Michel Robert a écrit la suite de la Malerune, débutée par Pierre Grimbert et dont le dernier volume est paru le mois dernier aux Editions Mnemos… Il nous a accordé un peu de son temps pour nous parler de cette fin et aussi de ses projets dont la sortie de l’Ange du Chaos en août 2004… Merci de sa gentillesse !
Allan : Je tenais tout d’abord à vous remercier d’avoir accepté notre invitation et du temps que vous nous accordez. Pouvez-vous nous parler de vous à l’époque où vous n’étiez pas encore écrivain ?
Michel : J’étais alors sportif de haut niveau. Je jouais au handball au niveau professionnel. J’ai eu une longue et pleine carrière riche et épanouissante (dont trois titres de champion de France). Tout en menant cette carrière, j’ai travaillé dans la communication en tant que rédacteur. Tout d’abord dans une filiale de Vivendi, puis dans un magazine de jeux informatiques et enfin dans la publicité.
J’avais dans un coin de ma tête l’idée de me mettre à écrire. Mais je manquais de temps. Aussi, quand j’ai arrêté la compétition, il m’a semblé évident que la passion de l’écriture qui couvait en moi devait remplacer celle du handball.
Allan : Vous vous dites boulimique de lecture : quelles sont les Œuvres qui vous ont marquées en tant que lecteur et lesquelles vous ont données le goût de la fantasy ?
Michel : Pour les auteurs classiques : Jules Verne, Alexandre Dumas et Michel Zevaco.
Pour la science fiction proprement dite, je pourrai vous en citer des dizaines ! Mais certains se dégagent tout de même des autres. Hormis le seigneur des Anneaux, quatre écrits m’ont vraiment marqué à travers le temps : la geste des Princes d’Ambre de Roger Zelazny, l’Œuvre entière de Jack Vance, vraiment pour moi un auteur exceptionnel, les Lions d’Al Rassan de Guy Gavriel Kay et la trilogie de Leigh Brackett basé sur Eric John Stark et le monde de Skaith. Mais il y en a bien d’autres que je pourrai citer, la liste est longue.
Pour les plus récents, j’ai un faible pour Simon R. Green, David Gemmell et James Barclay, Glen Cook avec le cycle de la Compagnie Noire, Ayerdhal, Pierre Grimbert, évidemment, et Colin Marchika, qui promet beaucoup. J’accorderai également une mention spéciale aux Jardins de la Lune de Steven Erickson. Un très bon livre dont j’espère la suite avec impatience.
Mais il n’y a pas que la fantasy pour me passionner. J’aime aussi beaucoup les romans noirs américains. Des auteurs comme James Crumley, James Ellroy, James Lee Burke, Stephen Hunter, George Pelecanos ou Ross Thomas, pour ne citer qu’eux.
Allan : D’ailleurs qu’est-ce qui vous attire dans ces genres ?
Michel : Une bien difficile question ! Au fond, je crois que je suis resté un rêveur, un idéaliste, et le monde dans lequel nous vivons – la société de consommation, la politique impuissante à résoudre les problèmes, le pouvoir de la télévision, l’écologie en berne, le terrorisme, toutes ces injustices, etc – me déconcerte de plus en plus. Il y a vraiment une fuite des valeurs et je suis assez inquiet de ce que nous réserve le futur. La fantasy est comme une grande bouffée d’oxygène. Elle nourrit ma soif de romanesque et d’héroïsme.
Allan : Pensez vous que les auteurs français commencent à rattraper leurs homologues anglais ?
Michel : Globalement, la production française me semble moins commerciale que ce que proposent ses concurrents anglais ou américains. Tout ce qui vient d’Outre-Manche n’est pas toujours intéressant alors que pourtant les éditeurs étrangers disposent de moyens bien plus importants que les français. Le style des français est souvent meilleur. Cela étant, pour moi, les plus grands restent tout de même anglo-saxons. Avec le cas particulier du canadien Guy Gavriel Kay. Ayerdhal a l’étoffe d’un très grand. Mais même si j’aime beaucoup son cycle de Cybione, j’aimerais le voir écrire quelque chose de plus ambitieux, de plus étoffé. J’attends également avec une impatience marquée la suite de Ji que prépare Pierre Grimbert, qui se lance dans l’édition.
Allan : Parlons maintenant de la Malerune, dont le dernier volume est paru le mois dernier aux Editions Mnemos, comment vous a été proposé et présenté ce projet ?
Michel : Célia Chazel de Mnemos m’a appelé un beau jour d’août 2002 pour m’annoncer que, non seulement mon manuscrit de l’Ange du Chaos avait été retenu, mais qu’en plus elle songeait à moi pour écrire la suite de la Malerune de Pierre Grimbert ! À ma connaissance, ce n’est pas courant comme pratique, ce qui rendait la chose encore plus extraordinaire. Inutile de dire que j’ai aussitôt accepté et je n’ai pas touché terre de la semaine !
Allan : Connaissiez vous Pierre Grimbert et son Œuvre avant d’écrire cette suite ?
