Depuis de nombreuses années, Aurélien Police œuvre pour les littératures de l’imaginaire. Rares sont ceux et celles qui ne sont pas arrêtées devant une des couvertures de l’artiste manceau. Que ce soit au travers de la collection Une Heure Lumière du Bélial, ou encore les couvertures de Dune chez Robert Laffont, sa patte se reconnait facilement. Scrinéo, Albin Michel Imaginaire, Folio, Pocket, … ont tous des couvertures signées Aurélien.
Fin d’année dernière, le voici qui se transforme en plus en auteur, avec Asuka.
Nous avons pris le temps d’échanger quelques minutes autour de tout cela, à la Bibliothèque Universitaire du Mans que nous remercions pour l’accueil !
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Et la retranscription 🙂
Bonjour Aurélien, bonjour, Merci d’avoir accepté cette interview à la BU du Mans. Qu’est-ce que ça fait de revenir sur ce site ?
C’est plutôt rigolo, ça fait très longtemps que je n’avais pas mis les pieds ici parce que j’étais étudiant il y a très longtemps. Maintenant, ça commence à remonter un petit peu dans le bâtiment qui est un peu plus haut, bâtiment de lettres et je ne connaissais pas encore cette nouvelle version de la BU puisque moi j’étais plutôt habitué à l’ancienne qui maintenant je ne sais pas ce qu’elle est devenue, mais en tout cas c’est un très bel endroit.
Et du coup, oui, tu as commencé tes études ici, mais du coup tout ce que tu dis dans les lettres, donc pas dans l’illustration, le design, etc. Comment ça s’est passé pour basculer ?
Alors j’ai d’abord fait des études d’anglais, ensuite des études de lettres modernes et j’ai fait un mémoire sur le rapport plus ou moins texte-image chez un auteur qui s’appelle André Pierre de Mandiargues, surréaliste, et notamment auprès de comparaison entre ces textes et Aubrey Beardsley. Et je pense qu’il y a un petit déclic à ce moment-là, parce que, en même temps, je faisais des fanzines où je m’occupais de la mise en page, des illustrations. Et ce rapport Texte-image, en fait, m’a beaucoup plu, m’a beaucoup parlé et je pense qu’il y a eu quelque chose qui s’est passé à ce niveau-là. Et je me suis mis parallèlement à réaliser des montages photos. J’avais acheté mon premier appareil photo numérique et je pense que voilà, l’engrenage s’est mis en place comme ça, petit à petit, à ce moment.
Là, j’ai retrouvé un livre. J’avais plaisanté dessus d’Iceberg, où on voyait tes premières illustrations. Aujourd’hui, tu es devenu incontournable dans l’imaginaire. En termes d’illustration, on te retrouve au Bélial, Robert Laffont, Je vais en manquer plein Folio, etc. Comment tu as construit tout cet univers ? Comment ça se passe pour créer, produire autant ?
Pffff. Déjà, il faut du temps clairement, pour se faire connaître, pour commencer à être visible, ça prend quand même pas mal d’années ensuite, une fois que les éditeurs ont appris à connaître nos capacités, notre capacité de travail, ce sont eux qui viennent vers nous et qui choisissent un petit peu en fonction de leurs besoins. Quel illustrateur ils vont contacter. Moi, j’ai la chance d’avoir quand même pu m’intégrer dans le milieu depuis un certain temps. J’ai donc un roulement comme ça d’éditeurs qui me contacte assez régulièrement. Et voilà, Je n’ai pas eu grand-chose à faire en soit, je n’ai pas eu de particulièrement de démarchage à faire, mais bon, après ça c’est l’expérience individuelle pour chacun, c’est différent. Moi ça s’est fait un peu un peu tout seul finalement, avec un petit peu de patience quand même, mais sans trop lutter finalement.
Et pour moi, il y a deux particularités qui ressortent. Il y a la collection Une heure lumière dont tu es le seul illustrateur et sur lequel tu as posé ta marque, et d’une illustration de Dune aussi qui sont juste magnifiques. Comment on travaille ces éléments-là ? Comment d’un côté on garde la trame d’une heure lumière et comment de l’autre côté, on arrive aussi à avoir cette originalité sur tout le cycle d’une de façon à avoir quelque chose qui qui marche.
Oui, mais ça, c’est lié soit d’une impulsion personnelle, soit de discussions avec l’éditeur. Effectivement, pour une heure lumière, l’idée c’était d’avoir quelque chose de très très identifiable, vraiment, avec peu d’éléments finalement. Un médaillon central, un fond relativement sobre. Et voilà, décliner l’identité tout de suite reconnaissable pour d’une idée initiale. Mon élan premier était en fait de plutôt de partir sur le paysage de Dune. C’est vrai que c’était quelque chose qui me plaisait. Sauf que Robert Laffont, l’éditeur, lui, il partait plus sur une incarnation avec des personnages forts, ce qui est tout à fait justifié évidemment quand on connaît la saga. Et donc en fait, on a trouvé un compromis dans le sens où sur chaque volume, on a un personnage fort mais qui est lui-même intégré au paysage. Comme si finalement, sur la première couverture où on voit Paul Atréides, voilà, il y a cette tempête de sable, ces dunes qui enserrent le personnage. Et c’est quelque chose que j’ai essayé de décliner sur l’ensemble de la saga.
