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Bleue comme une orange de Norman Spinrad

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La Terre est à l’agonie, du moins c’est ce que les entreprises de la Grande Machine Bleue essaye de faire croire aux Verts. Un défi impossible à relever ? Pas pour Panem et Circenses, une entreprise leader internationale dans les relations publiques, la négociation et le marketing. et qui en est chargé, Monique Calhoun évidemment, celle qui fait des miracles avec les VIP et toutes les autres personnes importantes de ce monde. Car pour faire passer le message, tout a été fait pour que ce soit dans un contexte suffisamment convaincant. Ainsi, la Conasc, la conférence annuelle organisée par l’ONU pour réfléchir à propos du réchauffement planétaire et des solutions à employer, aura lieu à Paris, haut-lieu touristique et médiatique s’il en est un, alors que les précédentes éditions avaient eu lieu dans les Terres des Damnés, dans les pays qui avaient subi de plein fouet les conséquences négatives du réchauffement de la Terre. Et ce n’ets pas tout, car la conférence scientifique sera accompagnée d’une foire commerciale où exposeront toutes les entreprises d’ingéniérie climatiques, toutes celles qui vendent des solutions pour sauver la Terre, toutes des Bleues Bon Teint, cela va sans dire. Budget phénoménal, sécurité confiée au Mossad, invités exceptionnels, couverture médiatique confiée à l’entreprise la plus chère du marché, locations de la Reine de la Seine – le bateau-restaurant phare de Paris – et surtout, investissement massif des entreprises bleues dans ce pari fou, impossible, tout ceci indique une chose aux yeux d’observateurs tels que Avi Posner, le dirigeant du Mossad, le prince Eric Esterhazy, le capitaine de la Reine de la Seine, Eduardo Ramirez, dirigeant parisien des Mauvais Garçons, ou encore de Monique Calhoun, celle qui doit faire avaler une telle couleuvre au monde entier : Quelque chose a changé, il se pourrait que la Condition Vénus, la fin du monde, soit proche. Alors, dans une telle situation, comment réagir ? Aider les entreprises bleues à faire des bénéfices pour sauver le monde ? Démonter leur manège mercantile et détruire le monde ? Ne rien faire ? Naviguer au hasard ?

Et si personne n’avait vraiment la réponse ? Le monde est plongé dans un été de serre, veut il vraiment y rester ? Et comment rester les mains propres ?


Orcusnf
Un livre fort, intense, qui semble loin des thèmes auxquels nous avait habitués Norman Spinrad. Bleue comme une orange semble simultanément différer du style habituel de cet auteur, bien qu’en réalité, nous n’en soyons pas si éloigné, sauf que la forme change. C’est à priori un livre sur l’écologie, et l’urgences de prises de mesure contre le réchauffement planétaire, mais c’est aussi, et c’est quand même plus « spinradien », une reflexions plus sous-entendue cette fois-ci sur le pouvoir, ses modalités et les responsabilités des dirigeants face à certaines situations exceptionnelles.
En effet, ici, la situation est particulièrement complexe, et c’est une intrigue proche de l’imbroglio que le lecteur devra affronter. Et d’ailleurs, autant le dire tout de suite, c’est normal si vous ne comprenez pas tout. Avec Bleue comme une orange, Spinrad porte la machination politique, le machiavélisme et l’intrigue à des niveaux rarement atteints en science-fiction. Situation, implications, hypothèses, prévision, conséquences à plus ou moins long terme, description minutieuse et exhaustive, voila ce à quoi vous aurez droit lorsque le récit sera pleinement lancé et que l’histoire abordera le thème du réchauffement planétaire.
Car la situation est simple, et à la fois extrèmement compliquée : Les entreprises climatech de la grande machine bleue, héritières des entreprises capitalistes du XXè siècle, quand le profit primait sur l’environnement, veulent se racheter une conduite en sauvant la Terre de sa destruction imminente. Or, si on ne connait pas les conditions de la destruction irrémédiable de la biosphète terrestre, certains scientifiques pensent qu’elle peut se produire suite à une accélération exponentielle du réchauffement due au passage d’une étape où le retour en arrière n’est plus possible : la Condition Venus. Et cette condition venus serait proche, mais pas imminente. Alors, pour alerter l’opinion publique, La Grande machine bleue truque le temps pour créer artificiellement des simulacres de premiers symptômes de cette condition Vénus, ce qui créerait un mouvement de panique chez les Verts, qui les engageraient pour sauver le monde. Et des entreprises Vertes, les Mauvais Garçons par exemple, viennent à l’apprendre. Le dilemne est cornélien. S’ils dénoncent ce trucage, ils provoqueront la faillite des entreprises bleues, qui ont seules la technologie capable de sauver la Terre. En maximisant leurs profits, ils s’auto-détruiront. D’un autre côté, en laissant faire leurs rivaux, ils provoquent leur propre perte sur le plan économique, notamment avec la destruction des territoires ayant profité de ce réchauffement. Être ou ne pas être décidé à sauver son monde, sa population, ses espèces animales et végétales, ses trésors, son histoire, là est toute la question. Autant vous dire que la réponse ne s’impose pas d’elle même, d’autant que de nouveaux facteurs viennent rendre la situation plus compliquée qu’elle ne l’est au prime abord.
Servi par une traduction savoureuse de Roland C.Wagner, qui connait bien Norman Spinrad, ce livre propose une vision novatrice du principe d’écologie en sf. On s’était habitué à la vision étroite des auteurs français, qui brocardaient les pollueurs et criaient au secours, alors que Spinrad montre que personne n’est blanc dans l’affaire, et qu’il n’est pas si facile de faire de l’écologie. Ne prenez pas les écolos pour des héros conviendrait au message qu’il essaye de transmettre avec vigueur dans ce qui n’est pourtant pas un pamphlet. D’autant qu’ils sont des hommes de pouvoir qui n’ont pas que la protection de l’environnement comme seul objectif. Leurs décisions seront lourdes de conséquence, et jamais la solitude de ces hommes n’a paru aussi étouffante que dans une telle situation.
Les personnages savoureux, profonds et dotés d’une véritable personnalité qui se révèle avec l’évolution de la situation, sans jamais paraître sortie de nulle part, vous aideront à vous retrouver dans cet imbroglio de thèses, qui s’emmèlent les unes aux autres à cause de toutes les implications qu’elles entrainent. Difficile à saisir en apparence, la compréhension sera progressive en remettant tout à plat et en établissant des liens logiques. Ce qui nécéssite evidemment un véritable effort de la part du lecteur, mais je n’ai jamais prétendu que lire Spinrad était facile. Au contraire.

