Retrouvez l’actualité des littératures de l’imaginaire (Science-Fiction, Fantastique, Fantasy, et autre) ainsi que des interviews de celles et ceux qui les construisent.

Interview : Robin Hobb

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Oh grande joie et grand évènement : Mme Robin Hobb a accepté à répondre à quelques unes de nos questions sur ses oeuvres… Pas d’occasion particulière autour de cette interview (si ce n’est la parution le mois prochain d’un roman en commun avec Steven Brust). Donc voici le résultat de cette web-rencontre. Vous pouvez lire ici l’interview en anglais. J’en profite pour remercier Serpent Blanc des Rivages Maudits pour nous avoir aidé dans les traductions….

Allan : Comme vos écrits sont mondialement connus, je pense qu’il n’est pas vraiment utile de vous présenter aux fans de fantasy mais pouvez-vous nous présenter le chemin qui vous a permis de réussir en tant qu’écrivain ?

Robin : Je ne pense pas qu’il y ait des règles qui fonctionnent à chaque fois pour réussir en tant qu’écrivain. Je pense que, pour son propre succès, l’écrivain doit écrire des histoires qui lui plaisent. J’écris de la fantasy parce que c’est ce que j’aime lire. J’essaie de créer des personnages que j’aimerais avoir comme amis ou d’autres que je pense qu’il serait intéressant de connaître.

Allan : Quels auteurs vous ont fait rêver en tant que lecteur ?

Robin : Le premier est évident : JRR Tolkien. Durant toute ma vie, en différents temps et à différents moments de ma vie, de nombreux auteurs ont trouvé un écho en moi. Donner une liste complète serait déclamer la moitié d’une librairie ! Mais quelques uns ont été vraiment significatifs : Rudyard Kipling, Theodore Sturgeon, Robert Heinlein, Peter S. Beagle, Robert Howard, T.H. White . . . La liste devient déjà trop longue ! L’auteur contemporain que je trouve le plus passionnant en ce moment est George R.R. Martin.

Allan : Nous avons récemment décidé d’interviewer des auteurs non français ; vous êtes donc parmi les premières. C’est pourquoi j’aimerais vous demander comment sont perçues les littératures de l’imaginaire aux Etats-Unis ?

Robin : Aux Etats-Unis, la Fantasy est un des « genres » avec le polar, la romance, la science-fiction et les westerns. Nous ne sommes pas pris aussi au sérieux que la littérature dite « principale ». La contrepartie, pour moi, est que la majeure partie des meilleures ventes ces derniers temps (aux Etats-Unis) semblent intégrer beaucoup d’éléments de Fantasy. Seulement, à mon avis, ils ne le font pas aussi bien que de véritables auteurs de fantasy.

Aux Etats-Unis, les Œuvres de fantasy ont souvent de très bonnes places dans les listes des meilleures ventes. Ainsi, bien que nous ne soyons pas aussi « respectables » que la littérature générale, j’ai le sentiment que nous touchons, comme eux, un lectorat.

Allan : Puisqu’on en parle, quelle est l’opinion de la presse officielle sur vos écrits ?

Robin : La presse officielle ne semble pas prendre réellement en compte la fantasy. Quand un livre ou un auteur vend au point qu’ils soient obligés d’en parler, ils semblent parfois ignorer que le livre est une oeuvre de Fantasy ou de Science Fiction. Mais je pense que les barrières entre genres commencent à céder. Je ne crois pas que le lecteur lambda tienne compte de la façon dont les critiques ou la presse littéraire considèrent le livre. Le lecteur veut uniquement une très bonne histoire.

Allan : Avant de parler de vos écrits, avez vous lu quelques auteurs français ?

Robin : Malheureusement, il y a peu d’auteurs contemporains de fantasy ou de SF traduit en anglais. De ce fait, ma connaissance des auteurs français est limitée à quelques classiques, comme Le Petit Prince, le travail d’Alexandre Dumas, celui de Jules Verne, etc.

