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Interview : Claire Panier-Alix

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A l’occasion de la sortie du premier volume de Sang d’Irah aux éditions Nestiveqnen, Claire a accepté de nous mail-rencontrer

Claire bonjour et merci d’avoir accepté à répondre à quelques unes de nos questions à l’occasion de la sortie du premier volume Sang d’Irah Chez Nestiveqnen.

Allan : Avant toute chose, étant donné que la période est propice, je tenais à te demander ce que l’on pouvait te souhaiter pour cette nouvelle année ?

Claire : Une bonne continuation, pardi !

Allan : Alors, tu as déjà fait parler de toi à l’occasion de ta première trilogie, « Les Chroniques Insulaires » mais j’aimerais néanmoins que tu te présentes un peu notamment ton parcours…

Claire : Historienne de formation (médiéviste), j’ai grandi en chipant les romans de mes aînés, que ce soient des classiques, des FN anticipation, de la SF ou de la fantasy. Je suis très éclectique dans mes goûts, et tout, à priori, m’intéresse. En fan du Livre des Damnés de Charles Fort, et du Matin des Magiciens de Bergier et Pauwels, je lis essentiellement des essais désormais, que ce soit philo, histoire, anthropologie, mais aussi des « barjoteries » : paranormal, cryptozoologie, parasciences, histoire (archéologie) mystérieuse etc.. Autant de tremplins à mon imaginaire.

Allan : Quels sont les auteurs anciens et les plus récents desquels tu te sens le plus proche au niveau de l’écriture et quels sont ceux qui ont fait grandir ton goût pour la fantasy ?

Claire : Cela dépend de quoi tu parles. En écriture, j’ai subi toutes sortes d’influences, que ce soit au niveau de la démarche, des thématiques, de la structure, de la technique, du style. Des influences inconscientes qui répondaient à des envies. Ce serait trop long de citer tout le monde, et d’ailleurs je ne m’en sens pas capable, et très restrictif de n’en évoquer qu’une poignée. Il est notoire que je suis tolkieniste, que je baigne dans les romans de Farmer depuis toute petite, et que j’ai beaucoup fréquenté les Eddas. Mais j’aime aussi passionnément Potocki, Meyrinck, Cervantès, Cyrano de Bergerac (le vrai comme celui de Rostand), Moorcock, Silverberg, Maurice Renard, Herbert, Conan Doyle, Dumas et Eugène Sue (ah ! les Mystères du Peuple !), Baudelaire… Comme tout le monde, je suis façonnée, stylistiquement, par tout ce qui m’a imprégnée jusqu’alors, et c’est très certainement en constante évolution. Pour ce qui est de la fantasy en elle-même, mes études de médiéviste puis ma passion pour Tolkien et les arthuriens sont sans doute à l’origine de ce choix. Mais dans tous les cas, je n’adhère pas à l’étiquetage actuel, qui la cantonne à quelques clichés incontournables, à des stéréotypes horripilants. D’où la Chronique Insulaire. Pour ma part, et sans doute à cause du florilège de noms évoqués ci-dessus et qui ne rend pas hommage au cortège de mes amis littéraires, les littératures de l’imaginaire et tout particulièrement la fantasy, se doivent d’être créatives, sans cesses renouvelées, surprenantes, moyens d’immersion dans l’ailleurs, le rêve ou le cauchemar. Point barre. Aujourd’hui on l’a codifiée, étouffée, et bien souvent, même si on prend du plaisir en lisant, on a trop souvent l’impression de connaître l’histoire, les personnages, de savoir ce qui va arriver, d’être déjà passé par là. Ce n’est plus de la fantasy, c’est du légendaire arpentant Middle-Earth.

Allan : As-tu rencontré des difficultés à te faire éditer ?

Claire : Non. C’est même allé un peu trop vite à mon goût, à l’époque. Je n’étais absolument pas prête. J’ai envoyé mon manuscrit sur un coup de tête, par défi vis à vis de ceux qui ne comprenaient pas que je passe autant de temps à n’écrire que pour moi. Et toc, retour de courrier quelques jours plus tard, et panique à bord ! (rire) Mon exemple n’est guère représentatif… Je précise qu’ensuite Chrystel Camus et Nicolas Cluzeau ont fait un boulot fabuleux pour m’aider (m’amener) aux corrections et réajustements sur le mastodonte qu’était l’Echiquier d’Einär, mon premier roman. J’ai énormément appris grâce à eux, sur le travail d’écrivain, et sur le travail sur soi.

Allan : Passons maintenant à l’histoire de Duncan d’Irah et à ce second cycle : qu’est ce qui t’a poussée à te replonger dans les aventures de Nicée, Irah et Orkaz ?

