Que peut-on dire encore sur le comte transylvanien, qui nait pas été avancé, analysé, trituré et digéré par tous les exégètes et fans du personnage ?
Seulement voilà, luvre a été mise, par une fantasque commission pédagogique, au programme de lagrégation danglais 2006 et 2007. Et les recueils darticles de pousser comme autant de fleurs vénéneuses sur les tables des librairies
Louvrage, présenté par Olivier Larizza, paraît aux Éditions du Boulevard (www.editionsduboulevard.fr), une toute jeune maison pleine dentrain et dinventivité.
Il contient 8 articles et une introduction. Les thèmes abordés relèvent aussi bien de lesthétique que de lanalyse mythologique, sociologique, psychologique, typologique ou de symbolique littéraire. Les auteurs sont tous des universitaires dont les travaux touchent au personnage de Dracula.
Il est inévitable, je suppose, davoir ses préférences parmi les diverses contributions. Celle de Marianne Camus, qui nous explique la confusion des genres dans le roman victorien, celle de Marie-Noëlle Zeender sur la remise en cause de linstitution du mariage, laissent un peu sur sa faim. On sent le cliché questionné mille fois ; montrer du doigt la sexualité victorienne nest pas fort original ; tordre le texte pour y trouver ces sempiternels sous-entendus nest pas très élégant.
Larticle dOlivier Larizza, qui se demande à quel point luvre est gothique, et à quel point elle prend ses distances avec ses modèles, montre plus de hardiesse.
Il en va de même pour ceux de Richard Somerset (« Horrid poison in the veins : Dracula as an eugenic purgative ») et de Michel Cieutat (« Dracula phagocyté »). Dans le premier, le critique part des ouvrages de naturalisme de lépoque, et de leur tendance à décrire les espèces animales comme des types psychologiques. Ainsi, un ouvrage dun certain Henry Drummond présente un petit crustacé, le sacculina, comme un parasite, incapable de se décider à vivre sans parasiter un autre organisme. Le comte Dracula incarnerait, lui aussi, le dégoût victorien pour le vampirisme, le parasitisme, opposé à lidéal dindépendance virile et morale.
Larticle le plus intéressant selon moi, placé bien sûr en fin de volume, est celui sur « Dracula phagocyté ». Il se penche très sévèrement sur ladaptation du roman réalisée par Coppola en 1992. Michel Cieutat salue loyalement les recherches filmiques de Coppola dans cette uvre, le travail esthétique indéniable, mais pointe ensuite quelques libertés, quelques fautes de goût et conclut à un relatif échec de ladaptation. Pour moi qui avait une méfiance diffuse envers le film, cet article fait plaisir à lire.
Ce recueil darticles, donc, malgré quelques passages plats, possède assurément beaucoup dintérêt, alimentera durablement la fascination du lecteur pour le mythe de Dracula. Lintroduction dOlivier Larizza, à lire en tout premier lieu, donne une vue densemble tout à fait satisfaisante. On regrettera toutefois que deux des articles soient publiés en anglais. Même si louvrage se destine à des agrégatifs danglais, une bonne partie du lectorat français sera privée de létude de qualité de Richard Somerset. Un livre, donc, à conseiller plutôt aux assoiffés de critiques draculiennes.
On ne présente plus Dracula, devenu un véritable mythe macabre de l’immortalité. Mais a-t-on percé tous les secrets de cette figure ? A-t-on résolu toutes les énigmes de l’uvre composée à la fin du XIXe siècle par cet Irlandais érudit, Bram Stoker, dont le pouvoir de création continue de fasciner ? C’est hantés par ces questions que quelques-uns des meilleurs spécialistes de littérature britannique et de cinéma vous proposent leur éclairage. Explorant des sujets aussi variés que les rapports entre le roman et la peinture, sa teneur gothique, la transe des corps, la polygamie et la polyandrie, les questions de race, de genre et de contamination, ou encore le film réalisé par Francis Ford Coppola en 1992, les auteurs rassemblés ici retournent à la source même du mythe pour en approfondir la connaissance et en renouveler la lecture.
du Boulevard – Reflexions – (Novembre 2005)– 220 pages 17.50 ISBN : 2-352-11000-9