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Les Faucheurs sont les Anges d’Alden Bell

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Alden Bell donne rapidement le ton de son roman avec un premier chapitre choc où Temple, jeune fille de presque seize ans reste insensible face à la carcasse d’un homme à moitié mort qui s’échoue sur les côtes.
On n’est vraiment pas loin de « La Route » de McCarthy avec une ambiance poussiéreuse, froide, morte mais avec plus d’action.

J’aimerais également aborder la mise en page, bien particulière, où les dialogues ne sont jamais différenciés du reste de la narration, il n’y a aucun tiret dans ce livre et pourtant Temple parle, et pas seulement toute seule. Rassurez-vous, vous ne serez pas perdu, et cela augmente la sensation de solitude de cette jeune fille ; un parti pris plutôt intéressant.

Allons-y pour l’histoire. Les Etats-Unis, le monde ravagé depuis plus de vingt ans, tout n’est que poussière et Temple y évolue et survit. Seule, elle parcourt sans cesse le pays pour éviter ce qu’elle appelle les ‘limaces’ ou ‘sacs à viande’ et se nourrir.

Petite précision, ces ‘limaces’ sont des hommes, femmes, enfants, transformés en zombies avides de chair humaine. On est loin de « 28 jours plus tard« , ici ils sont lents et peu dangereux si on les voit arriver de loin… ce qui n’est pas toujours le cas.

Temple, au premier abord, est une personne froide, sans espoir, qui semble survivre sur des souvenirs douloureux. Elle est puissante et démontre rapidement au lecteur qu’elle est tout à fait capable de se défendre sans grands remords… le sang a coulé sur ses mains de nombreuses fois mais jamais pour le plaisir, elle est droite et ne s’abaisse pas à la haine ou la vengeance.

« Elle [Temple] n’a rien d’une nounou, d’une protectrice des faibles. Elle sait où est sa place : avec les cannibales et les fous, les mangeurs de chair et ceux qui arpentent les terres dévastées, les abominations. Elle a fait des choses qui la marquent à jamais — aussi bien qu’un fer rouge sur le front — et qu’il serait vain de chercher à nier. Ce serait faire preuve de vanité. »

Temple remonte vers le nord. Je l’ai crue rare survivante au début mais ils s’avère que de nombreux groupes se sont organisés ici et là. Elle va en croiser beaucoup, malheureusement, peu habile en relation humaine — eh puis bon, il le méritait aussi — elle va se retrouver à devoir fuir les ‘sacs à viande’ mais aussi un homme qui cherche à venger son frère.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il y a beaucoup d’humanité dans « Les Faucheurs sont les Anges » avec tout ce qu’elle a de plus positif et de plus négatif. C’est parfois choquant mais tellement réaliste. Au fil des groupes que Temple rencontre, ils vont s’avérer de plus en plus rassurants et, vont, en quelque sorte, remonter Temple à la surface.

Au fil du roman, cette dernière se dévoile, montre ses blessures et les origines du vide qui s’est creusé en elle. Elle va se poser de plus en plus de questions sur sa nature, son histoire, sur les gestes qu’elle a eu, sur ce qu’elle a vécu. Ses réflexions sont riches et discrètes ; elles arrivent sans même qu’on s’en rende compte et finissent par toucher en plein coeur.

Au début du récit, je m’attendais à apprendre comment le monde en était arrivé là eh puis, au fil du récit, je me suis rendue compte que je n’aurai pas de réponses et que, finalement, la question n’avait plus d’importance. Après tout, Temple n’a jamais connu que ce monde et elle occupe tellement l’histoire, à elle seule.

Pour conclure, « Les Faucheurs sont les Anges » est un roman qui bouleverse sans en avoir l’air. Un univers post-apocalyptique où évolue Temple qui, à seize ans, va vivre un voyage initiatique ; c’est l’histoire d’une reconstruction, d’une construction même. Temple est un personnage absolument bouleversant qui, malgré toute sa froideur, vous tirera délicatement quelques larmes. Wow ! (^-^)

Bragelonne (20 avril 2012) – 282 pages – 18€ – ISBN : 9782352945598

« Temple n’a aucun souvenir du monde avant la chute.
Du monde avant les zombies, avant les camps de survivants, avant les plaines de suie où tombent les vivants et se lèvent les morts.
Temple a quinze ans, mais le temps de l’innocence est depuis longtemps révolu. Seule face à la nature, à ses miracles et à sa sauvagerie, elle est pourtant décidée à profiter de ce que la vie peut encore lui offrir, et à découvrir ce que dissimule l’horizon.
Et derrière cette adolescente au coeur simple et dur, habitée par le désir d’être juste, se profile l’ombre de l’homme qui a juré de la tuer. »

Traduction :  Tristan Lathière

Couverture :  Mark Owen & Roy Bishop

Titre VO :  The Reapers are the Angels (2010)


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