Auteur de Science-Fiction québécois, Dave Côté était invité au festival des Utopiales 2024 pour la parution d’Overcity. Dans ce roman, Dave nous fait découvrir un pendant étrange de Montréal, où Normand et ses amis seront sollicités d’abord pour comprendre l’événement, ensuite pour agir…
En attendant, l’auteur nous parle de son parcours, de son œuvre mais aussi de la Revue Solaris qui fête ses 50 ans cette année.
A noter que le roman est paru pour l’instant aux éditions Six Brumes
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Ou lire la retranscription 🙂
Bonjour Dave.
Bonjour.
Aujourd’hui, je te reçois aux Utopiales pour la sortie d’Overcity, chez l’éditeur les Six-Brumes. Qui es-tu ?
Qui suis-je ? Je suis un auteur qui a publié son premier texte en 2010 avec un roman qui s’appelle Noir Azur, un roman de science-fiction un peu poétique, assez dystopique aussi. Aussi, je suis l’auteur de plusieurs nouvelles dans la revue, entre autres, Solaris. J’ai compté dernièrement, j’en avais une vingtaine de nouvelles littéraires publiées dans la revue.
Comment tu présenterais Overcity, ce nouveau roman ?
Overcity, c’est d’abord le roman qui traite de mon arrivée à Montréal. J’ai grandi dans la campagne et puis mon arrivée dans la grande ville a été un événement important pour moi, donc c’était une façon d’aborder ce sujet-là.
C’est aussi le roman qui parle de l’image de soi, l’image qu’on construit à l’intérieur de nous, l’image qu’on se fabrique de nous-mêmes, versus ce qu’on projette et ce qui est perçu par les autres.
Je suis assez fasciné par l’idée d’une réalité qui est malléable, puis qui est modifiable par le conscient collectif, par ce qui se passe à l’intérieur. Tout ça, c’est un peu mélangé ensemble pour donner Overcity.
Pour le petit pitch, ce que j’ai vu, c’est qu’on a un petit scénario quand même à la leftovers au début. On a un certain nombre de personnes qui disparaissent avec les conséquences qui en viennent. Ils vont où tous ces gens?
C’est qu’en fait, Overcity est apparu du jour au lendemain. Et puis, ça a créé une espèce de vide, il y a eu une espèce d’appel d’air. En fait, une ville a besoin de population pour exister, a besoin d’habitants. Donc, étant donné qu’elle n’en avait pas à ce moment-là, elle a aspiré des gens un peu au hasard à travers Montréal, qui, du point de vue des Montréalais, disparaissent. Les gens vont à Overcity, qui se dotent ainsi de ces habitants.
Le premier personnage qu’on croise, c’est Normand. Un pompier qui a l’air plutôt sympa. Son groupe est sympa aussi et il va apparaître tout d’un coup comme un héros parce qu’il a trouvé la solution ?
C’est un des premiers à comprendre qu’on peut prévenir, qu’on peut empêcher quelqu’un de disparaître malgré soi. Il a appris à reconnaître les signes avant le cours, précurseur de cette disparition-là. Il remarque des maux de tête, certains étourdissements, une confusion. Il se dit : Peut-être qu’on peut, si on déconcentre la personne à ce moment-là, peut-être qu’on peut l’empêcher de partir. À ce moment-là, pour les personnages, les gens disparaissent, donc on essaie d’empêcher. C’est un danger. Étant donné que c’est un des premiers à comprendre ça, à comprendre qu’on peut empêcher ces départs-là, il est vite récupéré par les médias, par le concert collectif, justement.
C’est une personne qui semble avoir une compréhension de ce que c’est Overcity, ce que sont les règles du jeu. Ça, c’est récupéré par un personnage un peu plus opportuniste qui est Massaro Oriochi, qui, lui, essaie justement d’utiliser les personnages et les images qu’il dégage pour construire quelque chose de beaucoup plus contrôlé avec Overcity. Il essaie de débarrasser de la ville de son côté plus sauvage, plus imprévisible pour en faire quelque chose de plus vendable.
Ce qui est surprenant, c’est que normalement, quand il bascule dans Overcity, il est doté de superpouvoirs. Je ne dévugache rien, c’est dès les premières fois. Finalement, c’est un peu l’opposition entre ce qu’il pense être et ce que les gens pensent qu’il est. C’était ça le cœur de ton sujet.
