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Rencontre avec Christophe Arleston

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Christophe Arleston, qui est riche de plus de 180 albums de bandes-dessinées et auteur d’un roman paru chez ActuSF dans la collection Bad Wolf, était présent aux Utopiales 2017.

Au cours de ces 5 jours, j’ai eu l’occasion d’assister à la table ronde “Apocalypse Tomorrow” sur laquelle il est intervenu, avec humour, bien entendu !
C’est le lendemain qu’il m’a fait l’honneur de répondre à quelques questions pour Fantastinet !

Pour ceux qui ne te connaîtraient pas, comment te présenterais-tu à nos lecteurs?
Poliment.

Mais encore ?
Je m’appelle Christophe Arleston, j’ai aujourd’hui plus de 180 albums de bande dessinée derrière moi. Je suis journaliste de formation, j’ai travaillé à France Inter pendant longtemps mais aussi à la production de France Inter à écrire des dramatiques radiophoniques. J’avais une vingtaine d’année. Et puis depuis les années 1990, je suis passé à la Bande Dessinée à plein temps : j’ai eu la chance de rencontrer le succès avec des séries d’Heroïc Fantasy comme Lanfeust, Troll de Troy, Ythaq, les Forêts d’Opale, Ekhö plus récemment. Il s’agit de mes best-sellers et à côté de ça, j’ai fait un certain nombre de séries moins connues, et aussi quelques bides.

J’en connais un c’est Amazon Century !
Oui j’étais à l’origine de ce projet, avec Dominique Latil et Jean-Marc Ponce. Une tentative de faire quelque chose dans un format différent, plus proche de comix et du manga. Mais on n’a pas pu aller très loin.

Attention : je ne dis pas que c’était un bide !
Et pourtant, ça a répondu à la définition.

Je l’ai lu et trouvé amusant.
Bide ne signifie pas que c’est mauvais ou que j’en ai honte : cela signifie juste que le public n’a pas suivi. Parmi les bouquins que je fais, quelques-uns que j’aime beaucoup n’ont malheureusement jamais trouvé leur public : ça arrive. On sait que c’est très aléatoire. C’est ce qui permet aux scénaristes justement de garder les pieds sur terre.

À une époque, je travaillais sur une série que j’aimais beaucoup, Mycroft Inquisitor, on en vendait 2000 exemplaires. Au même moment, on atteignait des sommets avec Lanfeust de Troy, 300 000 exemplaires. La modestie des ventes de Mycroft m’a évité de prendre la grosse tête : ce n’était pas mon nom sur la couverture qui faisait vendre un bouquin. La seule chose qui fait vendre une bd, c’est la série et le héros.

Si on parle de Lanfeust, y a eu un certain nombre de titres parus, plus huit poches – ceux de la bibliothèque verte – et des animes : quand est-il du bilan de l’adaptation animée ?
Pour la bibliothèque verte, je n’ai pas écrit moi-même. J’ai juste confié le boulot à deux écrivains Pat et Chris: nous avions pas mal discuté au départ donc j’avais confiance en leur travail.

En ce qui concerne l’anime, on avait créé en parallèle à Lanfeust une série manga, Lanfeust Quest, qui était destinée à générer une anime puisqu’on savait qu’adapter Lanfeust tel quel en animation n’était pas jouable, le graphisme de Tarquin ne s’y prêtait pas. Lanfeust se serait bien prêté à du live et non à de l’animation , donc on a fait ce décalage manga et la série s’est faite pour M6 il y a 3 – 4 ans. A ma grande déception d’ailleurs, puisque, la même année, j’ai eu deux séries : une produite par canal sur les Trolls et une produite par M6 sur Lanfeust Quest avec pour chacune des mauvais résultats pour des raisons complètement opposées.

