Pour la 3ème année, l’Observatoire de l’imaginaire présentait le résultat de son observation des littératures de l’imaginaire durant les Utopiales de Nantes, le samedi 3 novembre en salle Hyperion. L’objectif reste le même : donner des chiffres sur nos genres pour initier une réflexion sur certaines de ses problématiques. L’idée c’est de travailler dans la durée pour pouvoir observer les évolutions au fil des ans.
L’heure matinale n’a pas empêché 70 participants de prendre part à la discussion, donnant par ailleurs des axes de réflexion pour l’année prochaine. Les participants étaient autant des éditeurs, que des libraires, bibliothécaires, universitaires, journalistes et lecteurs. A noter, la présence d’une délégation québécoise intéressée par la démarche entreprise.
L’ordre du jour était assez similaire à celui de l’année passée :
- Les Chiffres de parution et la production
- Les Chiffres de la Parité,
- Les Chiffres de la presse
- Le phénomène Alain Damasio
- La mise en oeuvre d’un questionnaire lectorat,
- Les Questions diverses.
Les Chiffres de la parution et de la production
Nous pouvons néanmoins déduire que le taux d’inédits dans la production (slide 7) est stable entre 2017 et 2018. La différence de taux entre BDFI et NooSFere tenant au volume de titres réédités (plus importants chez BDFI).
Avant de commencer
Pour mesurer un peu ce qu’il se passe dans nos littératures, nous nous appuyons sur deux sites clefs, Noosfere et BDFI qui ont d’immenses bases de données. On s’appuie également sur les chiffres GFK qui donnent eux une tendance et qui servent de référentiels aux professionnels et à certains magazines comme Livre Hebdo qui tous les ans fait un dossier spécial Imaginaire.
Il est à noter que les données varient en fonction de la source. Ces données permettent de toucher du doigt la difficulté à avoir une information partagée en fonctions de méthodes utilisées par chacun. C’est pour cela que nous utilisons trois sources. L’idée c’est d’avoir un faisceau d’indices. Parfois les chiffres correspondent, d’autres fois non. Tout cela est donc à utiliser avec prudence.
Parlons chiffres
Première mesure, celle de la production. Combien de livres sont-ils publiés en Imaginaire chaque année ? Pour 2018, environ 910 livres sont sortis dans nos genres. C’est plutôt stable par rapport à 2017. Historiquement, si le nombre de parution a fortement évolué entre 2000 et 2010, l’emballement s’est stabilisé depuis. On notera au passage que les chiffres BDFI et Noosfere sont au-dessus de ceux de GFK, les deux sites faisant une recension sans doute plus complète.
En francophonie, c’est le roman qui domine. 80% des livres publiés sont des romans contre 15% de recueils et d’anthologies et 5% d’Omnibus.
Et si on parle de genre, la moitié environ des livres publiés sont de la science fiction. Dans l’autre moitié, on trouve de la fantasy et du fantastique. Mais comme il y a différentes définitions pour ces deux genres et que les parois sont minces entre eux, on n’ira pas plus loin les concernant (et là aussi on aurait besoin de petites mains pour aller plus avant).
A noter que les grands formats représentent environ les deux tiers des sorties (alors que selon GFK, ils ne représentent qu’un quart à un tiers des livres vendus, le reste étant le poche), le poche l’autre tiers, avec tout de même 5 à 7% de livres uniquement publiés en numérique (un chiffre plutôt en baisse sur les trois dernières années).
Enfin plane la question de l’imaginaire en littérature générale et en jeunesse (notamment en young adult). Dans les chiffres qu’on vous présente et avec les limites du « repérage » (notamment des livres dans les collections de littérature générale qui ne sont pas classifiés comme relevant de l’imaginaire, et qui sont donc difficiles à repérer), on peut dire qu’environ un quart à un tiers de l’imaginaire est publié dans les collections de littérature générale, et un autre quart en jeunesse.
