Retrouvez l’actualité des littératures de l’imaginaire (Science-Fiction, Fantastique, Fantasy, et autre) ainsi que des interviews de celles et ceux qui les construisent.

Rencontre avec Christian Léourier

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Christian Léourier est connu des amateurs de genre, écrivant depuis les années 70 des romans de science-fiction que nous avons pu croiser chez Robert Laffont dans la collection Ailleurs et Demain, mais aussi chez J’ai Lu, Gallimard, Folio, … On lui doit notamment le cycle de Lanmeur, réédité chez Ad Astra au début des années 2010.

Et nous le retrouvons cette année avec deux actualités, dans deux genres très marqués : en fantasy, avec Le Diseur de mots aux éditions Critic, Prix Elbakin du meilleur roman de fantasy français et Helstrid dans la collection Une Heure Lumière du Bélial, prix Utopiales 2019.

D’ailleurs, nous avons échangé avec Christian la veille de la remise du prix, un prix largement mérité !

La première question est assez classique finalement : pourriez-vous vous présenter ?

J’écris de la Science-Fiction depuis près de 50 ans maintenant. J’ai commencé dans les années 70 avec Gérard Klein dans la collection Ailleurs et Demain ; j’ai poursuivi avec Jacques Sadoul et Marion Mazauric chez J’ai Lu. Contacté par Hachette, j’ai parallèlement œuvré pour la jeunesse.

Vers le milieu des années 90, du fait de mes activités professionnelles autres, je n’ai publié qu’en  littérature jeunesse, où je savais avoir un débouché sûr. Et puis, en 2011, Xavier Dollo qui dirigeait les éditions Ad Astra a réédité le cycle de Lanmeur, publié chez J’ai Lu dans les années 80/90 ce qui a   relancé ma carrière dans la littérature adulte auprès d’une nouvelle génération de lecteurs… Retour d’autant plus opportun que l’âge de la retraite approchait.

Des écrits en jeunesse et d’autres en adulte : écrit-on de la même façon ou se met-on des limites ?

Oui, il y  a une limite. Elle n’est, en ce qui me concerne, ni dans les thèmes, ni dans la façon de les traiter, mais peut-être dans la façon d’écrire. Il faut se souvenir que les jeunes lecteurs ne possèdnt pas forcément tous les codes, en particulier dans le domaine de la science-fiction. Il vaut mieux ne pas compliquer la structure, rester dans le récit linéaire.

Sinon, je n’ai pas de bornes et j’en ai jamais vraiment subi de la part de mes éditeurs. Le seul point de désaccord a concerné mon vocabulaire. Je me suis toujours battu avec eux quand ils me reprochaient d’employer des mots compliqués. Je n’accepte pas cette notion de mots compliqués. La lecture a aussi pour fonction d’acquérir du vocabulaire, une meilleure maîtrise de la langue, le sens des nuances. Sinon, je n’ai jamais souffert véritablement de censure, de directives.

La lecture a aussi pour fonction d’acquérir du vocabulaire, une meilleure maîtrise de la langue, le sens des nuances.

Ce qui est intéressant quand on parle de la difficulté des mots, c’est de reprendre le cas des rééditions de certains Clubs des 5, pour lesquels, des simplifications de vocabulaire ont été opérées.

Je comprends la démarche parce que les éditeurs, qui sont là pour vendre, ont peur que leurs textes vieillissent. Cela dit, je n’approuve pas entièrement. Si un jeune comprend le sens de la phrase qu’il lit, même si un mot ou deux lui échappent, sa lecture n’en sera pas gênée et finalement il se sera frotté à des mots qu’il va peut-être retrouver et qu’il acquerra de cette manière.

Il n’y a pas que le vocabulaire, mais aussi la syntaxe, la structure de la phrase. C’était le gros problème pour les Enid Blyton. La nouvelle traduction passaient tous les passés simples en passés composés. C’est vrai que dans le langage oral n’utilise pas beaucoup le passé simple, mais dans le langage écrit, le lecteur rencontre ce temps en permanence. Dès lors, la démarche est plus contestable : parle-t-on d’actualisation, de simplification ou d’appauvrissement ?

Après 50 ans de carrière, trouves-tu qu’il y a une évolution du milieu ou les thématiques restent les mêmes ?

