New York, 1920, un jeune homme se prend pour un roi, le roi d’Amérique. Mais sur sa route se dresse son cousin, l’héritier légitime, qui doit renoncer au trône dont il ignore être l’héritier, et à la fois renoncer à jamais à se marier, alors même qu’il est sur le point d’épouser la fille d’un armurier. L’ami de ce jeune homme, qui se prétend restaurateur de réputation, prépare en secret un complot visant à rétablir la monarchie dont son ami sera le chef. Au centre de ce complot : le signe jaune, le symboles des adeptes du roi en jaune.
Un sculpteur découvre une formule transformant l’eau en un produit capable de transformer en marbre tout organisme qui y serait plongé. Incroyable pouvoir dont entend profiter l’artiste. Mais sa fiancée, torturée entre son amour pour lui et pour son ami. Elle décide de franchir le pas et de lire Le Roi en jaune, prise de désespoir, elle se jette dans la solution miracle et se voit aussitôt transformée en statue de marbre.
Dans la région bretonne, un homme parti chasser dans la campagne de Kervelec se perd et, après une longue errance, rencontre une jeune fille en train de chasser avec un faucon. Elle l’héberge chez elle pour la nuit, et là, il découvre un château mystérieusement préservé des effets du temps, d’autant que ses occupants vivent comme au moyen âge y compris et jusqu’à leur langage ou leurs costumes.
A Paris, des étudiants en art mènent une vie dissolue dans le Quartier Latin, partageant leur temps entre l’art et le plaisir. Ils profitent de leur jeunesse pour mener une vie de bohême bien agréable.
Initialement paru en 1895, Le roi en Jaune lance la carrière de Robert W.Chambers, qui deviendra par la suite un grand écrivain américain, émaillant sa longue oeuvre de romans fantastiques, mais aussi de romans historiques, sentimentaux, etc. Héritier spirituel de Poe, il a inspiré entre autres Lovecraft ou Marion Zimmer Bradley, c’est dire combien son influence a été déterminante. Pourtant, Le Roi en jaune n’a jamais été traduit en France, seule quelques nouvelles l’ont été dans divers anthologies ou magazines, et il y eut une édition belge chez Marabout en 1976. En tout cas, cette flagrante injustice est réparée par cette présente édition.
On peut d’ores et déjà diviser Le roi en jaune en deux partie, la première étant clairement lié au titre du livre et est donc fantastique, alors que la deuxième relève manifestement d’une sorte d’autofiction, où l’auteur raconte la vie de bohême de quelques étudiants en art à Paris, ce qu’il a lui même vécu, et qui n’a strictement rien de fantastique. Cette partie n’a pour nous que peu d’interêt, elle est certes bien écrite, interessante et révélatrice de ce que pouvait être la vie de Bohème dans le Paris de la fin du 19ème siècle, mais n’a rien à voir avec Le Roi en jaune. Pourtant, ils se trouvent dans le livre, ce à quoi je n’ai rien à répondre si ce n’est que l’auteur était bien libre de mettre ce qu’il voulait dans ses ouvrages !
Revenons à la première partie. Elle est centrée autour du Roi en jaune, mystérieuse pièce de théâtre, qui si elle est banale au premier acte, révèle un univers extraordinaire au second et dernier acte, où l’écriture est si fine et sensible qu’elle fait résonner l’âme humaine, provoquant des lésions irréparables dans le caractères de ses lecteurs, qui deviennent dépressifs, morbides. Le livre a immédiatement été censuré dans le monde entier, ce qui n’a fait qu’attiser son succès et fait gonfler le nombre de ses victimes. Si le livre peut faire penser au Nécronomicon – rappelons que Lovecraft citait Chambers dans ses auteurs favoris – on n’y retrouve pas pour autant la dimension préhumaine, ni même un pouvoir capable de rendre fou dès la première page. Il y a certes folie, mais moins violente, les lecteurs étant obsédés par des héros, tels Hastur, ou des lieux, tels Carcosa, réputés pour leur vertu ou leur beauté. Le Roi en jaune déforme la réalité, ce qui pousse ainsi le héros du « restaurateur de réputation » à se prendre pour un roi.
Ce livre est ainsi très surprenant, entouré d’une sorte d’aura surnaturelle qui s’explique par un style fouillé, très descriptif, complété par des ambiances morbides, que l’on peut parfois qualifier d’extrahumaine, où plutôt dénuée d’influence humaine comme c’est le cas dans « La demoiselle d’Ys ». Certains phénomènes sont inexplicables, les héros se retrouvent aux prises avec des forces échappant à leur compréhension, tout s’emballe autour d’eux et, tels des pantins, ils sont ballotés par les forces du destin, qui après en avoir fini avec eux, les laissent désarticulés par terre. Des éléments typiquement fantastique, et si l’on sent la trace de Poe, on y voit plus encore la genèse des nouvelles lovecraftiennes, ce qui est par exemple visible dans « Le signe jaune » ou dans « La cour du Dragon ». On se laisse emporter sans résister par ces nouvelles ébouriffantes.
En conclusion, Le Roi en jaune est un livre que tout fan de fantastique devrait avoir lu, car il est un très bon compromis entre les univers de Poe et ceux de Lovecraft. Ni trop horrible, ni trop grotesque, il est vraiment un petit bijou du fantastique. Seul bémol, la seconde partie qui, sans être désagréable, n’a rien de fantastique et n’apporte rien à la trame nébuleuse tissée autour de cet étrange livre interdit. Il est vrai qu’au final, on n’en sait pas plus sur le roi en jaune, mais la vérité ne serait elle pas moins belle que le mystère préservé ?
Malpertuis – Absinthes, éthers, opiums – (2007)– 260 pages 15.00 € ISBN : 978-2-917035-00-9
Traduction : Christophe Thill
Titre Original : The King in yellow (1895)
Couverture : Stuart Brill
De Paris à New York, de jeunes artistes voient leur vie bouleversée par un étrange livre interdit, Le Roi en jaune. A travers celui-ci, c’est un univers de folie et de cauchemar qui fait irruption dans notre monde : celui de Hastur et de Carcosa, celui sur lequel règne le terrifiant Roi en jaune.
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