Enfin sur la question du numérique, on manque cruellement d’éléments. On sait que 5 à 7% des livres produits en imaginaire le sont uniquement en numérique (ils n’ont pas de version papier). Là encore, si certains ou certaines veulent chercher dans ce domaine, nous sommes preneurs. Combien de livres en tout sont publiés en numériques, quel poid ont ils dans le CA général…
Les chiffres de la parité
Depuis l’année dernière, nous avons engagé un travail sur la parité en imaginaire. Selon Noosfère et BDFI, en littérature “adulte”, on est à un tiers de titres publiés par des autrices en 2018. C’est assez stable depuis 2012.
Ce chiffre représente les livres parus et écris par des autrices, chacune d’elle pouvant en publier plusieurs dans l’année. On a ensuite voulu voir comment ces autrices étaient récompensés. On a regardé les catégories romans francophones et étrangers d’une dizaine de prix (la sélection a été étendue par rapport à l’année dernière). Depuis 2007, il y a donc eu 180 récompenses. 44 ont été attribuées des autrices, soit 24%. Ce qui est compliqué, c’est qu’il n’y a que 15 places par an. Du coup une autrice primée à deux reprises et les stats de l’année changent radicalement. Néanmoins, sur le slide 20, on voit que le nombre d’autrices récompensées est en hausse depuis 2016 et qu’il correspond « presque » au nombre de parution. Presque…
Sur le slide 21, on a mis quelques infos sur les résultat du Goncourt, Renaudot etc.
Enfin, selon les chiffres GFK qu’on a, les autrices représentent 22% des ventes. Et dans le top 50 des ventes publiés par Livre Hebdo, il n’y a que deux autrices pour trois livres.
Enfin, dans les médias généralistes qui parlent de littérature, lorsque l’on trouve des articles sur des livres d’imaginaire, 24% sont des livres d’autrices.
Là encore, nous pourrions sans doute aller plus loin avec votre aide…
Les chiffres de la presse
L’objectif de l’exercice, c’est de voir si la presse généraliste boude ou pas l’imaginaire. Et comment les chiffres évoluent. Muriel Dufis et Vanessa Bonneval ont donc ouvert cette année 19 titres contre 12 l’année passée (elles aussi auraient bien besoin d’aides). Seules les pages littérature sont prises en compte : un article paru en rubrique Société concernant une littérature d’imaginaire ne sera pas prise en compte.
Ce qu’il faut retenir (slide 25) c’est que nous sommes passés de 2.6 à 3.9% d’articles sur des livres d’imaginaire dans ces médias entre 2017 et 2018. Evidemment, au-delà de la bonne nouvelle, cette hausse interroge. D’abord peut être que l’augmentation des titres de presse examinés à joué un rôle. Peut être également que l’effet Damasio avec la sortie des Furtifs est une explication. A noter que les journalistes aiment particulièrement la science fiction (49% des articles sont consacrés à des livres de science fiction), devant le fantastique (30%) et la fantasy (13%). (slide 26)
Et ils regardent beaucoup les éditeurs généralistes qui font de l’imaginaire (54%) alors qu’ils ne représentent qu’un tiers de la production.
Et pour finir…
Comme souvent, le travail de l’observatoire pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Parmi les champs d’investigation, Fabien Lyraud a évoqué l’existence de zones blanches pour l’imaginaire, des territoires où il n’y a pas de librairie avec un gros rayons, de festival, de clubs de lectures etc.
Pour poursuivre cette piste, et pour répondre à la question “Qui sont les lecteurs et lectrices d’imaginaire”, on se propose de lancer une étude de lectorat. On aura besoin d’un maximum de partages et encore une fois, on aura besoin de vous.
L’imaginaire bouge beaucoup en ce moment, se pose des questions, cherche à comprendre son écosystème, à se comprendre, à s’ouvrir et à agir. C’est une dynamique assez nouvelle et enthousiasmante. Venez travaillez avec nous 🙂
Jérome Vincent & Allan Dujiperou