C’est un fait, les villages disparaissent les uns après les autres et si on ne fait rien, bah, tout le monde va se faire manger par les requins ou écraser par les cachalots.
Alors, une dernière Picon bière et on est parti !
Pendant que certains habitants resteront à essayer d’écoper l’eau (tous les moyens sont bons pour survivre !), des groupes sont envoyés au sommet de l’île pour aller chercher des secours (plus on est nombreux à écoper, plus l’eau sera vite évacuée).
Le groupe d’Arnaud et Sébastien, deux frères que tout sépare partent donc soucieux de sauver leurs précieuses vies, accompagnées par un groupe pour le moins hétérogènes. Entre un nain, une potiche et une armure mobile – entre autre – nos hommes partent courageusement affronter un monde qu’il ne connaissent que peu !
Allan
Aie aie aie !! qu’il va être dur de présenter ce roman ! Parce qu’on peut pas vraiment parler d’histoire, elle n’est qu’un prétexte à une avalanche (bien que le terme le plus approprié serait plus le déluge) de dialogue plus succulent les uns que les autres avec un sens de l’hors-propos qui tient au génie.
Si vous souhaitez une bonne histoire de fantasy bien classique, changez immédiatement de page, ce livre n’est absolument pas pour vous ! Les personnages sont des caricatures extrêmes de nos braves héros habituels : le nain est très petit, le guerrier frôle le qi du radis (comment ça je suis méchant avec le radis) et pis c’est très bien.
Les deux frères ne sont proches que par leur mère puisque tout le reste n’est qu’opposition constante entre un geignard et un violent.
Bref, l’écrit est proprement génial.
Mais ce livre n’est pas seulement à lire, il est aussi à regarder, aggrémenté qu’il est d’une foule de dessins et autre croquis du sieur Arnaud Crémet qui ajoute un je ne sais quoi à ce livre, nous permettant peut-être de visualiser un peu mieux le monde invraissemblable des deux auteurs.
Je ne vous le conseille que trop !!
André-François Ruaud nous l’avait dit quand nous l’avions interviewé, il proposerait des livres, en plus d’être de qualité au niveau littéraire, d’une bonne facture esthétique : pari réussi une nouvelle fois !
Dilvich
A chaque fois que je me suis arrêté dans ma lecture, je me suis demandé si nos deux écrivains n’étaient sous « influence », autre que celles, littéraires, citées dans la quatrième de couverture. Mais on peut dire la même chose de celui qui a décidé de les suivre dans ce roman en l’illustrant.
Au sujet des références littéraires citées, on trouve Jacques Tati, à qui l’on doit cet univers loufoque, mais si sérieux, que l’on hésite entre le sourire et l’angoisse. Robert E. Howard, nous apporte sa Fantasy. Pour Marcel Pagnol, bien que j’ai lu (il y a très longtemps) bon nombre de ses livres, je ne saurais identifier sa contribution. Peut être le côté descriptif.
Ce qui est sur, c’est que l’on a droit à un livre très particulier, très personnel, et sortant de l’ordinaire. Que cela soit au niveau de la construction du récit, avec par exemple le découpage des chapitres, entrecoupés de petites illustrations noires et blancs. Mais aussi dans l’entrelacement des destinées, de la réalité et des rêves des personnages.
Les relations entre les deux frères sont intenses. Rapport disciple à gourou, protecteur et protégé, croyant contre athée, fort faible… mais toujours fermement proches et soudés.
Les autres personnages sont tout aussi forts. Même si moins impliqués. Ils seront le support des deux frères dans cette quête mystique pour l’un, réaliste, sentimentale pour l’autre. Avec comme point de raccord la survie de chacun.
Pour supporter les conditions du voyage, nos héros s’inventent d’autres buts, des excuses moins terre à terre que la simple survie. La foi, l’adoration, l’amitié pour une taupe. Tout pour oublier l’inéluctable avancée de l’eau, et la mort qu’elle traîne avec elle. Pour oublier le café à la vase et l’eau de mer, les Pizzas aux cailloux, à la poussière, les amis qui meurent, reviennent, meurent de nouveau (oui, on a droit à un nouveau Kenny), les chants d’un sanglier, le prosélytisme d’un Plombier polythéiste.
