolie femme…
La suite plus tard.
Orcusnf : Et à part ça, à quand le tome -1, ou un nouvel opus sf ?
Catherine : Un nouvel opus SF d’ici… je ne sais pas, deux ou trois ans ? Je suis sur un gros bouquin et ça demande beaucoup de temps. Le tome -1, ce sera après.
Orcusnf : Que peut-on te souhaiter sinon ?
Catherine : Du temps ! Plein de temps pour écrire. Une machine à arrêter le temps, tiens. Un foie solide, aussi. Des lecteurs compréhensifs. Et le Faucon Millenium ! Ca, oui, ça me plairait bien. Avec Han Solo dedans.
Orcusnf : Nous espérons que tu n’as pas trop ftagné comme un Cthulhu en répondant à nos questions, un mot pour la fin ?
Catherine : Ph’nglui mglw’nafh Cthulhu R’lyeh wgah’nagl fhtagn. Sinon, une question me taraude depuis le début de cette interview : pourquoi « orcusnf ». Ca a à voir avec un orque ? Avec le label Norme Française ? Avec pire ? (pour une réponse à cette question, venez sur le forum)
En tout cas, merci de ton invitation sur ce beau site, merci pour votre attention à tous, et que vive Fantastinet !
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