Mes thématiques personnelles se retrouvent, car même si du temps a passé, le bonhomme est resté le même.  Les centres d’intérêt, la conception de l’existence se forgent à l’adolescence. Il y a des évolutions, mais le changement reste à la marge.

En revanche, les thématiques purement science-fiction ont évolué puisque le monde a beaucoup changé en 50 ans : il y  a 50 ans, par exemple, on ne traitait pas le problème du virtuel avec la même acuité qu’aujourd’hui, parce qu’on en fait l’expérience.

Et,  domaine dans lequel j’ai beaucoup évolué, c’est l’écriture elle-même : je suis devenu de plus en plus scrupuleux.

Tes écrits sont ciselés, et le résultat est un beau texte…

C’est le but. Si le lecteur s’attache d’abord à l’histoire qui lui est racontée, pour l’auteur, c’est  surtout la manière qui est intéressante. C’est un peu comme un sculpteur qui veut créer une belle forme : ce qui va lui résister ce n’est pas la forme, qu’il conçoit facilement en esprit, mais la matière.

Cette année, ce sont deux parutions que tu signes : un roman de fantasy chez Critic et une novella de Science-Fiction chez Le Belial. C’est assez rare de voir des auteurs jongler sur deux genres chacun étant très marqués par son genre. C’est l’idée qui conduit le genre ?

En fait, j’ai surtout écrit de la Science-Fiction. J’ai été nourri à cela et quand j’ai commencé à écrire, je ne me suis pas posé de questions et ai produit de la Science-Fiction.

Ma Science-Fiction flirtait quelquefois avec la fantasy dans des titres comme Ti-Harnog, Mille fois mille fleuve… En fait, mon incursion franche dans la fantasy est née du fait que j’étais en difficulté pour donner une suite à Sitrinjeta, un space opera chez Critic : ce livre était prévu pour être un one-shot mais j’ai eu des demandes pour écrire une suite. Quand j’ai essayé d’en écrire une, je me suis aperçu que je tournais en rond dans le même univers. Après deux amorces qui ne débouchaient pas, j’ai compris qu’il valait mieux partir sur quelque chose de tout à fait différent, et tiens, pourquoi pas de la fantasy.

Le Diseur de mots, c’est déjà le prix Elbakin du meilleur roman, une belle récompense non ?

Oui. Ça fait plaisir d’autant plus que je ne suis jamais sûr de moi ni de mes textes. Donc avoir une reconnaissance à travers un prix de lecteur, c’est toujours effectivement encourageant.

Dans le Diseur de mot, il est beaucoup questions de langages : un langage qui se perd actuellement ?

Non. Le langage évolue, c’est sûr. Parce que notre conception du monde évolue. Les deux vont de pair. En l’occurrence le diseur de mots est un homme qui dit la vérité. Malheureusement pour lui, il ne peut dire que ça, ce qui le conduit à avoir des ennuis. En gros, le roman repose sur la confrontation entre un monde impermanent, où tout change, tout évolue, tout passe, et un langage qui cherche à fixer cette réalité qui se dérobe.

Il y est aussi question de religions…

L’action se situe à un moment où il y a plusieurs basculements.

Un basculement technologique : on découvre l’utilisation militaire de la poudre et un basculement idéologique où effectivement un monothéisme naît dans un univers polythéisme. Les deux étant liés, d’ailleurs.

La dimension idéologique n’est pas très développée dans le Diseur de mots. Elle le sera davantage dans le volet suivant, où je développe cette confrontation entre deux religions.

Le deuxième titre Helstrid chez le Belial, sur un monde dur où cohabite la planète, les IA et l’homme. Comment construire cette relation complexe ?

Le point de départ était la volonté d’un huis clos entre un homme enfermé dans son camion affrontant des éléments pas faits pour lui et une machine mieux adaptée. On est déjà dans cette approche puisque l’espace est un monde foncièrement hostile. Dès qu’on quitte la Terre, même en se mettant simplement en orbite, on se retrouve dans des conditions qu’on ne connaît pas sur la Terre et qui posent un certain nombre de problèmes.

Donc quand on parle de conquête de l’espace, assez naturellement, j’ai tendance à penser qu’elle va concerner avant tout des machines, ne serait-ce qu’en éléments précurseurs… Ce que nous faisons d’ailleurs en envoyant des robots sur Mars avec peut-être l’idée d’envoyer des gens. Mais pour le moment ce sont des robots, car le robot est beaucoup plus armé face aux conditions hostiles qu’un organisme biologique.

