Pour la sortie de son dernier roman – orienté SF – Les Gardiens d’Aleph Deux, Colin a accepté à répondre à nos quelques petites questions…
Allan : Tout d’abord, je voudrais savoir en tant que lecteur les livres qui t’ont marqué et qui t’ont poussé vers l’écriture de livres de SF ou de fantasy ?
Colin : J’ai commencé à lire de la SF vers 12-13 ans et, à 14, j’ai lu le Seigneur des Anneaux… C’est avec un incroyable manque d’originalité que je dois dire que c’est certainement Tolkien qui m’a donné envie d’écrire. Je me suis donc toujours efforcé que cela ne se voit pas trop…
J’ai commencé à écrire à 16 ans (en cours de français) à l’époque où je connaissais le Silmarillion par cŒur ou presque, et où je pratiquais assidûment Dongeons et Dragons.
Allan : Quel a été le parcours qui a conduit à la publication de la Reine de Vendôme (aux éditions Mnemos) ?
Colin : Eh bien voilà : j’ai commencé à écrire à 16 ans. J’ai recommencé à 20 et je ne me suis plus vraiment arrêté depuis. J’écrivais surtout des nouvelles (SF et autres) et des sagas fleuves (SF et heroïc fantasy). Jamais véritablement un roman. Alors à 30 ans je me suis dis : « cette fois mon gars, tu vas nous pondre un roman, un vrai ! ( ?) Et tant qu’à faire, tu essaieras de le faire publier. » Il faut dire que j’avais à l’époque quelques lecteurs assidus de mes pages format A4, police 10 sans interligne, et qu’ils commençaient à sacrément me faire ch… : « ah, c’est vachement bien, Colin. Tu devrais le faire publier… » J’ai cédé. Et pour bien leur montrer que mes textes ne méritaient pas d’être publiés, j’ai essayé de bien faire les choses… J’ai été retenu par Mnémos.
Allan : Tu as commencé dans la fantasy, puis les Poubelles du Walhalla comprenait des nouvelles appartenant au trois genres de l’imaginaire et maintenant de la SF : tu ne veux t’attacher à aucun genre ou c’est uniquement par le hasard de la création que tu te retrouves sur des chemins différents ?
Colin : J’ai commencé par la fantasy si on regarde l’ordre dans lequel mes textes ont été publiés.
C’est beaucoup plus flou si on tente de suivre l’ordre chronologique d’écriture. Même si D&D et le SdA ont été mes premières sources d’inspiration, j’ai toujours écrit un peu n’importe quoi au gré de ce qui me passait par la tête.
Allan : Ton dernier roman Les Gardiens d’Aleph Deux nous plonge dans le voyage dans le temps prenant appui en fait sur la théorie des univers parallèles « pliant » notre univers : première question essentielle : comment as-tu construit les éléments scientifiques de ton roman ; appui sur des théories existantes, recherches documentaires ; quelles ont été tes sources ?
Colin : Pas de théories existantes, pas de recherches documentaires sérieuses, pas de sources. Il ne s’agit pas de science, mais de fiction. Au début, je me suis un peu renseigné sur certaines théories du genre des images fractales parce que j’avais besoin de quelque chose d’assez visuel pour représenter mes univers « pliants ». Mais je suis tombé par hasard sur le gnomon de Pythagore, qui convenait parfaitement à une description des choses pas trop embrouillée, un rapport simple entre la géométrie et les nombres. Dès lors, je ne suis pas allé plus loin.
Allan : On ne peut décemment pas parler de ton livre sans parler de ta passion – qui se retrouve à chaque page – pour les mathématiques ; je crois même que tu en as fait ton métier. N’as-tu pas la crainte de faire fuir les lecteurs qui se souviennent des séances d’arrachages de cheveux face… aux équations différentielles notamment ?
Colin : J’ai surtout peur de devoir faire face aux moqueries de ceux qui s’y connaissent vraiment en mathématiques ! En fait, ce que je raconte dans ce livre ne tient pas la route scientifiquement parlant – sinon il faut tout de suite en informer l’ESA ! Les non mathématiciens ne doivent pas s’inquiéter. Les mathématiques que je mets en avant relèvent soit de la géométrie la plus visuelle, soit de la logique. En fait, il n’y a pas à potasser plus loin qu’Euclide (programme de 5ème) pour pouvoir suivre les grandes lignes.
Allan : Les mathématiciens que tu mets sur le devant de la scène ont un profil particulier. Je citerais les deux qui m’ont le plus surpris tant ils s’éloignent du cliché scientifique : le premier est Hendricks le jeune que l’on pourrait qualifier d’ « intuitif », le deuxième Sid (je ne renoterai pas son nom en entier tant il est compliqué ;-)) est complètement décalé du monde. Alors, voulais-tu montrer que tout le monde peut-être le génie des mathématiques qui fera LA découverte révolutionnaire ? Un moyen de rassurer des parents face aux résultats moyens voire catastrophiques de leur progéniture ?
