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Rien ne nous survivra – Le Pire est avenir de Ma

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Immortel et Silence sont deux snipers de la jeune génération, celle qui a décidé qu’il était désormais indispensable de se débarrasser de tout individu âgé de plus de 25 ans car les vieux sont les responsables de nombre des maux des jeunes . Les jeunes sont donc en guerre contre les vieux, Silence est un des pionniers de cette révolution, traînant derrière lui un certain nombre de légende bien que personne – ou très peu – sache qui il est réellement. L’Immortel est plus jeune, et voue une fascination sans limite à Silence, au point de se mettre en compétition avec lui.

Violent, le roman de Maïa Mazaurette l’est. Choquant, aussi, parce qu’il balance certaines vérités qui pourraient déranger, car pas totalement fausses… Dans un monde où il est difficile pour les jeunes de se faire une place, l’exemple le plus explicite est celui de la politique, ces derniers décident de se révolter, prenant le pouvoir sur la capitale et se débarrassant de tout individu dont l’âge est dépassé… Mais que veut réellement montrer Maïa ? Que nous devons faire attention à notre jeunesse ? Qu’une révolution pourrait survenir ? Ou ne souhaite-t-elle pas montrer simplement le combat entre deux personnalités, celle de Silence et celle d’Immortel ?

Ce qui est à noter est que les solutions que comptent utiliser les « vieux » ne sont pas meilleures que celles employées par les jeunes et cette guerre qui se dessine aura forcément que des perdants tant les pertes sont importantes. Pourtant, on verra aussi les jeunes révoltés tomber dans les travers de leurs aînés, remontant une hiérarchie de type militaire, qui sombre dans une dictature toute aussi répugnante qu’une autre.

Les Deux personnalités sont fortes, et la construction des chapitres (un décompte des jours restants avec la riposte des grandes puissances) tend à accélerer le rythme de ce roman étonnant.

La relation étrange qui se noue entre les deux snipers est particulièrement ambigue entre fascination et haine ; le travail aussi sur la propagande qui a amené à cette situation et sur ce qui se cache derrière…

Un roman qui m’a beaucoup plu et dérangé.

Avis d’Orcusnf

Rien ne nous survivra, le pire est avenir est la deuxième incursion de Maïa Mazaurette dans les littératures de l’imaginaire après un premier roman de fantasy, dehors les chiens, les infidèles. Après les excès religieux, l’auteur a choisi de s’intéresser aux excès idéologiques, bien qu’il soit parfois mal aisé de faire la différence entre les deux. Ici, on peut assister au spectacle un peu navrant de ces jeunes qui rejettent l’autorité parentale dans une vaine tentative d’émancipation, soutenue par des tracts aux relents idéologiques poussés. On ne les détaillera pas ici, mais il est assez frappant de remarquer que, d’une certaine manière, ces arguments ne sont pas toujours dénués de raison. Certes, rien n’excuse un tel débordement de violence, mais comme on dit, il n’y a pas de fumée sans feu, et Maïa Mazaurette nous montre que de la situation actuelle à celle, peu probable, qu’elle développe dans cette oeuvre, il n’y a finalement pas si loin. Un déclencheur suffirait, et les émeutes de 2005 ne semblent même plus très loin.

Bref, ce livre est plutôt pas mal même si loin d’être dénués de défauts. Son approche idéologique, détaillée à travers les tracts des théoriciens exposés dans une première partie du livre ( le découpage est informel mais est assez clair au bout d’un moment, disons que la première partie correspond peu ou prou à l’ascension de l’Immortel), est percutante. Comme déjà évoqué, les arguments frappent juste. Il n’y a pourtant rien de nouveau, des sociologues, des philosophes, des maîtres à penser l’ont déjà dit avant, mais ici leurs pensées ont été systématisés, corrélés même, afin de mettre en avant ce qui sera un des futurs problèmes de notre société : l’opposition entre les jeunes et les vieux. Elle n’est pas nouvelle, je ne dis pas le contraire, mais à une époque où la longévité s’allonge sans que l’âge du départ à la retraite se décale pour autant – avec les conséquences néfastes que l’on commence déjà à entrevoir – la solution envisagée est somme toute assez cohérente. Certains se rappelleront peut être de ce moment dans Un Bonheur insoutenable de Ira Levin, où le grand père, qui a participé à la construction du grand ordinateur central, est presque heureux d’arriver au terme légal de son existence. Et bien, en somme, les héros de ce roman ont choisi l’autre aspect de la solution, la disparition par la force plutôt que par la légitimité de l’intérêt général. Ce qui paradoxalement, fait passer les jeunes pour des égoistes, et ce n’est pas anodin non plus !