Aussi loin où l’on fuit, ce qui est irréductible c’est soi-même

Et là on suit Vic, qui a fui, sans que nous sachions quoi, malgré un certain nombre de faisceaux d’indices : il se retrouve face à lui-même !

Oui. Aussi loin où l’on fuit, ce qui est irréductible c’est soi-même. Ce n’est pas tant qu’il a mis de la distance entre lui et la Terre, ce qu’il laissait sur la Terre, que du temps. Puisque le voyage dans un univers relativiste dure longtemps, il sait qu’à son retour sur Terre, il se sera passé du temps et que toutes les personnes qu’il connaissait auront disparu ou seront cacochymes. Un moyen pour lui de renier le passé mais  voilà, le problème est qu’il a emporté sa mémoire et il se retrouve à la fois avec ses souvenirs qui le taraudent et des conditions de vie pas spécialement joyeuses… Donc, il est un peu dépressif, le gars.

Si on ajoute que la relation avec les quelques hommes ne sont pas très riches : on sent plutôt le lien d’utilité qu’autre chose ?

Ils sont très robotisés, mécanisés eux-mêmes.

On a deux ressentis en lisant cette novella : l’IA qui va l’accompagner dans le camion vers la deuxième base est là pour lui rendre service mais en même temps on s’interroge de sa relation à l’homme : c’est très contemporain ?

Oui, même si nous n’en sommes pas encore là aujourd’hui ici car nous sommes toujours au stade de l’Intelligence Artificielle où nous maîtrisons encore le processus.

Une Intelligence Artificielle, c’est un certain nombre d’algorithmes conçus pour répondre à des situations. Avec la possibilité d’améliorer ses performances en fonction de ce qu’elle rencontre et de changer de comportement en fonction des apprentissages pour mieux réaliser ce pour quoi elle a été conçue. Dans la construction de l’IA, on a ces algorithmes, des priorités et surtout des buts que le programme et/ou la machine doit atteindre. Les priorités et les buts (quand il y en a plusieurs) sont hiérarchisés, mais indépassables.

Les problématiques tiennent moins aux algorithmes qu’aux finalités et à cette hiérarchisation. C’est toujours sur les extrêmes que les priorités jouent. Actuellement, on met en place la voiture sans chauffeur. Pour définir les priorités, une enquête mondiale  a été lancée pour savoir si une voiture contrainte, pour éviter un collision qui tuerait ses passagers, d’écraser un des deux piétons qui traversent doit choisir le jeune ou l’ancien… En fonction des pays et des civilisations les réponses sont différentes. Pour les personnes qui vont programmer les algorithmes, c’est complètement effrayant. Des gens vont programmer ces priorités-là et les adapter au marché visé !

Est-ce qu’on ne donne pas une morale aux I.A. ?

 Justement pas, puisque là la machine, elle, va répondre mécaniquement aux priorités qu’on lui aura fixées. Le stade suivant, et c’est là où on est dans Helstrid, c’est quand la machine elle-même va commencer à influer sur ses priorités et « réfléchir » sur ce qu’elle peut faire et sur la façon dont elle fonctionne. Anne-Marie, l’IA+ d’Helstrid, est dans cette démarche noétique. Elle est engagée dans une analyse de son propre fonctionnement qui fait qu’elle est en train d’évoluer. On est sur une rupture.

Nous en sommes encore loin. Mais je pense que nous allons y arriver. Quand les machines modifieront leurs algorithmes de leur propre initiative pour répondre à des finalités différentes de celles qui lui auront été fixées au départ, les problèmes commenceront.  Est-ce qu’on parlera de conscience, est-ce qu’on parlera de morale pour une IA, ou simplement de performances ?

En sachant qu’il y a déjà eu un échec cuisant, avec le test fait par Microsoft avec son intelligence ayant atteint le point Godwin en quelques heures après avoir été sollicitée par des tweets haineux, racistes, fascistes et homophobes. Un élément impressionnant ! Par rapport à cette situation et c’est une des questions qui est très présente dans Helstrid, est-ce que la Science-Fiction est là pour apporter un regard et dire ce que nous risquons, le monstre ou le bonheur qu’on va créer demain ou elle reste une littérature récréative ?