Allan : Vous m’avez dit durant notre échange d’emails, que vous souhaiteriez que soit mieux reconnu le travail des traducteurs : la traduction vous semble donc nécessaire à la vie du livre ?

Robin : La raison pour laquelle je pense qu’il est important de reconnaître le travail du traducteur est que la qualité de la traduction affecte grandement la façon dont un livre est accueilli dans une langue. Une traduction médiocre n’aura tout simplement aucun succès. La plupart des traducteurs que j’ai mentionnés sont passionnés non seulement par la langue mais aussi par la communication. Ils ne se contentent pas de traduire des mots ; ils traduisent l’histoire et la façon dont elle est racontée. Ils sont fascinants.

Allan : quelles relations avez vous avec eux : les avez-vous rencontrés ? Suivez vous leurs traductions ?

Robin : J’ai eu des échanges de mails avec plusieurs traducteurs de mes livres : français, espagnol, hongrois, chinois – il n’y pas d’importance quand à la langue dans laquelle ils travaillent, je les ai tous trouvés intéressants. Dans certains cas, nous avons uniquement échangés quelques lettres au sujet de points précis. Dans d’autres, des amitiés ont fleuri et ont duré des années. Je pense qu’Arnaud Mousnier-Lompré est celui que je connais depuis le plus longtemps, et c’est une amitié merveilleuse. Ses commentaires et ses questions étaient perspicaces, non seulement dans la traduction, mais aussi dans le langage lui-même. Je valorise énormément mes contacts avec les traducteurs.

Allan : Vous avez eu plusieurs prix pour votre travail : sont-ils importants ou est-ce juste du folklore ?

Robin : Cette question ne me semble pas très claire. Je suppose que vous voulez demander si l’argent que je touche est important. Bien, évidemment, la façon dont je suis payé fait une grande différence dans ma vie ! Mais je pense que l’argent n’est pas la raison pour laquelle j’écris, de même qu’il ne détermine pas quel genre de livre j’écris. L’argent vient toujours après l’écriture du livre, et finalement, il est le reflet du nombre de lecteurs ayant acheté le livre. Donc, d’une certaine façon, c’est une mesure de son succès. Mais je pense que j’écrirais toujours ces livres même si c’était uniquement pour les mettre dans une boite sous mon lit. Ecrire est ce que les écrivains font. Vendre les histoires vient toujours après.

Allan : J’ai fait une erreur dans la traduction, parlant de « prix » au lieu de « récompense ». Reprenons donc : quels sont vos sentiments lorsque vous recevez des récompenses ?

Robin : Aha! Vous cherchiez le mot « Prize » par opposition à « Price » ! Et bien, les récompenses sont plaisantes à recevoir. Elles donnent une légitimité publique à un auteur. Mais d’une certaine façon, les récompenses sont comme l’argent : elles viennent toujours après que le gros du travail soit passé. Quand j’étais un auteur plus jeune, je voulais désespérément gagner le prix Nebula. Il est donné par l’association des auteurs de Fantasy et de Science Fiction d’Amérique (SFFWA). J’ai beaucoup réfléchi à quels genres d’histoires et de livres avaient remportés cette récompense, et j’ai essayé de penser à quelle sorte d’histoire j’aurai à écrire pour le gagner (comme je l’ai dit, j’étais beaucoup plus jeune !). J’ai réellement essayé d’écrire de façon à le gagner. Mais ça n’a pas marché. Je n’ai jamais pu finir l’histoire. Je pense que c’est parce que j’écrivais avec les normes de quelqu’un autre que moi.

A ce jour, même si j’ai été plusieurs fois nommée pour les Nebula et Hugo, je n’en ai jamais gagné un seul. Les récompenses que j’ai remportées, je les apprécie énormément et je suis reconnaissante de les avoir gagnées. Elles me disent que l’histoire que j’ai créée a été bien appréciée par d’autres gens. Ainsi, en ce sens, les récompenses sont importantes. Mais je ne m’assiérais jamais pour écrire un livre ou une histoire uniquement dans l’espoir de gagner une récompense.

