Depuis plus de 10 ans maintenant, Aurélie Wellenstein accompagne de nombreux lecteurs et lectrices, de différents âges.
Autrice de plus de 15 romans, mais aussi de nombreuses nouvelles et de la participation à des bandes-dessinées, Aurélie a été récipiendaires de plusieurs prix :
- Roi des fauves : prix Halliennales,
- Les loups chantants : Prix Elbakin,
- Chevaux de foudre : Prix Escapages,
- La fille de Tchernobyl : Prix coup de coeur de la ville d’Asnières,
- Mers mortes : Prix Imaginales des bibliothécaires,
- Yardam : Prix Christine Rabin de la 25ème heure du livre
A retrouver sur spotify
Bonjour Aurélie.
Bonjour Allan.
J’ai envie de te dire déjà, quoi de neuf par rapport à la dernière fois où nous avons échangé ?
Beaucoup de choses, beaucoup de sorties en imaginaire. Le dernier, au fleuve, qui s’intitule: La Harpiste des Terres Rouges.
La Harpiste des Terres Rouges, chez Outre-Fleuve. Une charte graphique sympathique, j’ai trouvé, de la couverture. Comment le présenterais-tu à nos lecteurs ?
La Harpiste des Terres Rouges, c’est du western-fantaisy. Je suis partie sur une optique de weird western. On est sur des codes du Far West au niveau des paysages, des grands canyons, des plateaux escarpés, tout est chaud, poussiéreux, désertique, il y a des cactus, il y a des coyotes, il y a évidemment des pistoleros.
On va reprendre des codes que l’imaginaire collectif connaît très bien et les décaler vers la fantaisy et vers l’étrange, vers une perception presque onirique et cauchemardesque, parfois, vers quelque chose qui va être sur les corps, notamment, parce que mon système de magie repose sur la greffe.
C’est-à-dire que les personnages, pour acquérir des pouvoirs, vont se greffer des organes des animaux de l’Ouest, de créatures de l’Ouest. On chasse les créatures, on les tue, on leur prend leurs organes et on se les greffe et on acquiert un pouvoir aléatoire. Ça peut être absolument dévastateur comme très, très nul. On ne peut pas savoir à l’avance. C’est quand même un système de magie assez bizarre. Bien sûr, comme tout système de magie, il y a un revers, ce que j’appelle le revers, qui est quelque chose qui va se retourner contre son porteur.
Bien sûr, il peut y avoir un rejet de greffe, déjà, on peut en mourir. Aussi, toutes les nuits, la greffe se retourne contre son porteur et l’attaque. Il faut trouver un moyen de la contrer.
Oui, effectivement, c’était une question que je voulais te poser, justement, cette tripartie. On a les monstres d’un côté. En tout cas, on les appelle les monstres, mais on ne sait pas trop, finalement, ce qu’ils sont, d’où ils viennent, pourquoi. De l’autre côté, il y a les hommes et il y a cet entre-deux. Et le format du western, qu’est-ce qui t’intéressait dans ce côté format ?
C’est reprendre les codes de la conquête de de l’Ouest, donc on a des pionniers qui s’enfoncent dans un territoire sauvage, inconnu, qu’eux veulent exploiter pour ces richesses et notamment pour sa magie.
C’est-à-dire qu’il y a ce territoire, mais aussi, on découvre assez vite qu’en plus des minerais, de l’or, il y a des ressources magiques avec la greffe. Ça, c’est très intéressant à exploiter. Les gens y vont, de plus en plus nombreux, il y a de plus en plus de colons, de pionniers. Ils s’étendent sur ce territoire, sauf sur un.
Après, le territoire est divisé en plusieurs états. Il y a un état qui résiste, c’est celui de Symphonie, parce qu’il est protégé par un espèce de monstre absolu, de monstre suprême, qui s’appelle la Harpiste. La Harpiste, c’est une grande femme en robe blanche avec une tête de harpe. Elle n’a pas de visage, elle n’a pas de voix, elle n’a pas de tête. Elle est très inhumaine, vu qu’elle a une harpe à la place de la tête. Et sa musique hypnotise les hommes, les colons, tous ceux qui s’attaquent à ne peuvent rien faire. Parce que dès qu’ils se présentent devant elle, elle les subjugue, elle les captive avec sa musique, c’est un peu le joueur de flûte de Hamelin. Il y a des scènes où elle traverse le Grand Désert rouge en robe blanche, entourée par ses danseurs. Il y a une file d’humains qui la suivent comme des somnambules, attirée par la musique de sa harpe. C’était vraiment une manière, déjà, de faire un texte avec de la musique qui soit antagoniste et aussi de parler de la conquête de l’Ouest autrement.
Cette harpiste, parce que c’est le personnage qui a le plus d’intérêt tout au long du roman, je n’ai pas perçu l’idée de la raison pour laquelle elle faisait cela, si ce n’est garder son territoire, mais ça fait un peu léger…
Dans tous mes précédents romans, j’ai beaucoup développé mes antagonistes. Vraiment, on connaît leur passé, on connaît leur enfance, on sait pourquoi ils sont arrivés là. Là, j’ai voulu faire autre chose. J’ai voulu faire un monstre qui est très à distance, qui est extrêmement froid, dont on ne sait rien. C’est comme une apparition. C’est le monstre de films d’horreur qui surgit et surtout qui a une puissance écrasante. On se dit: Il n’y a aucun moyen de la vaincre. Après, on va savoir à la toute fin. Je ne peux pas trop en parler, mais cette impression-là, je voulais ça. Je voulais cette impression de distance et de ne pas commencer à l’aborder, de dire: Elle est absolue, elle est écrasante.