Michel : Je ne connaissais Pierre qu’à travers son Œuvre. J’avais adoré le cycle de Ji. Pierre était déjà – et je le dis tout à fait franchement – l’un de mes auteurs français préférés.
Allan : Quel effet cela fait-il de se voir confier la rédaction de la suite d’un de ses auteurs préférés ?
Michel : J’ai ressenti une excitation énorme : quel défi que de reprendre l’Œuvre d’un auteur confirmé et respecté ! Et puis quel honneur pour moi que l’on puisse me comparer à Pierre Grimbert ! Même si je suis tout à fait conscient de ne pas avoir une si belle plume que la sienne.
Allan : Parlons maintenant des deux volumes que vous avez écrits en eux mêmes : la première question qui me vient à l’esprit est de vous demander comment vous avez fait pour « démarrer » : contact avec Pierre Grimbert, relecture x fois du premier volume… ?
Michel : Tout à fait. J’ai tout d’abord relu les Armes des Garamont en tentant de le décortiquer, en prenant beaucoup de notes. Puis j’ai appelé Pierre Grimbert avec qui j’ai tout de suite eu un très bon contact. Enfin, je me suis lancé.
L’étape principale était de m’approprier les personnages. Tout le reste en a découlé.
Allan : Quelles étaient les contraintes ?
Michel : Pour l’intrigue, c’était assez ardu. Pierre avait prévu six tomes pour son histoire, je pense qu’il songeait à développer une intrigue assez lente. Moi, j’avais pour obligation de comprimer le cycle en seulement deux volumes ! Songez qu’il a fallu dix tomes à Belgarion pour achever sa quête (La Belgariade de David Eddings). De plus, pour écrire le Dire des Sylfes, je n’avais que trois mois, sans compter qu’il me fallait également définir les grandes lignes du troisième et dernier tome. Je peux vous dire que je n’ai pas beaucoup dormi ces trois mois ! Heureusement, je suis plutôt productif la nuit et j’étais extrêmement motivé par l’ampleur de la tache.
Allan : Est-il difficile de s’approprier les personnages et le style d’un autre auteur ? (je parle du style car nous n’avons pas de sensations de rupture entre le premier volume et les suivants –ce que je craignais au début – ce qui est tout à votre honneur J)
Michel : Oui, c’est une véritable épreuve intellectuelle ! J’en ai passé des heures à me creuser la tête !
Pour les personnages, il m’a fallu une quinzaine de jours environ. Mais comme je les avais apprécié à travers le premier volume, ce ne fut pas trop difficile. Assez vite, ces personnages se sont mis à exister d’eux-mêmes. À part peut-être pour celui d’Ariale que j’ai eu longtemps du mal à cerner et à développer.
Au niveau du style, je pense que si Mnemos a fait appel à moi pour poursuivre l’Œuvre de Pierre Grimbert, ce n’était pas tout à fait par hasard.
Au début, c’est vrai que j’ai essayé de faire du « Grimbert » et ça n’allait pas vraiment, mon écriture n’était pas naturelle. Je n’avançais pas. J’ai donc décidé de revenir à du « Michel Robert ». Et le résultat ne semble pas s’être révélé trop mauvais.
Allan : Vous avez donc écrit cette suite mais au niveau du canevas , aviez vous toute latitude ou étiez vous libre de donner la tournure que vous vouliez aux évènements ?
Michel : Pierre n’avait plus travaillé à la Malerune après avoir achevé les Armes des Garamont. Il n’avait donc qu’assez peu d’éléments à me fournir sur ce qu’il avait prévu. Je disposais donc d’une grande latitude pour inventer la suite avec, tout de même, la nécessité de rester cohérent avec ce qui avait été initié dans le premier tome.
Le Dire des Sylfes m’a posé le plus de problèmes car il me fallait reprendre le fil du récit où Pierre l’avait laissé – avec un certain nombre de questions qu’il avait posées sans avoir de réponse – et développer l’intrigue, tout en songeant à ce que contiendrait le dernier tome, la Belle Arcane.
Ce dernier tome, justement, m’a été bien plus facile à écrire, je me sentais plus libre de développer ma propre histoire – tout en conservant ma fidélité à l’univers de Pierre Grimbert. D’ailleurs, je lui faisais régulièrement lire mon travail et il s’est montré aussi incisif qu’encourageant dans ses remarques ainsi que d’une grande disponibilité, malgré son propre travail.
Pierre, merci encore !
Allan : Sans dévoiler la fin, après avoir privé Zétide de sa magie, le rendant inutile au sein du groupe, vous lui réservez encore une mauvaise surprise à la fin : ce n’est pas un peu de l’acharnement 😉 ?
Michel : Ah, ce vieux Zétide ! J’ai beaucoup d’affection sur lui. Il porte un tel poids sur les épaules. C’est le pivot de toute l’histoire. Le sort de l’Ældo repose sur ses épaules. Sans lui, rien ne serait arrivé et la guerre contre le Maûne n’aurait pas eu lieu. Zétide est à la fois le responsable involontaire de tout ce qui arrive et le seul à pouvoir sauver le monde.
