Service de Presse
En ce début d’année était réédité au Livre de Poche La maison aux mille étages de Jan Weiss, précédemment publié chez Hachette dans la collection Le Rayon Imaginaire. Ce texte de 1929, tchèque, est étonnant à plus d’un titre…
Qui est Petr Brok ?
Un homme se réveille. Il ne sait pas où il se trouve. Il ne sait pas où il doit aller. Il ne sait même pas qui il est. Il n’a donc d’autre choix, dans un premier temps, que de sortir de ce bâtiment qui ne semble avoir aucune limite. Et il trouve un mot dans sa poche. Un simple mot qui lui dit de trouver un miroir pour comprendre sa mission, son rôle. Aidé par un aveugle, il atteindra cette première étape et comprendra qu’il est invisible.
Hors d’ici ! Hors d’ici ! Mais par où ? Il n’y a que deux chemins : vers le haut ou vers le bas. Eh bien… vers le haut ! … Des marches, des marches… Le tapis rouge se déroule dans son cerveau comme un fil de fer incandescent
A partir de là, il n’aura de cesse que de suivre ce qui est semble être son but. Aller à la rencontre de Müller, le créateur de cette étrange batisse aux étages qui succèdent aux étages. Il semble être Petr Brok, envoyé pour assassiner le mégalomane à l’origine de la construction.
S’il ne sait pas les raisons a priori, il découvrira très rapidement que l’humanité enfermée dans le bâtiment est totalement soumise au propriétaire des lieux. La nourriture ne se traduit que par des cubes alimentaires, fournissant en même temps un ensemble de conséquences pas des plus agréables.
Un totalitarisme à tous les niveaux !
C’est un peu ainsi que nous pourrions résumer ce roman. Nous voici donc à suivre Petr Brok, que nous ne connaissons pas et qui sera notre regard externe sur cet univers que nous présente l’auteur tchèque. Rapidement, nous pouvons projeter l’histoire comme celle d’un pays. Un pays sous la houlette d’un dictateur, cela va sans dire. L’environnement qu’il a créé est totalement indépendant du reste de la société : tout est fabriqué sur place !
La nourriture, les matières premières, mais pas que ! Toute la machine de la Maison aux mille étages est centrée sur le seul bénéfice de son propriétaire. Les masses laborieuses restent en fond de cale et plus nous montons, plus nous avons l’impression d’arriver sur une forme de bourgeoisie.
Bien entendu, le culte de la personne est au coeur de la vie des résidents qui n’imaginent pas autre chose que l’image qui leur est renvoyé de leur bien être. Pourquoi aller ailleurs, Müller pourvoit à tout !
C’est donc étage après étage, pièce après pièce, que la communauté mise en place se révèle à nos yeux. Définitivement oppressive, la société est intégralement mis sous surveillance. Qu’elle soit réelle ou fantasmée, le peuple de la maison s’y soumet et aligne ses actes avec ce qui est demandé par le chef suprême.
Un texte compliqué
Le récit est particulier, et cette succession de pièce, la construction même de l’histoire exige un effort de la part du lecteur. Si l’histoire se déroule sous nos yeux, la succession des événements sonne parfois un peu faux.
La curiosité tient plus à la période à laquelle l’oeuvre a été écrite : fin des années 20. L’auteur a fait preuve d’une justesse dans son anticipation de la société. Une société finalement totalement enfermée sur elle-même, ne connaissant rien de l’extérieur et toute tournée vers son dirigeant…
D’actualité, pourrait-on dire.
Le Livre de Poche (Janvier 2025) – 283 pages – 8,90 € – 9782253247302
Traduction : Eurydice Antolin (Tchèque)
Titre Original : Dum O Tisici Patrech (1929)
L’humanité est enfermée dans une tour de mille étages. Un homme s’y réveille, seul, amnésique, invisible, hanté par des visions insoutenables de salles obscures emplies de corps décharnés enchaînés les uns aux autres. Qui est-il ? Quelle est sa mission ?
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