Claire : En fait cette histoire pré-existait à la Chronique Insulaire, mais elle méritait une rédaction plus affinée. Beaucoup de lecteurs l’ont senti, car les personnages étaient conditionnés par leur passé. On m’a réclamé la vie de Duncan, on voulait le voir agir, lui qui, en tant que spectre, assistait à l’aventure sans pouvoir intervenir. On a voulu en savoir davantage sur les Trolls lycanthropes aussi, dont il est souvent question dans La Clef des Mondes et dans Le Roi Repenti. Alors, comme j’avais envie de rendre justice au vieux roi et à son petit-fils, qui reste mon personnage préféré à ce jour, je me suis replongée dans ce synopsis conçu il y a une quinzaine d’années.

Allan : N’est-ce pas trop difficile de replonger dans un univers que tu pensais avoir « achevé » ou avais-tu déjà en tête de poursuivre ?

Claire : C’est en fait le contraire : il est plus facile de rester chez soi que de partir à l’aveuglette. Cette facilité, je me la suis accordée cette fois, parce que j’avais besoin d’une transition entre l’univers complexe et mental de la Chronique Insulaire, et un autre projet que j’ai en cours. Je n’en avais pas terminé avec ces personnages, et ils me harcelaient un peu. Maintenant, c’est avec délices que je peux me tourner vers la création et défricher des terres que je ne connais pas encore…

Allan : Tu reprends donc les rênes de ton monde et nous plante le décor d’un pays torturé entre une reine trop malléable et un chevalier-roi droit et juste : en ce qui concerne Duncan, tu avais déjà son « profil » de par ton précédent cycle, mais était-il indispensable de le faire autant souffrir ?

Claire : Oh il ne souffre pas tant que ça. Comme tous les sanguins, il prend les choses à cŒur, c’est tout. Il fait ce qu’il a à faire, de toute manière. Quel que soit le roman, je tiens à montrer mes persos dans toute leur ampleur : ce sont des héros, mais ils ont un vécu, une histoire qui conditionne leur personnalité, leur caractère, leurs actes. Pourquoi Akhéris reculait-il face à son destin ? Pourquoi Heydrick, le Roi des Rois, utilise-t-il si mal le pouvoir des portes ? on peut inventer un archétype de héros de roman fantasy, mais si on ne l’étoffe pas, il reste un alibi, une coque vide. J’aime les mettre en situation et les laisser réagir comme tout un chacun. Parfois, ils ne font pas ce qu’on attend d’eux, mais qu’aurait-on fait, à leur place ? Dans « La chronique Insulaire », Duncan apparaissait sous la forme d’un spectre, d’une légende idéalisée. Ici, on a l’être vivant, l’homme, avec ses hauts et ses bas. Mais en règle générale, il s’en sort bien, en bon archétype arthurien. Pour qu’on comprenne mieux le personnage d’Akhéris (l’un des pions de l’Echiquier d’Einär ), il fallait qu’on en sache davantage sur sa jeunesse, et sur son modèle : son grand-père. Il fallait montrer que de son vivant, ce dernier n’était pas aussi parfait qu’il le croyait. Que tous le croyaient. Erreurs de jugement, esclave de sa sexualité et de ses émotions… Quels que soient mes personnages, bon ou mauvais (avec la gamme entre), j’aime qu’ils aient leur existence propre, qu’ils évoluent à mesure que l’histoire avance. C’est ce qui donne de la vie au récit, qui tient en haleine le lecteur. Il ne s’agit pas de faire souffrir, il s’agit de raconter 80 ans de la vie d’un homme qui, pour autant qu’il soit roi, n’en est pas moins un être humain, et que les deux sont indissociables.

Allan : Le monde que tu nous a créé est superbement décrit, je trouve ton style très « visuel » : pour avoir un tel rendu, t’es-tu basée sur des paysages que tu appréciais particulièrement ou as-tu tout sorti de ton imagination ?

Claire : Curieux, dans ce roman, il n’y a quasi pas de descriptions. J’ai voulu laisser le lecteur faire le travail, personnaliser sa vision des lieux, en ne lui donnant que quelques éléments de base : forêt, marais, désert, glacier… Apparemment, ça a fonctionné, par la mise en scène des événements qui s’y déroulent. L’île-continent est le premier univers que j’ai conçu. Très schématique, ce n’est qu’un décors qui me sert à monter mes intrigues, comme au théâtre : le Nord glacé d’inspiration scandinave, le Sud désertique et brûlant d’inspiration égyptienne et mésopotamienne, et, entre les deux, un centre tempéré et prospère d’inspiration moyen-âge occidental. Ainsi je réunissais plusieurs civilisations dont la « résonnance » me parlait, fantasyquement parlant. J’ai également sciemment schématisé les caractères en lice, comme au théâtre : j’ai supprimé le peuple, pourtant omniprésent, pour ne montrer que les « têtes » qui Œuvrent pour ou contre lui. Cela, je l’avais imaginé dès mes premiers textes. Ensuite, la conception de la Chronique Insulaire m’a permis de faire éclater les décors et de passer d’une dimension à l’autre sans utiliser ces schémas simplistes, pour imposer ma propre fantasy. Revenir sur Nopalep, l’île-continent m’a aidée à retrouver Duncan d’Irah et une trame plus classique, lui correspondant mieux.