Et alors aujourd’hui, si je te reçois, c’est par rapport à Asuka. Ce n’est pas l a première parution dans lequel il y a texte et image. Mais sauf erreur de ma part, c’est le premier que tu as fait tout seul.
Oui, tout à fait.
Oui Texte-image Et à quel moment tu as le déclic de dire j’ai envie aussi, moi, d’avoir mon propre monde, ma propre production complète ?
Oui, ça faisait déjà un moment. C’est une idée que j’ai depuis plusieurs années et que j’avais déjà depuis une dizaine d’années. Au niveau du code graphique, c’est un mélange de papier et d’encre. C’est quelque deux royaumes représentés par deux aspects techniques différents. Et pour le texte, moi j’écris. J’écris depuis quand même un certain temps, pas toujours de façon régulière, mais ça fait quand même un certain temps que j’écris. Et pour ce projet-là, comme voilà, c’était mon idée, j’ai décidé de m’y mettre directement tout seul en fait, sans chercher de scénariste particulier. Et voilà, c’est comme ça que ça s’est fait, tranquillement.
Donc Asuka, on a des supers illustrations, On retrouve ta patte avec une particularité. Moi, quand j’ai regardé chacune des images, on se demande presque si tu n’as pas fait l’origami directement en mode papier, pris en photo, etc… Tu es parti de quelle base ? Est-ce que c’est purement numérique ? Ou est-ce que tu as eu une base ?
Il y a une base. Il y a une base de papier effectivement de texture de papier qui ensuite est retravaillée numériquement, que je vais découper numériquement, que je vais coller, assembler comme un, comme un, comme de l’origami numérique finalement. Mais la base est de papier.
Donc là, on suit finalement de mère en fille les plieuses. Donc d’abord la mère qui a du mal à produire sa pliure, et puis la fille qui a du mal, comme si la création avait tendance à s’estomper dans le temps.
Oui, c’est ça, tout à fait. Alors non, je ne sais pas s’il y a, si je me projette particulièrement dans ce dans ce déclin progressif. Peut-être qu’un jour je me je dirai oui. Finalement ce n’est pas si simple. Enfin, ça me semblait cohérent par rapport à l’histoire que je voulais raconter en fait.
Donc là on a le couple, l’empereur et sa femme, donc lui guerrier, il y a une espèce d’alliance et on se rend compte que le ce monde-là vit un peu en autarcie. On ne sait pas ce qui se passe autour. Il y a des montagnes, li y a un moment, ça rompt. Est-ce que tu voulais faire découvrir l’autre de l’autre côté du mur ou pas ?
Oui, après c’est un c’est une histoire qui est sans faire de ce qui ne renvoie pas directement à des éléments existants. Mais on peut faire un parallèle avec le Japon qui a vécu en autarcie quand même pendant très très longtemps, qui s’est ouvert tardivement au 19ᵉ, à l’Occident, en tout cas au reste du monde. Voilà, c’est un petit peu l’image de ce pays de papier qui lui est entouré de montagnes, qui ne sait pas ce qu’il y a de l’autre côté, qui a peur de ce qu’il y a de l’autre côté, voire, même, qui le nie totalement. Et donc voilà, c’est une façon aussi effectivement de parler de l’altérité que finalement c’est très. C’est très bateau, c’est très basique comme réflexion, mais elle est importante malgré tout. C’est qu’il ne faut pas avoir peur de l’inconnu et de celui qui est de l’autre côté de la frontière.
Et c’est vrai que je n’ai pas aborder le sujet. On sent une proximité avec la culture japonaise. Tu as un rapport particulier à la culture japonaise ?
Oui, j’aime beaucoup les contes japonais. Lafcadio Hearn, le traducteur de bon nombre de contes japonais que je lis depuis des années. Et c’est vrai que c’est un univers que j’ai toujours aimé, même si je ne le connais pas personnellement. Je n’y suis jamais allé au Japon. Je ne suis pas non plus un féru absolu de l’histoire japonaise. Mais c’est vrai que c’est un univers. En tous cas, il y a une sensibilité et un graphisme qui me qui me touche particulièrement, que j’ai abordé de façon très personnelle dans ce projet qui encore une fois, n’est pas du tout une adaptation de choses précises, mais vraiment un ressenti purement subjectif de la culture japonaise.
Et on sent bien cette notion de conte, on baigne dedans. Alors j’ai été, j’ai été impressionné parce que on retrouve la même qualité dans le dans le texte que dans le graphisme, ça t’a pris combien de temps ?
Alors comme je te disais, l’histoire est là depuis plusieurs années. Après c’était juste un ressenti. Je n’avais pas d’éléments précis en tête, à part peut-être quelques scènes, mais la rédaction en elle-même et le projet, ça m’a pris environ un an, tout en travaillant en parallèle sur d’autres projets pour. Pour l’édition.