Allan : Vous utilisez deux identités : Robin Hobb et Megan Lindholm… Y a-t-il des différences dans le style ou dans les thèmes entre ces deux noms ? Ou s’agissait il uniquement d’un moyen de vous protéger de la mauvaise publicité dont bénéficiait les littératures de l’imaginaire au début ?

Robin : Je pense que les histories que j’ai écrites sous le nom de Megan Lindholm sont plus sombres que celles écrites par Robin Hobb. Hobb est plus intime, elle détaille plus son histoire. En tant que Megan Lindholm, j’écris des histoires de fantasy plus contemporaines. La voix de narration de Robin Hobb ne se prête pas vraiment à écrire des histoires très courtes. Celle de Megan Lindholm si.

Allan : Si nous prenons la trilogie de L’assassin royal qui vous a fait connaître – en France en tout cas – nous nous rendons rapidement compte que les émotions et les sentiments tiennent une grande part dans l’histoire : pensez-vous que c’est un aspect féminin qui ressort ou bien un vieux cliché (l’aspect « émotionnel » serait toujours présent mais on ne le remarquerait que dans le cas où l’écrivain serait une femme) ?

Robin : Je pense qu’il s’agit plus d’une nouvelle façon de raconter une histoire, plutôt que d’une différence Homme/Femme. Je vois le même phénomène dans les journaux. Il était habituel que les informations relatent seulement et exactement les évènements, sans donner d’opinion. Désormais, au moins aux Etats-Unis, il est difficile de trouver des infos qui ne soient pas éditorialisées. Les gens se demandent toujours ’pourquoi ?’ et ’comment ressentez vous cela ?’ ou encore ’qu’en pensez vous ?’. Si on nous raconte uniquement ce que la personne fait, nous n’avons pas le sentiment d’avoir réellement appris ce qui s’est passé.

Allan : Quand on regarde les différentes chroniques, on constate que plusieurs fois il est indiqué que l’action est longue à venir que ce soit dans la trilogie de L’assassin royal ou dans sa suite : est-il important à vos yeux de décrire précisément l’univers et les personnages avant de développer l’action ?

Robin : Je pense que dans la fantasy, il est plus long d’entraîner le lecteur dans le monde, d’établir le décor et ce qui s’y passe. Sans ce contexte, il est plus dur pour le lecteur de comprendre pourquoi certains évènements sont importants. Beaucoup de lecteurs de fantasy sont très patients lors de la découverte d’un univers et apprécient des livres longs qui leur permettent d’entrer dans un monde et de l’explorer. En fantasy, le contexte peut être presque aussi important que l’intrigue pour le plaisir du lecteur.

Allan : Les Aventuriers de la mer prend racine dans un autre monde… Les relations entre les personnages ne sont pas tout de suite établies et nous avons l’impression de suivre trois actions différentes : l’écriture a dû être plus dure ?

Robin : Les aventuriers de la mer et les autres livres prennent place dans le même monde que l’Assassin royal. Les événements des Aventuriers de la mer ont lieu après ceux de L’assassin royal et avant les histories racontées dans « The Tawny Man ». Ainsi les événements de Terrilville et des Iles Pirates et même certains personnages influent sur les évènements dans « The Tawny Man ». J’ai raconté l’histoire des Aventuriers de la mer de plusieurs points de vue parce que je savais que l’action se situerait dans une zone géographique très large, et qu’aucun personnage ne pourrait en être témoin dans son ensemble. Je ne pense pas que ce fut plus dur à écrire, mais différent.

Allan : D’ailleurs, comment vous y êtes pris dans la rédaction de cette trilogie : avez-vous écrit une trame de l’ensemble que vous avez développée ou avez vous tout écrit d’un jet ?

Robin : J’ai habituellement une vision globale de la façon dont l’histoire va se développer. Quand j’écris, je prends énormément de notes et je garde un dossier avec les détails, afin de ne pas me contredire. Mais si l’idée d’aller dans une autre direction me vient pendant que j’écris, je vais souvent l’essayer. Fondamentalement, la trame me donne un chemin possible d’écriture mais au final, le livre définitif est fréquemment très différent de la trame originelle.