Je ne sais pas si j’irais jusqu’à dire de parler d’opposition, mais oui, il y a des nuances, comme je l’évoquais tantôt, entre la façon dont les personnages se perçoivent eux-mêmes et ce qui est dégagé.
Je parlais un peu d’opportuniste tout à l’heure avec Massaro, qui construit le personnage de héros. Il voit le potentiel chez Normand d’un potentiel héros et puis il l’utilise. Normand n’était pas forcément voué à devenir le héros d’Overcity, le pionnier d’Overcity.
Et paradoxalement, il est en couple avec Cindy, qui est un peu son opposé, là où lui, il est plutôt dans les pompiers, Il est tout dans la simplicité, alors que…
Dans la simplicité, alors qu’elle allait dans le sophistiqué, le night life.
Et c’est un peu cette relation qui va permettre à Normand aussi de basculer et de vouloir comprendre plus. Mais par contre Cindy, elle a l’air complètement perdue dans Overcity.
Oui, elle, en fait, et sans rentrer trop dans les détails, il y a plusieurs niveaux. En fait, la façon dont le conscient collectif de Montréal nous perçoit est très important pour Overcity.
Donc il y a plusieurs niveaux. Il y a le niveau figurant où est-ce qu’il n’y a pas assez de gens qui nous connaissent. On n’occupe pas vraiment une vraie place dans le conscient collectif. Et si jamais on va à Overcity à ce moment-là, on s’efface, on devient… Le conscient collectif ne nous reconnaît pas dans ne nous prête aucune qualité.
Donc, on devient juste un personnage vide, quelqu’un qui marche, un client, un caissier, tout.
Ensuite, il y a le seuil où est-ce qu’on a assez de gens qui nous connaissent pour qu’on reste à peu près semblable à nous-mêmes. Et puis, il y a le niveau supérieur, dont celui de Cindy, qui est… On est une image tellement puissante qu’elle avale la personne qu’on était à Montréal et qui devient une espèce d’icône, l’avatar même d’un concept à Overcity. C’est ce qui arrive à Cindy, qui se fait complètement dévorer, avaler par son personnage de méchante sorcière dans la série dans laquelle elle joue.
Oui, parce qu’elle m’a fait beaucoup penser à Wanda, la sorcière rouge.
C’est le cas ? C’est vrai qu’on pourrait trouver une certaine ressemblance. Ça m’a pris pas mal de temps à écrire Overcity, donc ce n’est pas une inspiration. Si j’avais à placer une inspiration, je trahirais un peu mes intérêts de gamer. Je ne sais pas s’il y a des gens qui connaissent Final Fantasy 8. Dans une des scènes du jeu vidéo, il y a une parade avec une sorcière très urbaine qu’on peut un peu reconnaître dans le roman.
D’accord. Effectivement, on a finalement Cindy qui subit un peu sa situation. On a Normand, on peut dire aussi, qui subit aussi sa situation. Et puis, à l’opposé, on a… Je n’arriverai pas à dire son nom.
Ah, Massaro.
Massaro, qui a l’air d’avoir tout compris et qui veut en tirer vraiment un profil important. On va toujours trouver ce genre de personnage dans la vie?
Dans la vie ? Oui. C’est une bonne question. Je ne pourrais pas dire. Ce qui est intéressant avec Massaro, c’est qu’à la base, on ne le sait pas trop.
Je ne le sais pas, un personnage dont la version montréalaise est très approfondie dans le roman, mais il est lui aussi un peu victime de son image. Il y a un élément sur lequel je joue un peu raciste, où est-ce que quand Normand rencontre Massaro à Montréal, il y a un certain quorum à respecter, mais il y a cette version-là de la cérémonie du thé japonaise très classique qui est vraiment on pourrait dire greffé sur Masaru une fois qu’il se retrouve dans Overcity, qui est un peu victime aussi, justement, de l’image de l’homme d’affaires japonais très froid, calculateur, dans une occasion où est-ce que Masaru, en fait, a fait un souper d’affaires avec Cindy dans le but d’ouvrir un restaurant à son nom.
