Réalisée par :mail
Date :octobre 2004
La collection Rivière Blanche de la maison dédition Black Coast Press débute par le dernier roman de Jean-Marc Lofficier (co-signé avec sa femme)… Résurgence dun genre disparu depuis un temps certain de la publication française, lanticipation semble renaitre de ses cendres grâce à la persévérance dafficionados du genre… Jean-Marc en tête
Allan : Pouvez vous avant de commencer présenter votre parcours et surtout nous parler de ce que vous avez publié avant laventure Rivière Blanche?
Jean Marc : Rivière Blanche est en fait une, disons, branche française de Black Coat Press, notre maison dédition américaine qui fonctionne depuis lété 2003 et a publié jusquici environ une trentaine de titres. Voir notre site www.blackcoatpress.com pour le détail.
Avec mon épouse Randy, nous sommes autrement scénaristes de films, séries télé, de dessins animes et de BDs, ainsi que les auteurs dune douzaine de livres. En France, on est plus connu pour nos séries BDs de ROBUR (avec Gil Formosa chez Albin Michel) et de 2000 à 2003 de lensemble des séries BDs publiées dans les “pockets” de Semic: Zembla, Kiwi, etc. Aux USA, on a rédige des scenarii pour des comics telsa SUPERMAN, TEEN TITANS, DR STRANGE, etc. et des épisodes TV de GHOSTBUSTERS, PICSOU, etc. Pour les détails, je me permets de vous référer a notre site perso a www.lofficier.com
Allan : Quest ce qui vous a poussé à vous tourner vers lanticipation plutôt que vers un autre genre ?
Jean Marc : La collection Fleuve Noir Anticipation, et les Bob Moranes de Marabout, furent parmi les premières lectures de ma jeunesse. Dans labsolu jai toujours été et reste un grand fan de science-fiction. (Je suis dailleurs critique de livres SF pour la revue américaine STARLOG.) Jai fait mes débuts en tant quauteur en herbe dans le fanzine LUNATIQUE en même temps quAndrevon, Caza et bon nombre dautres. Rivière Blanche est donc, en quelque sorte, un hommage nostalgique a une période disparue de la SF française.
Allan : Pouvez-vous nous dire quelles différences vous trouvez entre la SF et ce genre particulier quest lanticipation ?
Jean Marc : Presque toutes les collections de SF sappellent SF ou Science-fiction et jai trouve approprié de reprendre le vocable “Anticipation” abandonné par le Fleuve Noir qui évoquait, pour moi, un sous-ensemble de la SF pas forcément tourné vers le futur mais plutôt vers laventure.
Allan : Vous êtes les premiers à avoir été publié dans la collection Rivière Blanche qui se veut dans la continuité de la fameuse collection Fleuve Noir Anticipation : comment appréhender vous cette évènement et pensez vous vous trouvez dans le même état desprit que Francis Richard Bessiere (il fut le premier de la collection anticipation avec Les conquérants de lunivers Note pour les lecteurs)
Jean Marc : Francis Richard était le premier directeur de collection et Henri Bessiere le premier auteur, et leur relation fut, je crois, assez complexe… Ceci étant noublions pas quils ont aussi publie Clarke, Asimov, Hubbard, Brackett, etc. Quoi quil en soit, Philippe (Ward, notre dir.coll à nous) et moi partageons le même point de vue éditorial qui est de donner une chance à des manuscrits qui ne trouveraient probablement pas de place ailleurs, non pas parce quils ne le méritent pas — surtout provenant dauteurs confirmés — mais parce quon va vous dire que le marché ci, le public ça, etc. Bref, nous publierons les auteurs quon aime, sans aucun souci quelconque des études de marche.
Allan : Pourquoi ce choix déditeur, par nostalgie pour cette collection, pour donner une nouvelle impulsion à lanticipation dont on voit beaucoup moins de représentants dans la littérature imaginaire contemporaine ou pour une raison qui na rien à voir ?
Jean Marc : Cest un choix dicté par le désir de se faire plaisir, et rendu possible par la technologie dimpression à la demande. Notre but No. 1 est de faire vivre des livres et de faire vivre ou revivre (au sens artistique) des auteurs. Ce nest pas de gagner de largent; tout au plus de ne pas en perdre. On entend aussi traiter les auteurs avec respect — étant auteurs nous-mêmes, cest facile à comprendre. Pas de livres pilonnés ou bradés, dévalués. Pas de contrôle abusif de tous les droits. Chez nous, lauteur est libre de partir quand il veut; il conserver le copyright de son oeuvre et tous les droits dérivés. Et même si on ne vend que 5 exemplaires, il touchera sur ces derniers.