Pour moi, la Science-Fiction n’est pas une littérature récréative. Bien sûr, il y a une dimension sense of wonder, une dimension qui fait penser à l’enfant devant l’arbre de Noël. Mais elle est là pour nous faire réfléchir.

D’ailleurs, je n’aime pas le terme Science-Fiction. Même si je l’accepte bien entendu. Mais dans science-fiction il y a science. J’ai beaucoup de respect pour la science et j’essaie de me tenir au courant. Mais peu de récits de S.F. ont une découverte scientifique pour thématique. Pour moi, la Science-Fiction est avant tout l’héritière du conte philosophique. À la limite le terme de philosophie-fiction serait plus exact. Car c’est ça l’objectif : amener les gens à réfléchir. Parce qu’il se trouve que notre environnement est extrêmement technique, plus technique que scientifique d’ailleurs, bien sûr la science-fiction s’en empare et nous amène à réfléchir sur notre rapport à la technologie. Pourquoi développe-t-on telle technologie ? Quelle est son influence sur notre rapport au monde ?

Pour moi, la Science-Fiction est avant tout l’héritière du conte philosophique.

La science-fiction n’apporte pas une réponse univoque à ces questions. Elle se contente de les poser en invitant les lecteurs à réfléchir. Un bon roman de Science-Fiction, pour moi, ce n’est pas seulement un livre qui m’a permis de passer deux heures agréables, c’est un livre qui débouche sur une réflexion, qui apporte un point de vue différent, qui expose un problème sous un angle que je n’avais pas envisagé. La dimension récréative, même si je l’apprécie, demeure pour moi secondaire. Ce n’est pas le principal apport de la Science-Fiction.

Pourtant lorsque nous parlons de Science-Fiction, il y a un mouvement assez fréquent de recul : tu ne lis pas ça quand même ?

Combien de fois, j’ai été dans la situation de dire :

  • j’écris .
  • Ah ? (expression d’intérêt) Vous écrivez quoi ?
  • De la Science-Fiction (le sourire se fige)
  • Et pour les jeunes, aussi.
  • Ah oui ? (déception, voire mépris)

Pour moi c’est proprement scandaleux, mais je pense que ça doit être vrai d’à peu près tous les genres : quand on le connaît, on mesure toute sa richesse. Seulement, pour cela, il faut le pénétrer. Ce qui suppose une certaine attirance au départ. Je comprends très bien les gens qui n’aiment pas du tout la Science-Fiction parce qu’elle leur semble trop décalée de leur quotidien ou simplement rébarbative : il faut reconstruite ses références à chaque lecture.

Ce que je ne supporte pas, ce sont les gens qui disent ne pas aimer la Science-Fiction sur la base des films qu’ils ont vus.

C’est la règle du jeu aussi : écrire dans un genre, c’est se condamner à un marché de niche et en même temps, ça apporte un certain confort d’écrire pour un lectorat qu’on connaît.

Par rapport à l’aspect philosophique, on en a parlé, il y est question de la place de l’homme car notamment dans Helstrid, où on se demande à la fin du livre : mais qu’est-ce qu’il fait là ?

Il m’a été reproché effectivement, sur des blogs, de poser la question sans y répondre explicitement. En fait, si on lit attentivement, la réponse est suggérée à deux endroits.

Pour la question, je pense qu’elle dépasse la Science-Fiction : toute la littérature questionne sur la place de l’homme dans l’univers. Je ne vois pas de grands textes dans lesquels la question n’est pas posée : dans la littérature de tous les continents, dans le fantastique, dans le polar, à un moment donné vous êtes confronté à cette question : quelle est la place de l’homme dans ce monde ?

Rapport à Helstrid toujours, n’est-il pas frustrant quelque part, de ne pas expliquer ce qui gêne et notamment les désastres sur terre sachant que vous devez en avoir une idée pour avoir construit le récit ?

Pas du tout. Pour le coup, je ne me sens pas frustré. La leçon de Helstrid, s’il y en a une, est de nature écologique. L’homme est adapté à un milieu et pas à aucun autre. Il se trouve que le milieu qui était le sien est dans une situation critique, qui est celle que nous connaissons aujourd’hui… Mais ce n’était pas mon propos. L’envie était d’abord le huis clos entre deux êtres à la fois assez proches pour communiquer et étrangers l’un à l’autre. J’ai d’abord essayé d’en faire une nouvelle. Je me suis senti à l’étroit dans ce format, sans pour autant imaginer aller jusqu’au roman de 300 pages qui m’aurait permis des flashbacks, des éclairages sur la situation de la Terre à cette époque-là. On ne sait même pas pourquoi ils extraient le minerai et à quoi il sert parce que je voulais donner la dimension mécanique des hommes qui sont là-haut.

