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La Cité nymphale de Stéphane Beauverger

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Si Les Noctivores m’avaient laissé sur une impression mitigée, La Cité Nymphale clôt la trilogie du virus avec un certain panache. Les trois volumes sont censés pouvoir se lire indépendamment les uns des autres. Oui : ils ont tous un début, un milieu, une fin, avec une intrigue unie. Non : comprendre les éléments qui font la richesse de la trilogie du virus sans avoir lu les volumes précédents, voilà qui relèverait de l’exploit.

Reprenons donc l’histoire où nous l’avions laissée : Cendre et Lucie ont fuit à la Parispapauté, sous la protection du Pape Michel. La Parispapauté est une des tentatives de reconstruction sociale, alimentée de surcroît par la volonté de venir au secours des Noctivores qui ce se serait fait rejeter par la synthèse. Quand arrive le Roméo demandant « asile politique »…

Cendre est un peu moins insupportable que dans Les Noctivores. Lucie est totalement détestable. En fait, elle est devenue une caricature de ce qu’a pu être Justine (est-ce possible ?). Il devient rapidement assez évident qu’elle-même est rongée par le virus, tout en devant protéger une fonction « format C: » à forme humaine. Si l’amour qui unissait Lucie et Cendre a existé, il n’en reste plus grand chose. Le chromozone comme vaccin contre l’amour ? Après avoir détruit Justine et Gémini, voici qu’il détruit Lucie et Cendre ?

La Cité Nymphale a les défauts de ses qualités. Il existe un grand nombre d’ouverture sur un univers qui apparaît ainsi très complexe. A juste titre.
Stéphane Beauverger ne se borne pas à présenter le monde dévasté et les tentatives de reconstruction qui essaiment à travers un seul point de vue, une seule expérience. Nous avons à découvrir une terre à multiple facettes, et c’est bien. Par contre, le risque est de s’engluer dans des détails ou de rater son effet.
Nous suivons en effet les pérégrinations d’un tueur psychopathe dont on se doute fort de l’identité de la cible et les « aventures du quotidien » d’un Robinson Crusoë sur sa plage. Le fait est que l’histoire du tueur fou retombe comme un soufflet. Pas de combat sanglant, juste un prétexte à une explication. Cette explication est certes majeure, il aurait été quasi impossible de l’amener autrement, mais personnellement, les sauts de conscience du tueur n’ont pas été d’un grand apport au fil du texte.
Pour ce qui est du Robinson (dont la véritable identité est ab-so-lu-ment évidente) le cas est plus intéressant. Ces « aventures » auraient pu ce passer 5 ans avant les malheurs de Cendre et de Lucie, ça n’y aurait pas changé grand chose. L’intérêt vient pourtant de ce qu’il apprend de lui-même au fil des jours. C’est un peu un prétexte à l’affrontement avec le Boss de fin de niveau, mais le parcours est intéressant et je me suis laissée piéger, intriguée.
Un autre point dont la sous-exploitation m’a un peu déçue, c’est l’élaboration de la technologie Mandala. L’évocation de cette technologie de protection contre le chromozone tenait une part non négligeable dans Les Noctivores, elle apparaît à nouveau en filigrane dans La Cité Nymphale. Mais elle reste un détail, bien que génératrice d’espoir.

La Cité Nymphale a les qualités de ses défauts. Le monde est multiple et non compréhensible tant que l’on n’a pas regroupé et mis en place tous les éléments du puzzle. C’est une histoire sans méchants, la démonstration de ce que peuvent devenir des sociétés humaines après le chaos total. Il s’agit à mes yeux de construction. L’explosion annoncée par la 4e de couverture ne semble qu’un soubresaut une fois la trilogie achevée.
Il faut cependant noter le tour de maître de Stéphane Beauverger (et je vais essayer d’être assez évasive pour ne pas tout gâcher), c’est la mort d’un personnage mineur qui provoque un retour au chaos, et non celle d’un personnage majeur (ce à quoi on se serait pourtant attendu, avec une fin pataugeant dans les tripes et le sang). Ceux qui se prétendent non contaminés par le chromozone sont pires que les noctivores.
Virus informatique, communication phéromonale, transformation des sociétés humaines en société de fourmis, voici la part de science-fiction. Mais ici, nous avons droit à un vrai récit intelligent, qui nous donne un point de vue sur l’humain, sans tomber dans la philosophie de comptoir ou le sermon. Un avis vivant, bien mis en scène, romancé avec élégance. Un bon livre en somme.

L’ironie très appréciable de la fin de cette trilogie est que l’espoir vient du Sud.

La fin ouverte du roman pourrait éventuellement nous laisser présager d’une suite. Possible, mais non nécessaire.
Une trilogie qui mérite d’être lue.

La Volte 286 pages 24.00 € ISBN : 978-2-95-2221 2006

Le Chromozone avait d’abord détruit les infrastructures. Puis l’impensable était arrivé. De virus électronique, le Chromozone était devenu biologique. Jusqu’à rendre furieux les infectés, activant leurs pulsions les plus violentes.
Aujourd’hui, le monde s’est réveillé du cauchemar. Avec une sacrée gueule de bois. Et toujours sous la menace d’une contamination.
Deux villes renaissent et s’organisent. La Parispapauté héberge Cendre, le Sauveur, accueille les repentants et les aide à mourir en individus libres. Brest tente de son côté de rebâtir une cité marchande paisible, sous la protection des Keltiks. Ces deux îlots de paix semblent bien précaires face à l’expansion noctivore, elle qui se présente comme l’avenir de l’humanité, elle qui a su transcender la sauvagerie du virus pour devenir un gigantesque organisme collectif. Seuls ceux de Derb Ghallef, à l’abri des regards, sont en mesure de rivaliser technologiquement avec les noctivores. Encore faudrait-il connaître les desseins et les atouts de chaque partie en présence.
Tout est en place pour un affrontement inévitable, alors qu’un tueur fait route vers une cible inconnue. Cet équilibre factice ne peut que basculer car :
Le monde est devenu trop silencieux.
Le destin vient à grands pas à la rencontre de Cendre le jeune mutant, Lucie, son amante et protectrice, Justine la meneuse allumée des Keltiks, Gemini lancé par-delà l’Océan à la recherche de la créatrice du Chromozone.
La Cité nymphale est un roman d’initiation postchaotique, un laboratoire économique expérimental et un manuel de survie en milieu hostile. L’univers musical de Hint, dur et planant, et les images de Corinne Billon, organiques, épousent les rythmes de l’écriture de Stéphane Beauverger qui clôt ici le triptyque du virus. Sa façon à lui de raconter le monde en trois étapes : destruction, reconstruction, explosion.


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