D’un côté avec les Trolls on m’avait laissé superviser les scenarios, c’était des petits épisodes de 7 minutes, c’était très marrant, très bien écrit, très bien foutu et avec un très mauvais metteur en scène qui n’avait pas le sens du rythme, pas le timing du gag et qui a massacré quantité de bons scenarios.
De l’autre côté, on a eu une équipe avec beaucoup de moyens graphiques, un très grand réalisateur, Antoine Charreyron,. On a même eu une musique formidable de Klaus Badelt qui a signé la musique de Pirates des Caraïbes quand même. Donc toutes les cartes étaient de notre côté, un très bon moteur 3D, visuellement, c’était une tuerie, mais au niveau du scenario, je me suis très vite fait kicker et on m’a dit finalement : « tu as vendu tes droits maintenant ferme ta gueule et casse toi ». Et ils ont fait une adaptation de Lanfeust pour les 4 / 6 ans. Je ne suis pas arrivé à comprendre pourquoi ils avaient acheté les droits de Lanfeust pour en faire un truc pour tout petits. C’était absurde et ça n’avait aucun sens.

Surtout que dans Lanfeust, il y a beaucoup de filles très sexy…
Là tout le monde avait été transformé en enfants. Lanfeust, C’Ian, Cixi : tous des gamins. Tout était infantilisé, d’un bout à l’autre et les scenarios étaient un vague robinet d’eau tiède comme la télé française en produit malheureusement trop souvent.

Il existe un vrai problème avec les séries animées à la télé française. Quand on écoute les responsables de chaînes, ils sont tous fans de dessins animés étrangers très transgressifs, qui osent des choses formidables avec de la vraie créativité. Ils veulent tous, sur le papier, faire la même chose, sauf que, quand on leur amène ces projets-là, ils disent “ah non ça quand même, on ne peut pas, c’est trop” et ils sortent la même daube d’anime française, qui est à peu près la même chose sur toutes les chaînes, à peu près les mêmes épisodes, dont les scenarios sont interchangeables d’une série à l’autre. On s’était amusé à lister avec des amis : on a trouvé le même scénario revendu à 8 séries d’animation différentes et juste vaguement adapté aux personnages.
Sur les trolls, un ou deux scénaristes de l’équipe ont essayé de me refiler des trucs que j’avais repérés et j’ai dit non : l’épisode du “jumeau maléfique”, ça va, on l’a vu dans toutes les séries, je n’en veux pas. Donc, le passage à l’audiovisuel a été pour moi une déception. Désormais on préfère ne rien faire plutôt que de mal faire les choses. Notre objectif est de faire de bons albums de BD et c’est tout.

Et quand on regarde l’ensemble de ton œuvre on a quand même énormément de titres de fantasy. Qu’est ce qui t’attire vers ce genre ?
La fantasy, c’est ta liberté de créer des mondes, de créer des civilisations, de créer complètement ex nihilo, un mode de fonctionnement social alors que dans la SF tu pars toujours de quelque chose d’existant que tu projettes. Là je n’ai aucune limite d’imagination mais de grosses contraintes de cohérence et de logique interne aux univers. J’aime bien développer des univers fantasy, même si je fais aussi des séries de SF comme Morea ou encore du polar contemporain avec Leo Loden.

Et quand l’année dernière est sorti le souper des maléfices, donc passage au roman : pourquoi ?
C’était une récré, le roman : c’était vraiment pour m’amuser, un petit plaisir. C’était l’idée d’Audrey Alwett, ma compagne par ailleurs romancière et scénariste de BD, qui avait envie de tester l’autoédition sur Amazon. Et, au lieu de lancer un bouquin comme ça, s’est dit qu’on devrait monter un label et être plusieurs à sortir des bouquins en même temps. Moi, j’avais un texte qui traînait depuis des années, je l’avais écrit pour une anthologie en hommage à Jack Vance. Et j’ai eu la fausse bonne idée de me dire que j’allais gonfler un peu ce texte pour faire un petit roman. À la vérité, ça m’a demandé quatre fois plus de travail pour obtenir un bon résultat, que ça ne m’aurait demandé de créer un roman original d’un bout à l’autre. Maintenant je le sais !

Et donc, une fois que le tour de piste a été fait sur Amazon en autoédition, qui fut d’ailleurs un gros succès, nous nous sommes adossés à ActuSF en tant qu’éditeur traditionnel pour la phase II qui était l’édition papier. Au total je me suis beaucoup amusé : j’ai retrouvé tout le plaisir de la ligne, du verbe, et de communiquer directement avec le lecteur sans passer par le filtre du dessinateur.