Quant à la mauvaise surprise que lui réserve la fin, c’est l’un des rares points que Pierre avait prévu. Une excellente idée que j’aurai eu bien tort de ne pas exploiter.
Allan : L’amour entre Hogo et Lucia était-il prévu dès le début ou s’inscrivait-il pour vous dans la logique de l’histoire ?
Michel : En fait, les deux. Leur histoire n’était qu’à peine esquissé dans le premier tome. J’en ai parlé à Pierre qui m’a confirmé qu’il avait prévu de les réunir. Mais je n’avais pas besoin de sa confirmation. D’emblée s’était imposée l’idée que l’honorable guerrier et la fière chasseresse devaient vivre autre chose qu’une simple amitié.
Allan : Ce combat à la fin, qui fait penser à un combat à la Gemmel (seul contre tous), est-il un simple clin d’Œil aux grandes Œuvres d’Héroïc Fantasy ou bien une réelle nécessité ?
Michel : Ce n’était pas un clin d’Œil mais vraiment une nécessité. Comment terminer une telle quête sans un combat héroïque ? Nos quatre héros ne pouvaient tout de même pas entrer dans le Maûne, détruire la Malerune et rentrer chez eux comme si de rien n’était. Et puis, les grandes scènes héroïques sont l’apanage de la fantasy, non ?
Allan : De quel Œil voyez vous l’ensemble de l’Œuvre maintenant qu’elle est fini et qu’en retirez vous en tant qu’écrivain ?
Michel : Il m’est fort difficile de juger ma propre Œuvre. Ce que je sais, c’est que j’y ai apporté toute mon énergie. Cependant, j’en ai eu de bons échos de sources diverses, ce qui me laisse à penser que je n’ai pas à rougir du résultat.
En tant qu’écrivain, j’en ai énormément retiré ! Ce travail sur la Malerune m’a permis – grâce aux conseils de Célia Chazel de Mnemos – de véritablement progresser. Je pense avoir gagné en maturité et en maîtrise, même si j’estime qu’au niveau de l’écriture, on peut toujours progresser.
Allan : J’ai cru comprendre que quand on vous a proposé ce projet, une autre bonne nouvelle s’est ajouté à celle-ci ?
Michel : Je suppose que vous faites référence à la naissance de ma fille Justine, qui a aujourd’hui huit mois. C’est ma petite merveille, portrait craché de Sophie, sa maman, une femme exceptionnelle que j’ai longtemps cherchée sans le savoir et enfin trouvée.
Allan : Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre roman ?
Michel : L’Ange du Chaos – est le premier tome d’un cycle qui se déroule dans le monde des Plans, univers de magie et de violence où se côtoient de multiples races. Une lutte sempiternelle y oppose deux puissances : l’empire de la Lumière et le royaume des Ténèbres. Ils s’affrontent ouvertement ou non pour la suprématie du Plan – ou monde – principal, les Territoires-Francs. Dominer les Territoires-Francs permettrait de contrôler l’énergie qui permet aux Plans annexes d’exister. Cependant, une troisième puissance aux buts mystérieux, le Chaos, Œuvre dans l’ombre et attend son heure.
Mon roman met en scène Cellendhyll de Cortavar, l’homme aux cheveux d’argent, individu rude et tourmenté qui revient d’un long exil pour obtenir la vengeance.
À l’instar de son héros, l’atmosphère de l’Ange du Chaos est plus sombre, plus dure et plus violente que celle de la Malerune.
Le roman est programmé pour le mois d’août 2004, et je suis en pleines corrections.
Allan : Avez vous eu des difficultés à être publié ? Quel effet cela fait-il ?
Michel : Avant d’écrire l’Ange du Chaos et d’être contacté par Mnemos, j’avais commis un autre roman de fantasy. Qui a été refusé. Avec du recul, j’ai compris – trop tard – qu’il n’était pas assez abouti. Toutefois, ce refus m’a permis de me remettre en question et d’améliorer mon écriture.
Quant au fait d’être publié, c’est l’aboutissement d’un rêve et de tellement d’efforts ! C’est génial. Et cela demande encore plus de travail !
Allan : Que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?
Michel : De pouvoir vivre de ma plume. Que le bonheur que je connais avec ma femme et ma fille perdure à jamais.
Allan : Avez vous visité Fantastinet et si oui, qu’en pensez vous ?
Michel : J’ai évidemment visité Fantastinet et on voit tout de suite que c’est l’Œuvre de passionnés. Je trouve très important que ce genre de site existe car c’est l’un des bons moyens de faire découvrir la science-fiction aux gens, alors que les maisons d’éditions spécialisées dans le genre manque encore trop de moyens. Bravo !
Allan : Avant de nous quitter, avez vous un mot à ajouter ?
Michel : Oui. Je saute sur l’occasion pour annoncer que je cherche un éditeur pour un roman que j’ai écris. Quelque chose d’un genre un peu particulier. Une adaptation personnelle des Trois Mousquetaires, clairement déjantée, mâtinée de Tarantino et de Monty Python.
Allan : Encore merci pour tout, et tenez nous informé de votre actualité 🙂
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