1948, le jeune Andrew Hale, membre des services secrets britanniques depuis l’âge de sept ans, quitte la gorge d’Ahora en laissant derrière lui un nombre impressionnant de cadavres ; la dernière phase du projet DECLARE est un échec retentissant. 1963, Andrew Hale, professeur d’université depuis une dizaine d’années, mène une vie sans histoire jusqu’à ce que son ancien employeur, James Theodora, reprenne contact avec lui. DECLARE est réactivé et il est impératif de s’allier avec les anciennes puissances du mont Ararat avant les Soviétiques. Le sort du monde libre en dépend. Récit d’une guerre occulte et démesurée, Les Puissances de l’invisible est à l’uvre de Tim Powers ce que L’Échiquier du mal est à celle de Dan Simmons. Un chef-d’uvre récompensé par le World Fantasy Award
Ce roman (avril 2007 pour la version poche), cest la découverte des derniers mois ! Je lai acheté par dépit, après une demi-heure gâchée devant lindigence du rayon SF/F de la FNAC Strasbourg. Le titre est dune rare nullité (même si traduire le titre anglais aurait donné bien pire : Declare, soit « déclarer, déclare-le »), mais la couverture est bien fichue. On y reviendra.
Les puissances de linvisible est un roman despionnage doublé dun roman fantastique, à quoi sajoute de la science-fiction, mais uniquement comme auxiliaire, comme outil. La spéculation scientifique reste compréhensible et ne se rend jamais encombrante. Espionnage et fantastique, donc, ce qui nous donne une double dose de mystère : car oui, le mystère, dans ce pavé de Tim Powers, on se roule dedans, on sy vautre.
À tel point quil est fort difficile de parler de ce roman, de ce qui sy passe, tant le suspense, les effets de révélation sont cruciaux. Tout ce que je pourrai dire de laventure serait du gâchis. Je dois donc tourner, autant que possible, autour du pot.
Lintrigue se situe à deux périodes-clés : la deuxième guerre mondiale, en Europe, avec limmédiat après-guerre, quand les Alliés dautrefois commencent à ne plus trop être daccord ; et dans les sixties, en pleine guerre froide, et cette fois-ci au Proche-Orient. Les protagonistes sont les services secrets britanniques, soviétiques, avec aussi quelques espions français qui traînent par là.
Dans une époque où lexpression « mourir pour ses idées » a encore un sens, une époque où christianisme et matérialisme dialectique sempoignent par les cheveux, dans un monde en guerre plus ou moins secrète, les idéologies saffrontent et propagent la lutte dans le domaine surnaturel. Les espions commencent à se sentir un peu dépassés par ce quils manipulent : des puissances très ambiguës et franchement terrifiantes. Oui, voler les plans du V2 ou de la bombe atomique, à côté, cest du bidon, cest la promenade du dimanche.
Puisque il est difficile de présenter lintrigue sans vous gâcher le plaisir, parlons un peu des personnages. Tout dabord, Andrew Hale ; sur la couverture, cest le petit blondinet désemparé. Fils dune nonne, il a un passé obscur. Le « Service » britannique le veut, il ne sait pas trop pourquoi. Au moment où il croit quil en a fini avec ses vieux souvenirs despion, quil sest bien encroûté dans une vie poussiéreuse, il reçoit son code de réactivation. Pourquoi lui ? Cest sans doute une erreur. Non ?
Ensuite, il y a la belle Elena Tereza Ceniza-Bendiga, nom de code ETC (la suffragette rousse, à lair pas commode, sur la couverture). Une Espagnole dorigine, très jeune, très communiste
et très cynique.
Entre Andrew et lagent ETC, existe une relation très fine, tissée de nombreux fils : ils se sont fait confiance, se sont trompés, se recherchent et se retrouvent aux moments les plus étranges. Ils ont visité lesprit de lautre, mais ne se sont jamais touchés. Est-ce quils saiment ? Peut-être bien, mais en pointillés, au gré de la vie, un peu comme le couple du Hussard sur le toit.
Jimmy Theodora, le vieux boss dAndrew : toujours calme, insignifiant, sérieux ; sous des dehors revêches, il cache une âme de sinistre salaud. Pas la peine de chercher, ce type-là na pas de faille, de point faible ; cest un patron, un vrai, comme on en connaît tous, pas un fantoche littéraire
Enfin, il faut citer Kim Philby, lennemi généreux, lallié prêt à vous trahir ; le pur aristocrate anglais, avec toutefois un pénible bégaiement et une tendance à tomber dans lhystérie. Bref, un mélange de grand seigneur et de larve. Haut responsable des espions de la Couronne, Andrew va le rencontrer constamment sur son chemin, et se retrouvera plusieurs fois en son pouvoir. Philby le hait, on ne sait pas pourquoi, et on se demande jusquà quel point. Il faut dailleurs noter que Kim Philby et son père Saint John Philby ont réellement existé ; avec ce roman, Powers sest donné pour but de combler les zones dombre de la biographie de ces deux espions baroques. Heureusement, celui qui na jamais entendu parler de laffaire Philby, comme moi, ne se sentira jamais lésé.
Une galerie de personnages très soignés, donc et les rôles secondaires sont à la hauteur . Plus globalement, lensemble de lhistoire présente le même soin, le même souci de loriginalité. La composition toute en flashbacks, la mise en scène fascine ; pour ma part, jai vraiment frissonné lors de linvocation au fin fond dun désert brûlant et gluant de sel ; ou plus tard dans le livre, au moment où Andrew et Philby, enfermés dans un abri en kit alors que dehors souffle une tempête de fin du monde, jouent une femme au poker
Le texte a les défauts de ses qualités, et ce côté soigné tombe parfois dans lexagération. Les citations de poètes anglais finissent pas se bousculer, à mon goût. Le récit sattarde parfois à contretemps, démultiplie les petites allusions. Mais tout ceci reste léger et ne gêne pas la lecture.
Au fond, ce qui fait, selon moi, la saveur de ce livre, cest une théorie du complot, mais un complot original, pas du réchauffé ; à mesure que le livre avance, cest toute lhistoire du siècle dernier (le XXe) qui semble sexpliquer, se révéler au lecteur. Comme un Da Vinci Code avec de lambition, de lintelligence et des tripes.
Javais rendez-vous à la gare avec la belle G., et pour patienter, jai tiré de ma poche Les puissances de linvisible. G. ma tourné autour 10 mn, dans le hall, sans que je la remarque, tellement jétais pris dans le bouquin. Méfiez-vous quand vous le lirez : pensez à relever la tête de temps en temps !
Londres, 1963. Andrew Hale, distingué professeur dans un collège universitaire d’Oxford, reçoit un coup de téléphone codé. Une dizaine d’années après sa mise à la retraite anticipée pour services rendus au monde libre, il semble que les services secrets britanniques aient à nouveau besoin de ses services. Ce qui ne peut, hélas, signifier qu’une seule chose c quelqu’un – les communistes ? Les nationalistes arabes ? Les américains ? – cherche à reprendre contact avec les puissances occultes qui siègent sur le mont ararat. Andrew, un des rares survivants de la première expédition sur le mont en 1948, est chargé d’infiltrer l’opération et de la faire échouer. Mais sur l’échiquier du grand jeu, les espions deviennent vite des pions sacrifiables.
J’ai Lu – Science-Fiction – (Avril 2007)– 688 pages 9.40 ISBN : 9782290356180
Traduction : Michelle Charrier
Titre Original : Declare (2002)
Denoël