Orcusnf
Kerridwen et Kernunnos sont d’anciens dieux, vivant dans un temps hors de l’histoire, lorsque les hommes vivaient encore de chasse et de pêche. Ils arpentent le monde, apportant avec eux richesse et progrès aux peuples qui les appellent pour en faire leurs divinités tutélaires. Cette fois-ci, se sont les Addancs qui vont bénéficier de leurs largesses. Mais avant de diriger le destin de ce peuple, Kerridwen doit affronter Zwerca, la sorcière opiniâtre et obstinée de ce peuple primitif. De leur duel sortira deux ethnies, d’un côté le peuple gorr, les fidèles de Kerridwen, de l’autre les addancs, ceux de Zwerca. Deux peuples, deux modes de vie, deux magies, tout les rend inconciliables, et c’est cette dualité qui perdra Kerridwen;
En effet, Kerridwen, surnommé Triple reine en raison des couronnes blanches, rouges et noires qu’elle porte, a besoin d’héritier pour recevoir ses couronnes. La couronne rouge revint à Morvran, farouche guerrier seul capable de mener les armées magiques de Kerridwen. A sa soeur Creirwy échut la couronne blanche, celle de la procréation, de la fertilité, de la vie, elle qui irradiait la beauté et l’amour par tous ses pores. Mais le troisième héritier, celui de la couronne noire, se faisait attendre. Aussi Kernunnos partit-il quelques mois, se métamorphosant en cerf pour arpenter les forêts de son royaume, laissant sa compagne offrir l’amitié de ses cuisses à qui elle le daignerait. Hélas, l’heureux géniteur du troisième enfant n’est autre qu’un conquérant étranger à qui, après l’avoir vaincu, Kerridwen avait offert ce présent pour conclure la paix autrement que par le désir de vengeance. Le fils issu de cet instant, Affang, incarna le mal et la méchanceté dès son plus jeune âge. Réputé idiot et indiscipliné, il s’attira le mépris de la cour et grandit seul, apprenant la magie auprès d’un vieux sorcier Addanc, qui lui instilla ainsi la haine contre les gorrs et contre ses parents. Ainsi, une nuit, il égorgea Kernunnos, les ennuis commençaient pour le peuple Gorr…des ennuis qui se feront sentir jusqu’à notre époque !
Singulier hasard éditorial, Les Débris du chaudron sort juste au moment où son auteur, Nathalie Dau, connait un avénement dans sa carrière, puisqu’elle vient de remporter le prix imaginales de la nouvelle pour son recueil Les Contes myalgiques ( paru chez Griffe d’Encre). Une récompense méritée pour un auteur rare, novelliste avant tout, devenue romancière pour parler encore plus de sa passion : les mythes et légendes, et notamment ceux du monde celte, comme elle le montre si bien à travers le présent ouvrage. Barde, aède ou poêtesse, Nathalie Dau est un peu tout cela à la fois, et c’est apaisé, comme après une saga mythique ou un poême épique, que l’on sortira de l’expérience des Débris du Chaudron
Le roman repose sur une dualité temporelle, qui se ressent aussi dans la narration. D’un côté, le mythe de Kerridwen et Kernunnos, avec leur combat contre Dwerca, puis contre Affang. De l’autre, les efforts de Kernunnos pour lutter contre Affang, devenu le démon des eaux, et retrouver tous les débris du chaudron afin de ressussciter Kerridwen. Ainsi, à un style plus propice au récit des origines, au mythe, succède une narration plus moderne, où les scènes sont vécues par un point de vue interne, ou plutôt moins omniscient. L’heure n’est plus alors au récit du passé, mais à la succession des évènements conduisant au combat final. Une dualité finement mise en place par l’auteur, de manière assez naturelle pour ne pas choquer à chaque changement d’époque, sans pour autant nier les particularités propres à chacun des deux récits.
Et pour tout dire, la magie de ces deux récits, réunis pour n’en faire plus qu’un, marche. Héros magiciens, sensation d’envoûtement, tout est lié. Ce qui n’est, à prime abord, qu’un drôle de conte au racines mythologiques, devient au fil des pages une histoire époustouflante, sans grande bataille ou exploit légendaire, mais avec simplicité, sincérité. C’est la finesse, la méticulosité de l’auteur dans la mise en scène de son histoire qui rend Les Débris du chaudron si marquants. Une oeuvre forte servie par l’expérience de Nathalie Dau dans les légendes celtiques.