On peut même se poser la question de savoir si ça part dans l’autre sens ?

Non, car à un moment donné, j’indique qu’ils attendent la relève. Cela dit, l’espace coûtera probablement toujours extrêmement cher. Il n’y aura pas des navettes tous les jours pour envoyer des gens à 50 années-lumière.

Une petite question par rapport à l’anthologie, une petite nouvelle autour de la cuisine : très drôle et étrange, la cuisine pour rapprocher diplomatiquement ?

Il se trouve que je suis gourmand et curieux. Systématiquement quand je vais dans un restaurant  de spécialités ou à l’étranger, je prends des choses que je ne connais pas dans l’espoir d’en apprendre un peu sur les mœurs locales..

C’est caractéristique de la civilisation que d’inclure, et c’est fondamental, les besoins de nourriture, la première nécessité juste après l’air. Donc je trouve que c’est très significatif. En outre, la cuisine  est un univers extrêmement codifié, ce qui s’accordait avec le thème des Utopiales, qui était le code. Je pousse ici à l’extrême en faisant de  la cuisine le langage d’échange entre les hommes et une race extra-terrestre. Ce n’est pas non plus très sérieux. Je doute que cela se passera un jour comme cela.

J’ai beaucoup apprécié le ton, la façon et le fait que l’ancien diplomate soit mis à l’écart pour la jeunesse sans que nous connaissions réellement la raison.

C’est aussi une difficulté. Le personnage principal qui est une jeune diplomate, une stagiaire dans son premier poste, essaie d’interpréter ce qu’il se passe avec ses propres codes. Mais ce sont les extraterrestres qui ont pris la décision.

Par rapport à vos lectures récentes, vous avez des auteurs sur la jeune génération qui vous ont marqué ?

Il faut d’abord s’entendre sur ce que désigne la « jeune génération ». Ma base, c’est évidemment les « classiques » de la science-fiction, mais je m’inscris dans une continuité. Alors, forcément, j’ai évolué en me confrontant à des auteurs qui ont émergé. Je ne citerai pas de noms, parce qu’il y en aurait beaucoup et que j’aurais peur d’en oublier. Le problème que je rencontre est qu’étant devenu un technicien de l’écriture, je ne lis plus de la même façon que lorsque j’avais 15 ans et que j’étais dans la naïveté au sens noble du terme. Je pouvais me permettre de recevoir les choses comme ça. Aujourd’hui, tandis qu’une partie de mon cerveau se laisse encore entraîner par le courant, une autre analyse la construction, les figures de style, etc. Certains écrivains, et ce n’est pas seulement vrai pour l’imaginaire, sont devenus pour moi illisibles parce que je détecte un procédé repris de texte en texte.

Et le festival ?

J’adore. Ce festival, de même que les Imaginales ou les Rencontres de Sèvres,  est un moment de rencontre : la SFFF est une petite famille, on se connaît à peu près tous, on se retrouve alors que le reste de l’année on ne se voit pas parce que chacun à ses occupations.

Ce que j’aime plus particulièrement aux Utopiales, ce qui caractérise ce festival, c’est le mélange de la Science et de la littérature de Science-Fiction. Il y a peu d’endroits où les deux mondes se rencontrent. J’ai fait des études de philo option épistémologie ce qui m’amenait à fréquenter aussi la fac des sciences. J’ai été frappé de voir combien les deux mondes étaient étanches. Aujourd’hui, nous avons les outils pour apprendre, pour suivre presque en direct les progrès scientifique. On sait bien sûr qu’il y  a un décalage entre les apports technologiques et la dimension organisation sociale. Mais l’accélération des premiers modifie la donne. Les gens qui sont nés comme moi au milieu du XXe siècle ont été, je pense, la première génération à être confrontée à un rythme de changement tel qu’ils ont été obligés de s’adapter sans attendre la génération suivante… Et cela ne fait que s’accélérer ! La science-fiction est un outil pour s’y préparer. Pour accepter la novation. Encore faut-il qu’elle ne soit pas elle-même distancée et dispose des bases de la réflexion.


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