Impératrice Moa [décembre 2007]

Pour ceux que les romans de science-fiction mâtinés d’écologie font frémir, en voilà un qui peut être abordé sans crainte. Les romans écolo pêchent souvent par le fait qu’ils sont binaires : d’un côté les gentils écolo bio, de l’autre les méchants industriels capitalistes. Foin de tout cela ici, mais place à un véritable thriller, avec une certaine pureté exprimée dans le genre de l’anticipation.

Une conférence sur la climatologie qui se transforme en foire internationale climatech. Le sujet ne semble pas forcément passionnant de prime abord, mais la manière de l’aborder est digne d’Hollywood (un Hollywood qui sait prendre son temps… un James Bond, plutôt : en début d’épisode, James fini une mission avant d’être investi de la mission suivante). Spinard pourrait sans doute créer un thriller passionnant sur un congrès de taxidermiste, quand on voit ce qu’il arrive à faire avec la météo.

Le sujet touche parce qu’il est actuel ? Très certainement. Mais ce n’est pas de l’anticipation rose, ou tout est bien qui finit bien. Les hommes font n’importe quoi avec la planète et le climat ? ne vous inquiétez pas : ça va continuer… pour une poignée de dollars de plus (pardon, d’Unité Travail).

N’étant pas une spécialiste de Spinrad, je dirais qu’il a le bon ton de créer un monde d’une grande cohérence, même si la description des restes de New York est bien plus marquante que celle des restes de Paris (où se déroule l’intrigue, cependant). Je regrette l’absence d’ambiance construite sur la fin, comme si les descriptions initiales pouvaient permettre l’économie de mises en situation bien senties.

Thriller oui, mais la ficelle peut être décelée à la moitié du roman. Ceci dit, cela ne gâche rien, mais le lecteur a les moyens de savoir qui va « gagner » la bataille de la grande manipulation. Ce serait plutôt un bon point, d’ailleurs, quand certains auteurs nous sortent des résolutions de nulle part. Ici, on sait vers quoi on tend, et l’important n’est pas tant le point que tout ce qui se passe pour atteindre ce point.

Les personnages sont très construits, mais toujours un brin archétypal : Eric Esterhazy en beau gosse qui veut prouver qu’il est autre chose qu’une belle gueule, Monique Calhoun en jeune femme cherchant à prouver qu’elle aussi est une « professionnelle ». Dans les deux cas, ce sont des ratés naïfs qui vont devoir essayer de tirer leur épingle du jeu. Ils s’en sortent plutôt bien, cessant rapidement de jouer les marionnettes.

Bref, si vous avez l’occasion de le lire (ex. : il est là, sur l’étalage du libraire, dans la bibliothèque d’un ami), vous priver serait fort dommage.

J’ai Lu Science-Fiction (Juin 2004)383 pages 7.30 € ISBN : 2-290-32577-5
Traduction : Roland C. Wagner
Titre Original : Greenhouse Summer (1999)

Couverture : Benoît Munoz
Flammarion 2001

Fin du XXIème siècle, un réchauffement accéléré de la planète a précipité la montée des eaux, éradiqué certains espaces de la carte, transformé les régions chaudes en déserts et la Sibérie en une nouvelle… Californie. La Terre est-edlle réellement sur le point d’atteindre la condition vénus, c’est-à-dire de se transformer en un territoire inhabitable ? C’est à Paris, devenue une cité tropicale colonisée par les perroquets, les alligators et les bougainvillées, que l’O.N.U.décide d’y consacrer un congrès. Où l’on soupçonne bientôt la grande Machine Bleue, un puissant cartel, de provoquer délibérement ces bouleversements climatiques pour vendre sa technologie…


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