On peut constater que le personnage est quand même assez chaleureux. C’est une personne à qui on peut parler, c’est un être humain. Lui aussi se retrouve avec une image qui lui a posé de force en réussite.
Je ne l’ai vraiment pas trouvé très sympathique, il a manipulé un peu tout le monde comme ça et finalement, il marginalise aussi énormément Normand.
Mais là, on s’avance peut-être un petit peu loin dans le récit pour ne pas divulgâcher.
Non, sans divulgâcher. C’est aussi une question d’amitié, j’ai trouvé, avec ces pompiers qui vont essayer de travailler ensemble. Comment on construit ce genre d’amitié dans le récit ?
Pour les pompiers, je me suis inspiré un peu de certaines personnes que je connais. Ce n’est pas le genre de choses que je fais souvent, mais là, j’avais l’impression que c’était le genre de cercle social qui ne ressemble pas tellement à mes cercles d’amis. Donc là, j’essaie de m’inspirer de gens qui gravitent autour de moi. Ça a été surtout d’essayer de leur donner une vie comme on fait avec tous les personnages.
Je vais changer de sujet. C’est aussi les 50 ans de Solaris, il ne s’agit pas de bêtises. Tu m’as dit que tu avais écrit des nouvelles pour Solaris aussi. C’est quoi Solaris pour toi?
C’est quoi Solaris pour moi ? C’est une étape importante.
J’en profite pour faire une petite anecdote. J’ai commencé à écrire, disons, pro, de façons publiées, surtout grâce aux ateliers d’écriture d’Elisabeth Vonarburg, dans lesquels j’ai beaucoup appris. La première fois où j’ai participé à un de ces ateliers-là, je me demandais vraiment : Est-ce que j’y vais avec un texte normal où j’affiche mes couleurs dès le début, puis je fais du bizarre comme j’aime faire? J’ai vraiment hésité parce que je me disais : Bon, peut-être que les gens n’aimeront pas trop les trucs trop weird, ou je ne savais pas trop. Finalement, j’ai tranché, je me suis dit : Non, je vais y aller all in.
Parlez-en bien, parlez-en mal, mais parlez-en… Je me suis dit : J’y vais à fond. Je vais écrire le truc le plus bizarre que je ne peux pas écrire. Ça a donné le texte de monsieur Gâteau qui raconte l’histoire d’un personnage qui est fait en gâteau. Ces parents étaient habités par la peur que leur enfant se fasse agresser, se fasse attaquer, se fasse goûter. Il a vécu toute son enfance cachée, puis la nouvelle raconte le moment où il décide de sortir au grand jour de la et le regard des autres.
Oui, Solaris. Donc c’est ça. J’ai écrit ce texte-là, j’ai retravaillé un petit peu en atelier et puis très rapidement, je me suis essayé chez Solaris et on l’a accepté très vite avec quelques petites retouches. Donc j’étais pas mal fier. Ça a été vraiment ma porte d’entrée dans la publication professionnelle. C’est une revue très importante pour moi et pour la littérature francophone en général.
Et du coup, comme aux Utopiales l’aujourd’hui, ça fait quoi les Utopiales ?
C’est une très belle expérience. Là, ça commence à peine. On m’a dit qu’on attend beaucoup plus de gens, donc ça va être un bain de foule pas mal intéressant. J’aime beaucoup l’effervescence que je vois jusqu’ici. Ça promet.
Le roman, pour l’instant, est publié au Québec, au Canada. Est-ce qu’il est prévu en France, actuellement, chez un des livreurs français?
Non, pas pour le moment.
Pour bientôt ?
J’espère, ce serait bien.
Qu’est-ce que tu dirais pour conclure cet échange? Qu’est-ce que tu aimerais passer comme message?
Je dirais, sans vouloir avoir l’air prétentieux, mais au Québec, on dit de mes textes qui sont très défcoûtés. J’ai essayé de reproduire l’espèce d’esprit spontané, un peu ludique aussi, qu’il y a souvent dans mes nouvelles. J’ai essayé de saupoudrer le roman de ça. J’espère qu’on saura reconnaître cette spontanéité-là, cet aspect plus ludique, même si un roman, c’est plus profond, c’est plus sérieux.
Merci beaucoup.
Ça me fait plaisir. Merci de m’avoir invité. Merci.