Comme dans tout bon roman, il y a des héros, Silence et l’Immortel donc. Deux héros charismatiques, bien étoffés, bien distincts, bref des héros quoi. Et c’est assez incrédule qu’on assiste à leur lutte surréaliste. Alors que la fin de leur monde s’approche, ils se permettent encore des soucis d’orgueil, de légitimité. L’Immortel se soucie de figurer en bonne place sur le Hall of Fame qui, pourtant, ne sera plus que poussière quelques jours plus tard. Vanité et vacuité sont ici fortement liées, mais au fond, n’est ce pas le fondement de l’Idéologie de faire appel à des sentiments idiots pour le bien de grandes causes ? Et oui, Maïa Mazaurette réussit bel et bien le tour de force de démonter les mécanismes de la propagande de masse, du mouvement idéologique de masse, de la religion moderne en somme.

Or, si le fond du roman est solide, la forme n’est pas forcément optimale. On regrettera par exemple la fixation absolue sur les deux héros qui, certes, est la raison d’être de ce roman, mais est trop souvent une bonne excuse pour passer des moments importants – et peut être difficilement racontables – de cette révolution juvénile. C’est à dire que l’auteur nous propose des moments assez lents, où l’action se ralentit vraiment, juste pour approfondir un peu la relation entre Silence et l’Immortel, ce qui à mes yeux nuit à l’ensemble. Autre point négatif, dans la seconde partie, l’Immortel développe quelques capacités extrasensorielles sur l’origine desquelles on ne saura jamais rien. Elles servent son obsession pour Silence, mais difficile d’y trouver là leur cause. Un épiphénomène donc, ou un deux ex machina quand on est méchant. Allez soyons bons, retenons l’épiphénomène, il n’est pas inimaginable que la colle périmée offre des mutations inattendues…Enfin, dernier détail gênant : la chronologie. Idée littéraire déjà utilisée, celle du compte à rebours pour figurer les numéros des chapitres. Ca peut être sympa, mais il faut aussi que cela se justifie, ce qui est à priori le cas ici, sauf qu’on passe parfois au jour d’après alors que le nouveau chapitre est la suite directe du précédent et qu’en toute logique, 24h ne se sont pas passées. Une bonne idée mal maîtrisée donc, dommage.

Pour autant, tout n’est pas à jeter comme je l’ai déjà précisé. Et on se laissera emporter par ce duel de haute voltige qui, entrecoupé de scènes de batailles, d’un peu de sentimentalisme, de jeux de pouvoir, bref de tout ce qu’il faut pour figurer une bonne révolution, ne nous laisse guère le temps de souffler. Au fond, ça tient la route, ça fait mal là où c’est nécessaire, bref, c’est un roman somme toute honnête, qui mérite qu’on s’y intéresse.


Mnemos Dédales (Juillet 2009)269 pages 20.00 € ISBN : 9782354080518 (Ined)
Couverture : Julien Delval

Les jeunes ont rasé Paris, ont renversé les fondamentaux de notre société ; les jeunes ont osé briser le plus délicieux des tabous : tuer les vieux.

Tous les vieux. A partir de vingt-cinq ans. Laissez les Théoriciens vous expliquer pourquoi. Dans cette atmosphère de guerre civile, de poudre et de béton calciné, deux snipers émergent. Silence, l’idole que les jeunes suivraient en enfer, et l’Immortel, qui compte bien faire vivre l’enfer à Silence. Quel meilleur terrain de chasse que les toits parisiens ? Avec un cynisme mordant, un humour corrosif, Rien ne nous survivra propose une variation sur notre société actuelle, tout en piétinant les présupposés de notre morale.

Car au jeu de l’intolérance jeunes / vieux, qui a commencé ?


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