Je suis particulièrement attentif aux fins de récits. Si la pirouette utilisée n’est pas nouvelle en littérature, elle est très bien amenée, et tout aussi efficace que le restant du livre.
Un livre de fantasy, de fantastique, de philosophie, mais pas de morale, de rapports humains. Un livre dans lequel on trouvera difficilement un personnage à qui s’identifier, sauf si on a quelques tendances masochistes, ou des envies de croyances faciles. Un livre sur la montée des eaux qui pourrait s’avérer divinatoire… tiens je n’y avais pas penser en le lisant .
Il serait intéressant de savoir comment les deux auteurs ont fait leur travail d’écriture. Un frère chacun ? L’un la vie de l’île, l’autre les héros ? Sont-ils des frères cachés ?
Pour finir, Sunk n’est pas un livre facile, ni d’une lecture aisée. Il demande une vraie attention, et n’est pas vraiment un livre de plage (mais je ne suis pas à la plage). On n’en ressort pas vraiment heureux, sauf pour ce qui est du plaisir d’avoir encore eu la chance de tomber sur un bon ouvrage.
Orcusnf
Ce qui m’a attiré avant tout chez Sunk, alors que je me promenais aux utopiales, c’était le bandeau précisant qu’il avait obtenu le razzie du pire roman francophone. Ce qui est assez intriguant puisqu’à ma connaissance, Sunk est le seul ouvrage à en tirer fierté. Des livres qui tirent fierté d’un obscur prix où la concurrence tenait sur des béquilles, on en trouve plein, mais un qui apprécie son razzie, ça méritait assurément un examen approfondi. Et pour ne rien gâcher, ses auteurs, les talentueux Fabrice Colin et David Calvo, sont tout sauf antipathique. Et puis entre nous, il y avait une évidente parenté entre certains des protagonistes du livre et mon avatar sur de nombreux fora, évidemment, ça crée des liens…Ah, petite précision, le razzie est le prix du pire, remis tous les ans par Bifrost (qui ne manquait pas d’arroser Galaxies en razzies, un débouché qui va malheureusement faire défaut dans les années à venir) dans un petit article qui ne manque jamais de piquant. En outre, Sunk a réussi a faire pire qu’un des livres d’Alexis Aubenque ( qui a décroché un razzie l’année d’avant et l’année d’après Sunk…), ce qui n’est pas gagné d’avance. ( qui a dit mission impossible?)
En tout cas, la lecture de Sunk s’avérait dès le départ un défi, pour ma patience, pour ma tolérance, pour mes nerfs aussi probablement. Et en fin de compte, rien du tout, j’ai bien aimé Sunk, pas comme on aime un bon livre mais plutôt comme un livre honnête, moyen, qu’on ne retiendra pas dans les annales, mais qui en tout cas fait passer un bon moment, d’autant que l’association Calvo-Colin, si elle n’est pas aussi fructueuse que d’autres associations mythiques (Dunyach’ Ayerdhal ou Mauméjean-Heliot), est tout de même assez explosive. Imaginez les personnages haut en couleurs et totalement hors normes de Calvo avec l’écriture maîtrisée, quasi dictée par un plan de Colin, l’entropie dans l’ordre, un oxymore qui, s’il ne marche pas totalement, arrive au moins à tituber.