Allan : Ce qui est typique de vos histories et la qualité des histories, spécialement de leur personnalité : vous appuyez vous sur des personnages existants ou les personnages sont_ils créés par l’histoire ?

Robin : Je considère que les personnages de fantasy doivent être le produit de leur propre monde ou ils ne sont pas crédibles. Je ne pourrais pas prendre une femme du 21ème siècle et la mettre dans une histoire se déroulant dans un univers primitif en espérant qu’elle sera crédible. Ca ne marchera tout simplement pas. Donc, non, je ne me base pas sur des personnes existantes. Je pourrais m’appuyer sur un détail comme une façon de marcher ou une apparence, mais pas sur une personnalité complète.

Allan : En France, La nuit du prédateur sera publié en avril… Vous l’avez écrite avec Steven Brust : pourquoi vouloir écrire avec Steven ?

Robin : Steven et moi sommes amis depuis des années, et nous avons déjà collaboré sur des nouvelles dans plusieurs anthologies au sujet d’une ville appelée « Liavek ». C’est à Steve qu’est venue l’idée de la Nuit du Prédateur. Nous l’avons écrit il y a déjà un moment dans une série de lettres que nous avons échangées avant l’avènement de l’email. Nous habitons loin l’un de l’autre, c’est pourquoi presque tout le travail a été fait par courrier. Cela a été une expérience d’écriture fantastique, quelque chose que je n’ai jamais renouvelé.

Allan : Quel est le moyen de réussir une telle expérience ?

Robin : Je pense que la solution est de ne pas forcer. Il faut que ce soit une histoire qui corresponde aux deux auteurs, et qui soit mieux racontée par deux écrivains que par un seul.

Allan : Avez vous quelque chose en cours ?

Robin : Je suis actuellement en train de travailler sur le deuxième volet de la trilogie « The Soldier Son ». Le premier volume, Shaman’s Crossing, a déjà été publié aux Etats-Unis. Le deuxième volume, « Forest Mage » est celui que je suis encore en train d’écrire.

Allan : Avez vous d’autres projets ?

Robin : J’ai tendance à commencer trop de projets à la fois. J’ai un nombre important de nouvelles en cours, mais les livres viennent toujours en premier.

Allan : Vous m’avez indiqué avoir visité Fantastinet et je vous en remercie : que pensez vous de notre travail ?

Robin : Je pense que vous avez un site réellement intéressant. En tant qu’auteur fantasy, je ne peux qu’être heureuse de voir de plus en plus de sites de fantasy français. Il semble y avoir un réel enthousiasme et de intérêt pour le genre. Je pense que l’intérêt des français pour la fantasy se développe et que des sites comme Fantastinet sont utiles aux lecteurs et qu’ils se développeront avec le lectorat. Et j’apprécie grandement que vous donniez une place aux traducteurs aussi !

Allan : Vous avez facilement accepté notre interview : les contacts avec les lecteurs sont ils très importants pour vous ou l’acte d’écrire est pour vous quelque chose de plus personnel ?

Robin : J’adore parler aux lecteurs. J’ai une newsgroup chez Sff.net, (Newsgroup) et les lecteurs sont toujours les bienvenus pour me contacter s’ils ont des questions ou des remarques. J’essayais de répondre par email, mais je commence à être débordé. C’est pourquoi je réponds aux questions là bas pour tenter d’avoir plus de temps pour travailler sur mes livres.

Allan : Que peut-on vous souhaiter ?

Robin : S’il vous plait, souhaitez moi d’arriver à finir « Forest Mage » très rapidement. J’ai déjà dépassé la date limite !

Allan : Voulez vous ajouter un dernier mot ?

Robin : Merci de m’avoir donnée l’opportunité de toucher les lecteurs français. http://www.rivages-maudits.com est un site pour les lecteurs français qui souhaiterait avoir plus d’informations sur mes livres ou discuter avec d’autres lecteurs.


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