Ça, c’était du côté de Symphonie. Du côté du cœur d’histoire, on croise Abraham, qui avait perdu son frère Jerod. Jerod est parti à l’aventure. Lui, c’est un personnage qui cherche à retrouver sa famille, qui cherche à retrouver une raccroche familiale, c’est ça ?
Oui. Au début du roman, le personnage, Abraham, reçoit une lettre qui lui apprend que son frère, parti dans l’Ouest, explorer l’Ouest, a été capturé par l’harpiste. Lui, c’est un garçon… Ce n’est pas un aventurier. C’est un garçon très doux, très calme, qui était resté du côté de sa mère jusqu’à présent. En plus, sa mère meurt au début du roman Il dit: Je dois partir, je dois y aller, je dois sauver Jerod, qui est là-bas, sur cette terre étrangère, inconnue, entre les mains de l’artiste. Il y va et il se dit: Je vais me faire greffer pour acquérir des pouvoirs. Il ne peut pas. C’est au-dessus de ses forces. Il va entrer dans un gang de chasseurs de primes qui, eux, sont tous greffés et ils vont partir vers la harpiste.
Et la personnage forte de ce gang, c’est Belle, une histoire quand même très compliquée, une histoire que beaucoup de femmes vivent encore aujourd’hui ?
Je suis presque partie de ça. Pour moi, le parcours de Belle, j’y ai enfermé dans ce livre une rage que j’avais. C’est un livre qui était très cathartique pour moi. Le Parcours de Belle exprime quelque chose que je pense fort. C’est un roman qui part sur des codes de western, comme j’ai dit, et qui se dirige vers quelque chose de plus féministe, plus d’antispéciste, parce que je relis beaucoup les deux dans ce roman. Dans sa seconde partie.
Toute son équipe, ce qui est assez pas marrant ni amusant, d’ailleurs, ce qui est intéressant aussi dans le déroulé, c’est que chaque membre du gang a une fracture et on voit un peu tous les travers de notre société, j’ai l’impression, contemporaine, dans leur histoire personnelle.
Oui, donc on va un peu en savoir plus sur ces sept personnages, ces sept membres du gang des Lucky Seven. Comme souvent chez mes personnages, c’est des personnages qui ont des fêlures, qui ont des traumas. On va explorer au fur et à mesure du récit.
Cette construction, lui, il arrive de l’extérieur, il s’impose un peu au sein du gang, il est différent et on a aussi le sentiment que c’est lui qui va faire le liant, finalement, qui va réussir à maintenir une forme de cohésion, malgré le leadership de Belle.
Oui, comme une sorte de noyau. Après, le récit avance aussi vers une dimension plus chaotique, mais… Effectivement, c’est surtout ce côté un peu famille. Lui qui vient de perdre sa famille en intègre une nouvelle.
Oui, il y a ce twist dont je ne parlerai pas, évidemment, pour ne pas gâcher. Tu voulais vraiment décontenancer ton lecteur ?
Oui, c’est vraiment un récit en deux parties. Comme l’épée La Famine et la Peste qui tournait sur un pivot, l’artiste tourne aussi sur un pivot.
Ce livre aussi est mis en avant par Outre-Fleuve pour Le Mois de l’imaginaire. C’est un des deux titres avec Régulation. Ça te fait quoi d’être mis en avant et qu’on dise: Le titre d’Aurélie, lisez-le sur Le Mois de l’imaginaire.
Je suis vraiment très honoré. Je suis très honoré par le choix du fleuve, la confiance du fleuve. Ils ont vraiment énormément travaillé. On a tous travaillé main dans la main. Je trouve que ça a été un super travail d’équipe. Je suis très contente de cette collaboration. Tout le monde a beaucoup investi dans le livre et je trouve qu’on a fait un sacré taf tous ensemble pour essayer de le porter au monde de la meilleure façon possible.
Du coup, aujourd’hui, aux Utopiales, super régulière, des Utopiales, ce n’est pas la première fois que tu viens ?
C’est la deuxième.
C’est la deuxième ? On s’habitue facilement. Qu’est-ce que tu trouves dans ce festival qui te donne envie de venir ?
La particularité des Utopiales, c’est d’avoir cette casquette scientifique. On intervient en table ronde avec des chercheurs. Hier, j’étais en table ronde avec une chercheuse de l’Inserm. Je trouve que pour le public, ça permet de mettre les choses en perspective de façon différente que quand on est que des auteurs d’imaginaire.
Après, moi, j’y vais vraiment avec la casquette romancière de façon très modeste et très humble, parce que je trouve que quand on est sur des conférences ou des tables rondes un peu capées sur des questions scientifiques, moi, j’écris vraiment de la fantaisie très fantaisiste. C’est ce que je dis. Je me dis: Oh là là ! Attendez, mon système de greffe et tout ça, il ne faut pas chercher du réalisme. Moi, je fais de l’imaginaire, c’est pour ça que je dis onirique, parce que je pars assez dans des délires.
On devait te souhaiter quelque chose ?
De pouvoir continuer à écrire toute ma vie.
Un petit mot pour la fin ?
Merci pour cette invitation et cet échange.
Merci beaucoup.
Merci Allan.