Oui, parce que je vois qu’il y a énormément, énormément de couvertures. Tu vas avoir un emploi du temps de ministre.
C’est parfois chargé, effectivement.
J’ai vu aussi dans le dans le rapport entre la mère et la fille, la notion de la transmission, la transmission à la société au travers des différentes créations, mais aussi la transmission de mère à fille. Est-ce que pour toi c’est important ? Je sais que tu as une fille. C’est ce côté transmission de la culture.
Oui, évidemment. Après, c’est quelque chose qui se vit de façon intime au quotidien, sans grand discours ni volonté particulière, si ce n’est celle de partager. Après, au sein d’Asuka, C’est aussi un ressort narratif finalement, quelque chose qui permet de faire avancer l’histoire et de provoquer des événements et de faire avancer tout ça. Sinon après, non, je n’ai pas une volonté de donner et de faire hériter quoi que ce soit. Après, chacun fait son chemin en fonction de ce qu’il a reçu, ce qu’il a bien voulu recevoir aussi et voilà quoi. Ce n’est pas une volonté vraiment écrasante.
Et ce qui est intéressant aussi. Alors tu l’as un peu dit à un moment, la rencontre du papier et de l’encre. On voit des textes qui sont très jaunes, très sépia. Je crois que c’est sépia. Je ne suis pas très artiste dans le domaine et à la fin on retrouve la couleur est ce que c’était c’est le
On est encore sur de l’altérité, cette rencontre de l’autre qui permet de faire quelque chose. C’est ça, c’est ça, c’est l’alliance des deux, le métissage qui permet effectivement d’obtenir quelque chose d’autre, parfois beaucoup plus riche que ce qu’on aurait en restant seul dans son coin ou enfermé dans son petit royaume.
Et du coup, par rapport à ce, à ce texte. Est-ce que ça t’a donné envie de construire de nouvelles histoires ? Est-ce que ça t’a donné envie de poursuivre ?
Oui, tout à fait. J’ai. J’ai d’autres projets en album. Alors pas nécessairement dans cette lignée là, mais le rapport texte image est toujours très intéressant. J’en ai un qui sort bientôt en septembre 1 nouvel album justement pour les plus jeunes, parce que celui-ci est quand même assez long en terme de texte et donc s’adresse plus aux jeunes adultes ou aux adultes ou aux enfants accompagnés de leurs parents pour la lecture. Le prochain, lui, sera pour les plus jeunes. Il y aura moins de texte et plus contemporain aussi dans son, dans son, dans son histoire et dans son traitement.
Et toujours dans le dans le secteur japonais ?
Pas du tout. Non, c’est vraiment très très très très proche de nous en termes de culture et de et d’univers graphique. Après oui, je me. Je ne me refuse pas de un jour de retomber, de retourner dans ces univers-là évidemment.
Et j’avais aussi une question qui retourne un peu sur la partie illustration. Aujourd’hui, je trouve que les illustrations que tu fais énormément le reflet du contenu. Est-ce que tu lis les romans avant de les illustrer?
Oui, oui, oui, au maximum. Je n’ai pas toujours le temps de tout lire évidemment, mais au minimum, je lis 100 à 150 pages d’un roman avant de. Avant de l’illustrer, tout en prenant connaissance des attentes de l’éditeur et du brief qu’il a pu me communiquer à ce moment-là. Mais c’est vrai que je privilégie ma propre lecture plutôt que. Sauf si évidemment il y a des impératifs marketing ou autre. Mais c’est vrai que c’est la lecture qui va m’apporter le plus d’éléments de réflexion.
Et alors, j’ai eu la chance pendant je crois que c’était pendant le covid de prendre une plaque. J’avais choisi de mon côté le rivage. Si je me souviens bien, de Guillemin chez Albin Michel. Est-ce que ce sont des opérations que tu vas relancer pour qu’on puisse avoir Aurélien Police dans son salon ?
Peut-être. Je ne sais pas, ce n’est pas impossible. C’est vrai que dans l’immédiat pas forcément. C’est vrai que ça prend quand même pas mal de temps à organiser, mais oui, c’est tout à fait possible, envisageable.
Et de ton côté, quelles sont les prochaines actualités ? Au-delà de ton album, en terme, je sais que tu vas faire ce que tu as réalisé : une super couverture pour Audrey pour Sintonia.
Oui d’accord. Bah là j’ai pas mal de couvertures en cours qui paraîtront sans doute à la rentrée. J’ai donc cet album en septembre et j’ai une double publication à venir chez Callidor. Ça fait près d’un an que je travaille avec eux pour une réédition des Hauts de Hurlevent qui est intégralement illustrée et de Frankenstein donc pareil, intégralement illustré aussi, qui paraîtra en octobre pour Frankenstein et en novembre pour les Hauts de Hurlevent.
Très belle collection, c’est magnifique.
Oui, c’est un vrai plaisir.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
D’avoir le temps de faire tout seul tout ce dont j’ai envie, ce serait déjà pas mal.
Merci beaucoup.
Merci à toi.












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