Qu’est ce que donne Sunk dans les faits ? Et bien une caricature râtée du bon gros livre de fantasy bien bourrin. Râtée car à côté d’un ténor du genre comme la série « Quand les dieux buvaient » de Catherine Dufour, Sunk fait pâle figure. Il coule, il sombre même. Les personnages, caricaturaux et volontairement affublés de psychoses qui auraient tenu Freud lui même en échec ( à leur niveau, faut les enfermer), sont tellement dans l’excès, dans la démesure de la folie, de l’abracadabrantesque, de l’improbable et du délire complet, qu’ils n’ont plus de réelle consistance. Les méchants ne sont que des méchants, réduits à l’expression même du mal destructeur et violent. Il y a de côté la mer qui monte ou l’île qui s’enfonce, et les orques épaulard qui en profitent pour avaler tout ce qui tombe à l’eau. L’eau arrivent, les orques épaulards suivent, un peu de sang, des morts et c’est fini, on ne parle plus d’eux…comme si on nous volait nos méchants.
L’histoire en elle même n’est que cette course incessante, cette fuite en avant de quelques aventuriers poursuivis par une mer qui, si elle grimpait tous les jours de un ou deux mètres de plus, engloutissant un peu plus l’île de sunk, a décidé brusquement d’en finir et d’engloutir toute l’île en quelques jours. Alors nos héros montent, tentent d’atteindre le sommet de l’île. De nombreux obstacles se dressent bien entendu en travers de leur chemin, et quand ils meurent, on n’a même plus l’excuse du dieu ou des points de destin (les rôlistes comprendront) pour ramener le héros. Non, on a le sémaphore, lieu lointain et inaccessible peuplé par un vieillard bizarre, finalement n’est ce pas là la description d’un dieu et de son paradis ?
Car c’est là la vérité de Sunk, alors que certains auteurs se contentent d’imiter en s’en moquant de la fantasy stéréotypée anglo-saxone, Fabrice Colin et David Calvo la démontent, ouvrent le capot de l’histoire et nous montrent les différentes pièces du moteur. Brecht en avait fait de belles avec sa distanciation, mais là, ils poussent le bouchon trop loin. Casser le « quatrième mur » passe encore, casser l’art en lui même est presque sacrilège. En tout cas, on n’a rien à y gagner. C’est dans leur démonstration des codes éculés et ficelles usées jusqu’à la trame du genre que les deux auteurs provoquent le rejet qui a pu leur valoir le razzie. Sorti de là, le roman ne manque pas d’humour et certaines situations pourraient être interessants, n’étaient les problème psychologiques dramatiques des héros.
Ah oui, n’essayez pas la recette de pizza contenue dans Sunk. Si elle est à l’image du roman, ça pourrait mal tourner pour votre estomac. Ce n’est pas indigeste, mais difficile à avaler, il faut parfois du temps et de l’huile de coude.
Les Moutons Electriques – (Février 2005)– 189 pages 13.00 € ISBN : 2-915-79302-6 Couverture : Arnaud Crémet
Sunk est un monde qui coule. On ne sait pas très bien si c’est l’eau qui monte ou si c’est l’île qui descend, mais soyons honnête, ça ne change pas grand-chose au problème : les habitants paniqués grimpent vers des hauteurs toujours plus étroites et mal fréquentées, et le processus de destruction suit inexorablement son cours. Sous l’oeil attentif du mystérieux Sémaphore, Arnaud et son frère Sébastien (mythomane imaginatif et magicien complexé) font comme tout le monde : ils sauvent leur peau. Dans un univers d’Orques épaulards, de bateaux en pierre, de Canards et de bicyclettes rouillées, ils rivalisent d’inventivité pour retarder l’inéluctable — en inventant des religions, par exemple. Ou en se mouchant. Mais face à la mer hérissée de dents pointues, face à la Roue De la Fortune Tueuse, face surtout à l’ineptie congénitale de leurs compatriotes, nos amis ont-ils la moindre chance ? Inutile d’envoyer des SMS, c’est pas vous qui décidez.
Inspirée par des écrivains français oubliés depuis longtemps, parfaitement documentée, hantée par les fantômes de Jacques Tati, Marcel Pagnol et Robert E. Howard, cette parabole initiatique, contenant de vraies recettes de pizza inédites, trimballera le lecteur téméraire de villes boueuses en révélations fracassantes, avec en son coeur une seule devise : si le naufrage est inévitable, détends-toi, ami, et reprends donc un Picon bière
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