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Le Monde enfin de Jean Pierre Andrevon

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Un homme qui suite à un coup de téléphone matinal quitte son domicile pour ne plus y revenir, abandonnant femme et enfants à un sort malheureux, ayant pour seule consolation qu’elle ne sera pas la seule à souffrir. Un officier aérospatial américain qui, coincé dans son scaphandre dans la capsule des nouveaux satellites tout droit sortis du projet guerre des étoiles, suit les ordres venus d’une terre lointaine et n’hésite pas à lancer ses missiles à charge nucléaire le moment venu. Un scientifique, un ado atteint par un cancer incurable et une petite fille innocente se rencontrent en plein coeur d’un paris déserté, et décident d’un commun accord de libérer les animaux du zoo de vincennes. Et au milieu de tous ces textes, un vieil homme solitaire, accompagnée d’une vieille carne, parcourt les routes de France, tandis que la nature reprend ses droits et que les animaux batifolent paisiblement. Il sait sa fin proche, mais il veut avant qu’il ne soit trop tard atteindre la mer, la Méditerranée, le foyer mais aussi le tombeau de l’humanité.

Un texte tout simplement magistral, hors du commun. Soyons clair, oubliez tout ce que vous avez déjà lu de Jean Pierre Andrevon, ce n’est plus du tout le même style. C’est à la fois plus incisif, plus intense, plus drôle et plus horrible, meilleur que tout ce que vous avez pu lire de lui. Il s’est tout bonnement surpassé, ce livre est le couronnement de toute une vie dédiée à l’art, JPA a atteint l’apogée de sa carrière, il vient enfin de produire son chef d’oeuvre, celui qui ne peut que rester profondément gravé au coeur de tous les fans de Science Fiction, et faire de lui un des grands maîtres. Oubliez gandahar, le travail du furet à l’intérieur du poulailler ou encore sukran, ce recueil les dépasse tous tout en intégrant leur problématique. C’est en quelque sorte la quintessence des enjeux de sa plume, de ses doutes, de ses questionnements, de ses craintes et de ses visions. Lire le monde enfin, c’est pénétrer dans l’âme même de l’écrivain.

Au dessus du feu, empalé sur une branche de coudrier, un lapin achève de se caraméliser. Au-dessis de Paul et de Lelah, une chauve-souris happe en plein vol un moucheron tardif. Au coeur des bois, un fauve, un lynx peut-être, rugit de contentement, la gueule pleine de sang. La grande nuit qui a avalé l’humanité n’est pas près de se lever.

Treize nouvelles, treize convives invités à une funeste table ou un seul roman uni et divers, à vous de juger à sa lecture. J’ai pris le parti de n’en faire qu’un unique roman, même si composé de plusieurs histoires pas forcément liées entre elles. Mais toutes, à un moment ou un autre, se rejoignent, aussi ténu soit le lien. Si vous optez pour le recueil, vous trouverez cinq histoires qui se croisent et s’entrecroisent, bourgeonnent et donnent de nouvelles ramifications jusqu’à aboutir au résultat final, original, déjà connu mais si émouvant. Si vous prenez le choix du roman, vous aurez le même résultat, quoiqu’il en soit!

Le style peut sembler lourd, pesant, car s’attardant énormément dans les moindres détails. c’est notamment visible avec le cavalier, dont vous lirez l’intégralité de ses actes, du plus intime au plus banal, du plus incongru au plus normal. Ca ralentit énormément le rythme de l’histoire, mais nous nous attachons de plus en plus au personnage, ce qui est le but recherché comme nous le prouve la conclusion. Et de toute façon, la lenteur n’a plus d’importance, car vous le comprendrez vite, la notion du temps a perdu de son importance, pourquoi se presser alors.

A la limite, le seul défaut qu’on pourrait trouver est le lien parfois un peu cousu de fil blanc, un peu artificiel, notamment dans le cas de Une orange bleue vue d’en haut, qui semble plus correspondre à des envies personnelles qu’à une réelle avancée de l’histoire. Il est vrai que le recueil lui même n’est qu’un amas de texte disparates remaniés pour former un tout cohérent, mais on ne peut quand même s’empêcher de remarquer, en approfondissant un peu, que ce texte marque finalement une rupture avec le passé. Ce qui est le cas avec l’ensemble de l’oeuvre, qui nous offre un large panorama de la dissolution des moeurs et des traditions humaines, qui s’effacent petit à petit dans le néant, à coups sporadiques de grands coups de pieds au cul.

C’est aussi une vision très personnelle de notre avenir, une solution qui, sans qu’on puisse nier son côté efficace et radical, ne peut que nous laisser sur notre faim par les désagréments qu’il peut entraîner sur certains habitants de la Terre. Pour ma part, j’ai l’impression d’y trouver des échos d’un roman aussi illustre que Ravage de Barjavel. Bien sûr, le côté optimiste en est exclu, car soixantes années ont passé et, ce qui pouvait être sauvé à l’époque, ne le paraît plus autant de nos jours. Ce qui est par conséquent une vision très sombre, apocalyptique de notre avenir.

En conclusion, une oeure incontournable de l’année 2006, à lire absolument, quitte à abandonner d’autres lectures. Si vous ne l’avez pas encore lu, il est encore temps. J’en suis convaincu, si je ne devais prendre qu’un livre de JPA, ce serait celui là, sérieux, émouvant, passionnant, cohérent, profond, il a toutes les qualités pour vous séduire. Et, ce qui est rare, il est accompagné d’une illustration sublime qui retiendra aussi longtemps votre oeil. Car la lecture se fait aussi par les images, et le dessin de couerture de Sparth nous le démontre une fois de plus avec brio.


Pocket (Juin 2006)633 pages 8.90 € ISBN : 9782266203814 Couverture : Philippe Gady
Un vieil homme parcourt à cheval la France, vidée de ses habitants comme la totalité de la planète, à la suite d’une pandémie foudroyante quarante-cinq ans plus tôt. Sur son chemin, il traverse des villes envahies par la végétation et peuplées par des animaux sauvages, ainsi que quelques communautés de survivants octogénaires. Au crépuscule de sa vie, égrenant ses souvenirs, il veut une dernière fois voir la mer. Dans ce monde désert, quelques destins se croisent : une femme cherche désespérément à mettre un enfant au monde, l’équipage de la première expédition avortée vers une autre étoile atterrit en catastrophe. Mais l’existence de ces survivants n’est peut-être pas due au hasard : quel est ce météore bleu vif que les rescapés aperçoivent parfois dans le ciel ? Un espoir venu d’ailleurs ou le dernier signe de l’apocalypse ?


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