La collection Rivière Blanche de la maison d’édition Black Coast Press débute par le dernier roman de Jean-Marc Lofficier (co-signé avec sa femme)… Résurgence d’un genre disparu depuis un temps certain de la publication française, l’anticipation semble renaitre de ses cendres grâce à la persévérance d’afficionados du genre… Jean-Marc en tête
Allan : Pouvez vous avant de commencer présenter votre parcours et surtout nous parler de ce que vous avez publié avant l’aventure Rivière Blanche?
Jean Marc : Rivière Blanche est en fait une, disons, branche française de Black Coat Press, notre maison d’édition américaine qui fonctionne depuis l’été 2003 et a publié jusqu’ici environ une trentaine de titres. Voir notre site www.blackcoatpress.com pour le détail.
Avec mon épouse Randy, nous sommes autrement scénaristes de films, séries télé, de dessins animes et de BDs, ainsi que les auteurs d’une douzaine de livres. En France, on est plus connu pour nos séries BDs de ROBUR (avec Gil Formosa chez Albin Michel) et de 2000 à 2003 de l’ensemble des séries BDs publiées dans les « pockets » de Semic: Zembla, Kiwi, etc. Aux USA, on a rédige des scenarii pour des comics telsa SUPERMAN, TEEN TITANS, DR STRANGE, etc. et des épisodes TV de GHOSTBUSTERS, PICSOU, etc. Pour les détails, je me permets de vous référer a notre site perso a www.lofficier.com
Allan : Qu’est ce qui vous a poussé à vous tourner vers l’anticipation plutôt que vers un autre genre ?
Jean Marc : La collection Fleuve Noir Anticipation, et les Bob Moranes de Marabout, furent parmi les premières lectures de ma jeunesse. Dans l’absolu j’ai toujours été et reste un grand fan de science-fiction. (Je suis d’ailleurs critique de livres SF pour la revue américaine STARLOG.) J’ai fait mes débuts en tant qu’auteur en herbe dans le fanzine LUNATIQUE en même temps qu’Andrevon, Caza et bon nombre d’autres. Rivière Blanche est donc, en quelque sorte, un hommage nostalgique a une période disparue de la SF française.
Allan : Pouvez-vous nous dire quelles différences vous trouvez entre la SF et ce genre particulier qu’est l’anticipation ?
Jean Marc : Presque toutes les collections de SF s’appellent SF ou Science-fiction et j’ai trouve approprié de reprendre le vocable « Anticipation » abandonné par le Fleuve Noir qui évoquait, pour moi, un sous-ensemble de la SF pas forcément tourné vers le futur mais plutôt vers l’aventure.
Allan : Vous êtes les premiers à avoir été publié dans la collection Rivière Blanche qui se veut dans la continuité de la fameuse collection Fleuve Noir Anticipation : comment appréhender vous cette évènement et pensez vous vous trouvez dans le même état d’esprit que Francis Richard Bessiere (il fut le premier de la collection anticipation avec Les conquérants de l’univers – Note pour les lecteurs)
Jean Marc : Francis Richard était le premier directeur de collection et Henri Bessiere le premier auteur, et leur relation fut, je crois, assez complexe… Ceci étant n’oublions pas qu’ils ont aussi publie Clarke, Asimov, Hubbard, Brackett, etc. Quoi qu’il en soit, Philippe (Ward, notre dir.coll à nous) et moi partageons le même point de vue éditorial qui est de donner une chance à des manuscrits qui ne trouveraient probablement pas de place ailleurs, non pas parce qu’ils ne le méritent pas — surtout provenant d’auteurs confirmés — mais parce qu’on va vous dire que le marché ci, le public ça, etc. Bref, nous publierons les auteurs qu’on aime, sans aucun souci quelconque des études de marche.
Allan : Pourquoi ce choix d’éditeur, par nostalgie pour cette collection, pour donner une nouvelle impulsion à l’anticipation dont on voit beaucoup moins de représentants dans la littérature imaginaire contemporaine ou pour une raison qui n’a rien à voir ?
Jean Marc : C’est un choix dicté par le désir de se faire plaisir, et rendu possible par la technologie d’impression à la demande. Notre but No. 1 est de faire vivre des livres et de faire vivre ou revivre (au sens artistique) des auteurs. Ce n’est pas de gagner de l’argent; tout au plus de ne pas en perdre. On entend aussi traiter les auteurs avec respect — étant auteurs nous-mêmes, c’est facile à comprendre. Pas de livres pilonnés ou bradés, dévalués. Pas de contrôle abusif de tous les droits. Chez nous, l’auteur est libre de partir quand il veut; il conserver le copyright de son oeuvre et tous les droits dérivés. Et même si on ne vend que 5 exemplaires, il touchera sur ces derniers.