Colin : NB à l’usage du webmaster : Le meilleur exemple de « génie débile à l’école », c’est plutôt le personnage de Jan Olssen. (NDW : comment ai-je pu l’oublier ? Aucune excuse ;-))
Le modèle pour James Hendricks est naturellement Albert Einstein. C’est un individu intuitif. Il a l’idée d’une théorie. (Il n’est d’ailleurs pas le seul ; c’est dans l’air du temps.) Avant que cette théorie soit validée, il passe nécessairement pour un farfelu. À plus forte raison qu’il se soucie aussi d’éthique. Face à des militaires, des politiques, d’autres chercheurs plus orienté vers la science que la conscience, il s’interroge sur le sens de ses découvertes. Bref, de quoi faire un bon personnage de roman.
Par ailleurs, je pense que pour des parents normalement constitués, il est plus rassurant d’avoir un enfant moyen dans les disciplines scolaires classiques qui fera un bon boucher-charcutier que d’avoir Albert Einstein pour fils, qui risque de finir brûlé par la Sainte Inquisition, ou le nazisme.
Allan : D’ailleurs, à plusieurs reprises, on se demande si les scientifiques de l’Académie ont la moindre idée de ce qu’ils font et de ce qu’ils prouvent ; on a un peu l’impression – comme le prouvera l’éviction de Sid suite au ratage de l’examen – qu’en dehors des théorèmes déjà prouvés point de salut et même s’il est erroné, il est nécessairement vrai. L’image de la recherche en prendrait un coup si tu nous annonçais que cela se passait ainsi dans la réalité. Rassures-nous, ce ne sont pas des faits constatés ?
Colin : Je vous rassure tout de suite : je suis absolument convaincu que cela se passe exactement comme cela dans la réalité. J’ai connu un professeur de physique qui avait barré l’exercice d’un de ses élèves avec la mention « méthode archaïque » alors que cet élève, brillant mais paresseux, n’ayant pas appris son cours, avait réinventé une démonstration, sans doute bancale, mais qui fonctionnait. Je me demande combien de fois Einstein a dû faire face à cette situation.
Allan : Ces erreurs seront d’ailleurs à l’origine de nombreux morts mais ce n’est pas grave comparé aux bénéfices que l’on en tire… Plus fort, les services secrets, l’ONU ou l’académie s’arrange pour écarter les gêneurs ; dis : tu n’as pas une très bonne opinion de toutes ces corporations.
Colin : Euh… ben là aussi, même si je n’ai pas d’entrées dans le milieu, je ne serais pas étonné que dans l’action, on se soucie assez peu d’éthique. Je trouve d’ailleurs ça normal. Si jamais un complexe politico-industriel voulait m’éliminer à cause des révélations contenues dans mon roman ( !?) je trouverais cela de bonne guerre. Ça ne m’empêcherait pas de me défendre.
Allan : A l’époque du clonage, tu incorpores à ton récit des cyborgs (pour ceux qui ne connaitraient des hommes assistés par ordinateur si l’on peut résumer ainsi) qui – bien que majoritairement humain – seront considérés comme des esclaves malléables, corvéables et sacrifiables à volonté ; la question de leur citoyenneté est elle aussi au centre de l’intrigue : est-ce un moyen d’alerter sur des problèmes que nous sommes en passe de créer ?
Colin : On n’a pas attendu la science pour inventer des esclaves.
Cela dit, tant mieux si un roman peut servir à le rappeler, et à s’interroger sur les esclaves que nous utilisons aujourd’hui et sur ceux de demain.
Allan : Parlons un peu de Frédérick Howards le premier homme revenu d’Aleph Deux : on ne se rend pas compte de la raison de sa survie et on a surtout du mal à comprendre – et ce jusqu’au bout – dans quel mesure il est impliqué dans les évènements qui suivront, je pense notamment à la rencontre entre sa fille et le deuxième homme a avoir survécu : ce n’était pas un hasard alors ?
Colin : La vérité, c’est que je ne sais pas comment Howard a survécu à Aleph-deux. J’ignore ce qu’il sait, ce qu’il peut faire réellement, etc… Cependant, tel que je le connais, il n’est pas le genre d’homme à s’immiscer dans l’action. Il est donc probablement plus spectateur que cause des événements qui se déroulent autour de lui. Mais je ne peux jurer de rien.
Allan : Ce qui manque est de savoir plus précisemment l’aventure des cyborgs partis au paradis : ce ne te semblait pas important ?
Colin : Très sincèrement, il manque beaucoup de choses dans cette histoire. Mais on ne peut pas parler de tout ; cela transformerait le roman en chose informe. J’ai omis l’enfance de Lydie Castlereagh, ou la mort de James Hendricks, par exemple. Quant aux cyborgs, pour ce que j’en sais, leur vie quotidienne n’est pas très passionnante…
Allan : Bon maintenant que tu nous as mis l’eau à la bouche avec les Aleph 1 et 2, quand est-ce que tu rempiles pour nous parler des Aleph 3, 4 … ?
Colin : Eh bien, j’ai eu du mal à trouver le gnomon de Pythagore pour décrire Aleph-un. Aleph-deux est déjà indicible et transcendant. Je ne vois pas comment je pourrais parler d’Aleph-trois ou plus… Je suppose que dans quelques générations, les gardiens d’Aleph-deux seront devenus des magiciens, et ce sera du space heroïc fantasy opera.
Allan : Quels sont tes projets en cours ?
Colin : Ne pas rempiler…
Allan : Qu’as-tu pensé de notre site ?
Colin : Sans rire, il est vraiment sympa – même sans ma photo !
Allan : Le mot de la fin sera ?
Colin : Rien ne finit jamais, ha ! ha !
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