Allan : Un point m’a semblé bizarre… Pourquoi avoir fait intervenir un homme de notre « univers » ?

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Claire : Tu n’as pas lu « la chronique insulaire » (rire) ? Le pirate Tihi – Nicolas de Talmont – y avait déjà sa place, et les intrusions de notre réalité dans celles, multiples, de la Chronique, étaient présentes (concluant même la trilogie). Dans mon esprit, mes dimensions s’interpénètrent à l’infini, et la mienne, la nôtre, en fait partie. Que du bizarre entre dans notre réalité dans des romans fantastiques, c’est admis, pourquoi pas l’inverse dans un roman de fantasy ? ce n’est qu’une question de point de vue, littérairement parlant : un pirate français du 17e s. fait naufrage dans la réalité nopalepienne ? et alors ? du point de vue de Duncan, c’est du fantastique. De la fantasy fantastique (rire)… Moi, je déteste être cantonnée dans des cadres imposés (par qui d’ailleurs ?), et je ne vois pas ce qui m’interdirait de faire ce que je veux (rire), alors je le fais, car tout ce qui compte est la cohérence interne de mes récits. J’y parle des réalités, par de « la » réalité. Pas de prédominance, de la coéxistence.

Allan : Bon, étant donné la fin – et sans la dévoiler – j’ai du mal à imaginer ce que tu vas pouvoir nous apprendre concernant Duncan d’Irah… Tu peux nous en dire un peu plus ?

Claire : Je n’en dirai rien, sinon que Sang d’Irah s’achève sur la première scène de l’Echiquier d’Einär, avec l’arrivée de Duncan sur l’échiquier, et qu’il en sera de même pour Akhéris dans le second et dernier volet, L’Etendard en Lambeaux. « Sang d’Irah » parle de la famille d’Irah, pas seulement de Duncan : ses ascendants ont une part importante, comme sa descendance. Lui-même, une fois parti, garde un rôle prépondérant par le vide qu’il laisse. Nous avons tous connu cela, je crois. A force de s’appuyer sur une personne, quand elle disparaît tout part en quenouille… Jusqu’à ce que quelqu’un sorte du lot et la remplace, ce qui n’arrive pas souvent, à cause de l’ombre du fantôme.

Allan : As-tu déjà fini le deuxième volet (je triche, je sais qu’il est en cours de correction) et quand l’aurons nous entre les mains ?

Claire : J’y travaille, j’y travaille… Cela dépendra du planning déjà très chargé de mon éditeur, ainsi que de mon paufinage : le roman est quasi bouclé, mais certains passages coupés dans la version finale de Sang d’Irah m’obligent à le restructurer un peu. Et quand je commence, je n’en finis plus… De nombreuses pistes nouvelles concernant ce 2e volume se sont imposées à moi depuis les dernières relectures de Sang d’Irah (le tome 2 était fini), et le volume s’est remis à évoluer, à vivre. Je dois en tenir compte. Je suppose qu’il sortira courant 2006. Mais comme je viens de le dire, le roman est conçu pour s’enchaîner à la Chronique Insulaire qu’il éclaire sous un autre angle, aussi, en attendant… (clin d’Œil).

Allan : As-tu d’autres projets en cours ?

Claire : Des tas : du gaulois, du maya, du pulp, du fantastique, du polar, parfois le tout mélangé…

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Allan : Nous as-tu rendu visite et si oui que penses-tu de notre travail

Claire : Oui, je connais ton site. J’y suis allée de temps en temps, mais je ne suis pas une grande surfeuse : le net ne me sert que pour les mails et msn/adium, et, de temps en temps, quelques forums où j’ai mes habitudes. Je sous-marine de temps en temps sur le vôtre, comme sur d’autres, mais je ne poste pas, d’une part parce que je déteste me cacher sous un pseudo et que je m’inscris quasi tout le temps sous mon identité, et d’autre part car cet état de fait me met dans une situation délicate sur un forum de discussion où l’on parle de bouquins de fantasy, de mon éditeur, et éventuellement de moi et de mes amis. Ce genre de site me permet généralement de recouper les fiches de lecture, pour me tenir au courant de ce qui est publié dans le genre qui me concerne, et que je n’ai pas le temps de lire (je ne lis pas de romans de fantasy quand je suis en écriture, pour ne pas « éponger » sans m’en rendre compte). Cela me permet, en recoupant les critiques entre les sites et les forums, de me faire une idée. Et quand, le cas échéant, on parle de mon travail, d’avoir des remontées.

Allan : Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

Claire : Santé, idées, prospérité et un peu plus de volonté face aux exigences de mes personnages : je subis toutes sortes de putschs, en permanence…

Allan : Le mot

Claire : … que je préfère ? fabuleux.


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