Allan : Quelles raisons ont – à votre avis – causées le recul de ce genre: avancée trop exponentielle de la science ou désintérêt pour l’avenir proche et probable dans bien des Œuvres d’anticipation ?
Jean Marc : Le Fleuve Noir avait un public bien particulier qui n’était pas vraiment celui de la SF — on appelait cela de la littérature de gare. Je crois que ce public a disparu et on ne le retrouvera plus. Quand à la SF pure, je ne crois pas que la masse des français y est sensible. Le français moyen ne se projette pas dans l’avenir, plutôt dans le passe, d’ou le succès de la fantasy.
Allan : Passons maintenant à votre livre Les Survivants de l’humanité : comment vous est venu cette idée et pourquoi avoir décidé de le faire à deux ?
Jean Marc : En l’occurrence, ce roman est vraiment de moi seul mais j’y ai accolé le nom de Randy parce que nous co-signons tous nos ouvrages ensemble et je ne vais pas rompre cette habitude pour un seul livre. C’est un roman que j’avais entamé et quasi-terminé (il restait 2 chapitres à écrire) à la suggestion de Pierre Barbet vers 1973, précisément en vue d’être soumis au Fleuve. Mieux vaut tard que jamais, n’est ce pas? 🙂
Allan : Quel process utilisez vous pour réussir cette écriture qui semble être dans bien des cas un exercice difficile, périlleux voire même impossible ?
Jean Marc : En général, quand Randy et moi collaborons sur un livre ou un scénario, je suis plutôt responsable de l’histoire, de l’intrigue, et elle du style et de l’écriture, un peu comme les célèbres Boileau-Narcejac. C’est en fait beaucoup plus facile qu’on ne le croit. Et ça donne au final une écriture sinon plus inspirée mais tout au moins plus solide.
Allan : L’avenir que vous nous montrez n’est pas bien glorieux, est-ce une façon de mettre en garde contre les dangers d’une trop grande informatisation ?
Jean Marc : C’est amusant de voir que finalement j’avais capté quelque chose en 1973 qui ne s’est pas démenti au cours des dernières trente années. Je n’ai pratiquement rien change au texte d’origine, sinon modifier le sexe d’un personnage secondaire. L’idée de l’ordinateur tout-puissant et envahissant avec ses tentacules omniprésents et ses hommes asservis à l’électronique s’est un peu réalise, n’est-ce-pas? Ce qui est encore plus intéressant (avec 30 ans de recul on peut se juger) c’est que ce n’est pas la Machine qui est le vrai « vilain » de l’histoire mais les gens qui sont derrière et qui s’en servent. Quand on a suivi de près, ce qui est mon cas, les manoeuvres et machinations des sphères secrètes du gouvernement américain qui a contrôle les media pour arriver a provoquer la guerre qu’ils souhaitaient, on se dit que, finalement, les SURVIVANTS est une bonne allégorie qui a résisté au test du temps.
Allan : Les personnages qui sont les plus « détestables » sont les guerriers qui préfèrent sacrifier les vies pour préserver leur suprématie : on y voit un mauvais côté de la classe militaire ; manque de confiance en l’homme ?
Jean Marc : Non car les Guerriers sont eux-mêmes l’instrument des Autres (comme les malheureux soldats in Iraq sont le jouets des Néo-Cons Américains) et l’un des héros du livre, le Commandeur Germanus, est précisément l’un des Guerriers, fidèle à son idéal, non manipulé. On notera que les Autres manipulent aussi les Mutants en Surface, ce qui indique que même derrière nos adversaires, il y a des alliés objectifs. Bush et Ben Laden sont, au fond, tous des Autres.
Allan : Les castes sont bien définies, vestimentairement notamment, pourquoi avoir fait ce choix ?
Jean Marc : Je pense que ça aide à la visualisation — c’est non côté bande dessinée que j’ai toujours eu.
Allan : Quels sont vos projets actuellement en cours ? Allez vous poursuivre dans la collection Rivière Blanche ?
Jean Marc : Bien sur! On a deux livres de plus sortis ou prêts à sortir, et trois autres en chantiers, d’auteurs comme JP Andrevon, PJ Herault, Claude Legrand, tous anciens du Fleuve d’ailleurs. Pour nous, j’écris plutôt pour le marché américain donc pas d’autres romans en français dans le court terme.
Allan : Avez-vous visité Fantastinet et si oui qu’en avez-vous pensé ?
Jean Marc : Oui, et c’est un site très sympathique, le net ayant plus qu’avantageusement remplace les fanzines de ma jeunesse. Il en faudrait plus comme ça.
Allan : Un petit mot pour finir ?
Jean Marc : On est en quelque sorte un collectif d’auteur existant pour les auteurs. Notre profession de foi est d’éviter à nos oeuvres de finir dans un tiroir. Un livre se doit de vivre.
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