Yoann
La déesse tellurique Kerridwen et son compagnon Kernunnos ont été invoqués par l’inconscient collectif du peuple des Addancs. Détentrice de la sagesse, du pouvoir de vie, elle vient pour leur apporter sa bénédiction : une philosophie d’ouverture, de partage, l’égalité et la coopération entre les sexes. Mais elle devra affronter des réactions de peur, de haine, des réticences obscurantistes de la part des partisans de la sorcière, Zwerca. Grâce au sortilège de son chaudron magique, la déesse va conquérir le cŒur de ce peuple pour établir un âge de prospérité. Hélas cela ne durera pas car les êtres humains perdent très vite le contact avec les voies de l’harmonie. Ils renieront l’héritage de la déesse mère, feront peser sur elle et ses héritiers le poids d’une terrible malédiction. Le démon des eaux va briser le chaudron sacré de Kerridwen, commencera alors une quête à travers l’espace et le temps pour faire revenir dans le monde des hommes, la grande déesse ainsi que sa cour féerique. Le récit est d’une grande habileté, il jongle avec les points de vue, les époques, pour nous donner une vision kaléidoscopique de cette légende. Il s’agit du combat entre l’égocentrisme et l’amour, la rationalité et la magie. L’obscurantisme y est opposé à la liberté d’esprit.
Les débris du Chaudron est plus qu’un roman c’est un chant primordial qui remonte jusqu’aux origines de l’humanité. Une trame passionnante, palpitante, à travers les générations et les époques pour faire renaître avec un panache flamboyant les mythes celtes et pré-celtiques, Avec un style poli comme un diamant, Nathalie Dau fait jaillir les images de la légende de la grande déesse mère, Kerridwen. En puisant aux sources les plus anciennes de la tradition celtique, elle nous fait redécouvrir le pouvoir magique, enchanteur, du féminin sacré, mais sans jamais l’opposer à l’énergie masculine du dieu Cornu Kernunnos. Au contraire il s’agit d’une histoire d’amour, de mariage céleste entre les polarités Yin et Yang, une quête au-delà de l’espace et du temps pour que le monde des fées demeure vivant sur une planète où les hommes s’acharnent à refuser de rêver. Nathalie Dau dédiabolise les mythes celtes, elle rivalise de talent avec les bardes pour faire naître avec une poésie subtile des scènes envoûtantes. Elle nous transmet un magnifique message sur le rôle de l’énergie féminine dans l’univers, la beauté de la maternité, la générosité des mères, le courage des femmes-guerrières pour défendre leur lignée. Récit initiatique, ode à la beauté de la nature, les maîtres mots concernant cette Œuvre sont l’esthétisme, l’amour : une passion dévorante pour la magie souterraine du royaume de Faë, un goût prononcé pour des descriptions oniriques qui suscitent des sentiments d’étonnements et d’émerveillement chez le lecteur. Les personnages de Nathalie Dau sont beaux, téméraires, vibrants de vie, ils puisent leur puissance dans le courrant universel de l’héroïsme au sens le plus noble du terme. Nathalie Dau se fait l’apôtre de la grande réconciliation des forces, la source du mal doit être guérie et non détruite, toutes les énergies ont leur place dans le grand cycle de l’univers. Un récit d’une qualité hors norme et une écriture inventive, inspirée, pleine de bravoure. On dirait que Nathalie Dau a rencontré les fées dans les profondeurs du labyrinthe et qu’elles lui ont soufflé cette histoire à l’oreille.
Elément à ne pas négliger : les magnifiques illustrations de Magali Villeneuve donnent un souffle visuel au récit de Nathalie Dau. Elles s’accordent parfaitement au ton de l’ouvrage.
Mais en cette fin de 20ème siècle, un dieu veille et se souvient. Capable d’arpenter les lieux d’ici et d’ailleurs Kernunnos sous l’un ou l’autre de ses avatars permettra à la réalité de rattraper le mythe… et de le dépasser.
Argemmios éditions – (2008)– 200p pages 13.50 € ISBN : 9782953023909 (2000)
Couverture : Magali Villeneuve
L’amour et la vengeance ont l’art de traverser les siècles, et ce d’autant plus lorsque les dieux sont impliqués.
Pour certains mortels, cela signifie un héritage lourd à porter, mêlé de malédiction.
Ainsi en va-t-il d’Augusta Quinn et d’Alwyn Archtaft. Destiné à réparer le chaudron de Kerridwen, afin de permettre le retour de la déesse, ils devront compter avec Affang, le terrible démon des eaux, qui les poursuivra de sa haine.
Mais en cette fin de XXème siècle, un dieu veille et se souvient. Capable d’arpenter les lieux d’ici et d’ailleurs, Kernunnos, sous l’un ou l’autre de ses avatars, permettra à la réalité de rattraper le mythe… et de le dépasser.
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