Allan : Quelles raisons ont à votre avis causées le recul de ce genre: avancée trop exponentielle de la science ou désintérêt pour lavenir proche et probable dans bien des uvres danticipation ?
Jean Marc : Le Fleuve Noir avait un public bien particulier qui nétait pas vraiment celui de la SF — on appelait cela de la littérature de gare. Je crois que ce public a disparu et on ne le retrouvera plus. Quand à la SF pure, je ne crois pas que la masse des français y est sensible. Le français moyen ne se projette pas dans lavenir, plutôt dans le passe, dou le succès de la fantasy.
Allan : Passons maintenant à votre livre Les Survivants de lhumanité : comment vous est venu cette idée et pourquoi avoir décidé de le faire à deux ?
Jean Marc : En loccurrence, ce roman est vraiment de moi seul mais jy ai accolé le nom de Randy parce que nous co-signons tous nos ouvrages ensemble et je ne vais pas rompre cette habitude pour un seul livre. Cest un roman que javais entamé et quasi-terminé (il restait 2 chapitres à écrire) à la suggestion de Pierre Barbet vers 1973, précisément en vue dêtre soumis au Fleuve. Mieux vaut tard que jamais, nest ce pas? 🙂
Allan : Quel process utilisez vous pour réussir cette écriture qui semble être dans bien des cas un exercice difficile, périlleux voire même impossible ?
Jean Marc : En général, quand Randy et moi collaborons sur un livre ou un scénario, je suis plutôt responsable de lhistoire, de lintrigue, et elle du style et de lécriture, un peu comme les célèbres Boileau-Narcejac. Cest en fait beaucoup plus facile quon ne le croit. Et ça donne au final une écriture sinon plus inspirée mais tout au moins plus solide.
Allan : Lavenir que vous nous montrez nest pas bien glorieux, est-ce une façon de mettre en garde contre les dangers dune trop grande informatisation ?
Jean Marc : Cest amusant de voir que finalement javais capté quelque chose en 1973 qui ne sest pas démenti au cours des dernières trente années. Je nai pratiquement rien change au texte dorigine, sinon modifier le sexe dun personnage secondaire. Lidée de lordinateur tout-puissant et envahissant avec ses tentacules omniprésents et ses hommes asservis à lélectronique sest un peu réalise, nest-ce-pas? Ce qui est encore plus intéressant (avec 30 ans de recul on peut se juger) cest que ce nest pas la Machine qui est le vrai “vilain” de lhistoire mais les gens qui sont derrière et qui sen servent. Quand on a suivi de près, ce qui est mon cas, les manoeuvres et machinations des sphères secrètes du gouvernement américain qui a contrôle les media pour arriver a provoquer la guerre quils souhaitaient, on se dit que, finalement, les SURVIVANTS est une bonne allégorie qui a résisté au test du temps.
Allan : Les personnages qui sont les plus “détestables” sont les guerriers qui préfèrent sacrifier les vies pour préserver leur suprématie : on y voit un mauvais côté de la classe militaire ; manque de confiance en lhomme ?
Jean Marc : Non car les Guerriers sont eux-mêmes linstrument des Autres (comme les malheureux soldats in Iraq sont le jouets des Néo-Cons Américains) et lun des héros du livre, le Commandeur Germanus, est précisément lun des Guerriers, fidèle à son idéal, non manipulé. On notera que les Autres manipulent aussi les Mutants en Surface, ce qui indique que même derrière nos adversaires, il y a des alliés objectifs. Bush et Ben Laden sont, au fond, tous des Autres.
Allan : Les castes sont bien définies, vestimentairement notamment, pourquoi avoir fait ce choix ?
Jean Marc : Je pense que ça aide à la visualisation — cest non côté bande dessinée que jai toujours eu.
Allan : Quels sont vos projets actuellement en cours ? Allez vous poursuivre dans la collection Rivière Blanche ?
Jean Marc : Bien sur! On a deux livres de plus sortis ou prêts à sortir, et trois autres en chantiers, dauteurs comme JP Andrevon, PJ Herault, Claude Legrand, tous anciens du Fleuve dailleurs. Pour nous, jécris plutôt pour le marché américain donc pas dautres romans en français dans le court terme.
Allan : Avez-vous visité Fantastinet et si oui quen avez-vous pensé ?
Jean Marc : Oui, et cest un site très sympathique, le net ayant plus quavantageusement remplace les fanzines de ma jeunesse. Il en faudrait plus comme ça.
Allan : Un petit mot pour finir ?
Jean Marc : On est en quelque sorte un collectif dauteur existant pour les auteurs. Notre profession de foi est déviter à nos oeuvres de finir dans un tiroir. Un livre se doit de vivre.