A l’occasion de la sortie de transparences, nous avions déjà pu interviewer Ayerdhal, nous vous donnons ici une deuxième chance de découvrir l’auteur à l’occasion de la réédition de Demain, une oasis aux Editions Au Diable Vauvert… Nouvelle occasion de découvrir un auteur engagé !
Allan : Pour ce roman, tu as reçu le grand prix de l’imaginaire en 1993, quel effet cela fait-il ?
Ayerdhal : Le GP de l’Imaginaire était mon premier prix littéraire. Je ne crois pas avoir été très original en apprenant qu’il était décerné à ce que je considère encore aujourd’hui comme mon bouquin le plus engagé (et assurément celui dans lequel j’étale le plus mes tripes). Euphorie, plénitude, satisfaction et, peut-être plus que tout, l’impression très rassurante qu’il existait d’autres êtres humains sur cette putain de planète.
Allan : Le thème abordé est axé cette fois-ci sur l’humanitaire et sur les dépenses spatiales (pour résumer) : penses-tu comme Dziiya que le terrorisme humanitaire serait un bon moyen de montrer au plus grand nombre la situation actuelle de certains peuples / pays ?
Ayerdhal : Non. Quels que soient ses motivations et ses modes d’expression, le terrorisme est un renoncement à l’humanité. Je lui préfère de très loin la révolution.
Allan : Car encore une fois, tu ne ménages pas vraiment dans la science-fiction… Ton livre trouve d’ailleurs un écho supplémentaire consécutivement aux premiers touristes dans l’espace… Encore une fois, la SF serait dépassée par l’actualité ?
Ayerdhal : J’ai écrit Demain, une oasis en 1991. Même si la première version était plus SF que celle publiée aujourd’hui (qui ne l’est quasiment plus, la réalité ayant rattrapé l’anticipation), force est de constater que ce bouquin a toujours été d’une actualité désespérante. Et c’est bien ça qui me met dans une colère noire : rien n’a changé, sinon le maquillage.
Allan : Le personnage de l’interne m’a fait penser dans un tout autre registre à Monsieur Batignolle : dans les deux cas, les personnages deviennent ce qu’ils sont parce qu’ils y sont forcés et pas vraiment parce qu’ils étaient destinés à le devenir… Tu penses donc que tout le monde peut être un « héros » ?
Ayerdhal : Je pense surtout que personne n’est à l’abri d’un engagement personnel. Le hasard peut pousser n’importe qui à ouvrir les yeux et à rompre avec l’égoïsme. Une rencontre, une discussion, un voyage, un reportage, un film, un bouquin, une catastrophe ou un simple accident de la vie. Ce n’est bien souvent qu’une question d’opportunité.
Allan : Et en 2006, penses-tu que la situation des populations (africaines dans Demain, une oasis) s’est aggravée ou les problèmes de ses populations sont devenus secondaires ?
Ayerdhal : Des centaines de milliers d’Africains essaient chaque année de quitter leur continent pour gagner l’Europe, qui s’empresse de les parquer dans des camps ou des ghettos puis de les expulser, et la plupart d’entre eux reviennent à la charge en prenant des risques hallucinants, dix fois, vingt fois, et en toute connaissance de cause. Rien que ces tentatives d’exil devraient suffire à nous alarmer, mais nous disposons aussi des données de l’OMS concernant la malnutrition, les épidémies, la sècheresse, les violences, l’analphabétisme, etc., et ces données disent hélas que, oui, la situation de certaines populations (pour la plupart africaines) s’est terriblement dégradée. C’est notre regard sur cette misère qui est devenu secondaire, détourné vers le terrorisme, les guerres initiées par nos amis anglo-saxons, le prix du baril, la raréfaction de l’eau potable (celle d’ici, évidemment), les catastrophes naturelles qu’on nous vend à chaque vingt heures et à longueur d’édito.
Allan : Maintenant, parlons un peu « nouveauté » : quel sera le prochain sujet que tu traiteras et quand pourrons nous le lire ?
Ayerdhal : Disons qu’il s’agira encore d’un, non, de plusieurs sujets d’actualité, mais je ne tiens pas à être plus précis avant d’avoir mis le point final (l’actualité ayant une forte propension à bouger au quotidien). Pour résumé : un thriller, parution prévue en mai 2007.
Allan : Sortons un peu de l’actualité « littéraire », il est assez facile de te rencontrer, tu es présent sur de nombreux salons du livre ; je t’ai rencontré sur Le Mans l’année dernière (tu y seras aussi cette année), je t’ai aperçu aussi à Paris ; que t’apportes ces rencontres ?
Ayerdhal : Soyons franc et quelque peu cynique, à part le plaisir de rencontrer, justement, des gens que je ne connais pas et d’en revoir quelques-uns que je connais un petit peu, les salons, festivals et autres rencontres-débats servent essentiellement à faire connaître mon boulot.
Allan : Pour finir, y a-t-il un message que tu voudrais faire passer.
Ayerdhal : Ne prenez aucune des informations que vous recevez, quel que soit le média, pour argent comptant. Vérifiez. Recoupez. Critiquez. Doutez. Et ouvrez votre gueule chaque fois que l’occasion se présente.
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