Ça a été un exercice extrêmement plaisant que j’aimerai beaucoup renouveler mais, malheureusement, j’ai trop de boulot en BD pour pouvoir refaire du roman tout de suite.

Donc le thème est, si je m’en réfère au débat des Utopiales sur l’apocalypse, une apocalypse culinaire : c’était pour caler sur le thème ?
Ah ah ! Mon bouquin n’avait pas grand rapport avec le thème de la table ronde et on m’avait demandé quand même d’intervenir. Je n’ai en réalité jamais vraiment écrit de récit apocalyptique ou post-apocalyptique ! Donc c’était une boutade.

C’était d’ailleurs très drôle. Et du coup, j’en viens à cette question car dans l’histoire il y a beaucoup d’humour : est-ce que l’humour est indispensable lorsqu’on parle de sujets sérieux ?
Oui. De toute façon, je n’arrive pas à travailler sans humour. Pour moi l’humour est le vecteur qui permet de faire passer toutes les idées. Le prêchi-prêcha, ça emmerde tout le monde, on referme le livre. Tandis que si on fait marrer les gens et qu’ils s’aperçoivent que derrière le rire, il y a quelques questions qui se posent, on peut avoir gagné quelque chose. D’autant que je m’adresse à un lectorat de tous âges, c’est à dire aussi au plus jeunes, et je préfère leur glisser des petits éléments, qui vont leur sembler naturels, c’est-à-dire construire autour d’eux un environnement qui leur semblera naturel mais qui pour moi est sain, au lieu de leur glisser des éléments malsains qu’ils vont intégrer comme faisant naturellement partie de la société. Donc sous l’humour et l’aventure, je mets un point d’honneur à faire très attention aux contenus réels, au fond de mes récits, que ce soit en BD ou ailleurs.

Un festival comme les Utopiales, quel apport pour toi ?
Les Utopiales c’est un endroit formidable parce qu’on croise, on discute et on écoute beaucoup de tables rondes, de gens très différents avec des centres d’intérêts très différents : il y a des scientifiques, il y a des écrivains de SF, il y a des auteurs de BD, des cinéastes. Et ce qui nous rejoint tous, c’est la passion de l’imaginaire. On communique et on voit où en est la réflexion des autres, c’est toujours très utile de se sortir du petit milieu dans lequel on est.
La semaine dernière, j’étais au festival de Saint Malo qui est un grand festival de BD, formidable et où je revoyais toujours les mêmes auteurs de BD que je connais bien et avec qui, sans dire qu’on tourne en rond, on forme un cercle assez restreint de quelques centaines de professionnels. Là on s’ouvre aux milliers d’autres auteurs que sont les auteurs et autrices de romans et les scientifiques.

Quelle va être ton actualité sur les prochaines semaines ?
Le deuxième tome de la série Sangre vient de sortir. C’est un space-opéra, une histoire de vengeance. Le concept est de retrouver un méchant par album, avec à chaque fois une intrigue très spécifique, sur un monde différent. Le second aspect est l’évolution du sentiment de Sangre face à sa vengeance, d’album en album.

Et ma série de polar marseillais Leo Loden fête son 25ème album. Pour rigoler, je l’ai fait à l’époque romaine : j’ai gardé tous mes personnages et j’ai tout transposé dans Massilia.

Et sinon vont sortir en fin d’année le Lanfeust qui est l’avant-dernier du Cycle, le T10 des Forêts d’Opale, et enfin le 7ème tome d’Ekhö que je fais avec Alessandro Barbucci. Une série que j’aime beaucoup qui se passe dans un monde décalé, le nôtre en version fantasy. Et là on va être dans un Londres fantasmatique et imaginaire : l’album s’appelle Swinging London.

Le mot de la fin sera ?
A suivre !
 


2 réponses à “Rencontre avec Christophe Arleston”

  1. Merci Allan pour avoir publié cette interview dont tu m’as parlé avec passion ! J’ai vu ton post sur LinkedIn et je me suis dit tiens, c’est l’occasion d’avoir la retranscription complète 🙂

  2. Merci Allan pour avoir publié cette interview dont tu m’as parlé avec passion ! J’ai vu ton post sur LinkedIn et je me suis dit tiens, c’est l’occasion d’avoir la retranscription complète 🙂

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