Alors qu’il distribuait des images dans un bar, Kao assiste à une descente de la brigade de l’oeil, les policiers chargés de traquer les propriétaires d’images pour les punir par une méthode simple mais efficace : la carbonisation des yeux. Prévenu par une intuition, il avait avalé quelques secondes avant leur arrivée les preuves de sa culpabilité, et les policiers découvrent un autre coupable, appliquant aussitôt la peine prévue. Mais une fille l’a vue faire, une fille qui pourrait le dénoncer et ainsi, le rendre à jamais aveugle. Pourtant, celle-ci ne fait rien. Kao, intrigué, décide de la suivre après que les policiers aient fait évacuer tous les clients du bar. Or cette fille, Emma, est une fervente partisane de l’interdiction des images, et ne veut rien avoir à faire avec un terroriste.
Falk, capitaine à la Brigade de l’oeil et héros de la traque aux images, est en proie au doute. Vingt ans qu’il traque les images, qu’il punit les terroristes. Et cependant, lui même dessine des esquisses, des portraits de sa défunte femme, celle qu’il a aimée et jamais oubliée. Il en vient à se demander si son combat était réellement juste.
Guillaume Guéraud, s’il est un habitué du roman pour ado, est un novice de la sf. Et, de son propre aveu, il dit ne connaître qu’une petite vingtaine de grands classiques qu’il a lu ici ou là, sans véritable projet littéraire. Mais sa rencontre avec Bradbury est un choc, et il devient pour lui évident qu’il doit écrire un livre à propos de son oeuvre emblématique : Fahrenheit 451. Une oeuvre qu’on ne présente plus et qui inspire ici largement l’histoire de Kao.
Pour les lecteurs qui connaissent un peu la sf jeunesse, une chose sautera aux yeux : Fahrenheit 451 a déjà été adapté par Christian Grenier dans son ouvrage Virus L.I.V 4, dans lequel une Europe future était gouvernée par l’académie française qui traquait impitoyablement les adeptes du virtuel. Et pourtant, Guillaume Guéraud ignorant même jusqu’à l’existence du livre, il n’y a finalement que peu de rapport entre eux, tant les thèmes, les personnages, le ton changent.
Nous avons Kao, l’ado paumé qui deale des images comme il dealerait de la drogue à notre époque. Et il y a Falk, capitaine emblématique de la représsion anti images et qui, torturés par la mort de sa femme vingt ans plus tôt, conserve en secret des esquisses d’elle. C’est dans ces deux personnages que l’on retrouve le Montag de Bradbury. En Falk le pompier tenté par l’interdit, en Kao la franche rebellion contre le système. Sauf que Guéraud va plus loin, car ici le régime est moins totalitaire, moins stable et donc plus sensible aux assauts des rebelles, qui essayent de s’engouffrer dans les lézardes d’un régime qui peine de plus à plus à assurer son autorité, d’autant que les effectifs des brigades de l’oeil diminuent.
Et évidemment, il y a aussi le catalyseur, l’élément déclencheur, Emma, qui va pousser Kao encore plus loin, jusqu’au delà des plus grands interdits. Malheureusement, le livre ne donne pas satisfactions en dépit de toutes ses promesses. Le style fâche sur plus d’un point, trop familier, trop jeunes même, il se veut original mais ne fait que crisper les lecteurs assidus, donnant de mauvaises habitudes aux moins aguerris. L’histoire en elle même est très violente, les descriptions des énucléations sont brutales, ainsi que de manière générale les assauts des forces de police. Certes on peut y voir là une volonté de prouver l’iniquité du régime, mais n’oublions pas non plus qu’il ne s’agit que d’un lectorat adolescent. Et si un adolescent de seize ans pourra supporter de telles scènes, je crains qu’il n’en soit pas de même pour les plus jeunes.
La véritable erreur serait de le comparer à Fahrenheit 451 sur tous les points, car il n’est pas le livre et n’en a pas la vocation. Oui, il s’y oppose en montrant un régime autoritaire où ce sont les films et non les livres qui sont interdits, renversant en même temps les addictions et autre faits de consommation, en s’en sortant d’ailleurs plutôt bien. Mais il va aussi plus loin, et pas en bien, car l’histoire peut se révéler choquante à de nombreux endroits. Là est le problème de la littérature jeunesse, on ne peut pas tout s’y permettre tout en sachant pertinemment que la maturité des enfants n’est pas égale à âge similaire. Néanmoins, le livre reste lisible, et est même interessant, mais pour des enfants d’au moins quatorze ans.
Rouergue – doAdo Noir – (2007)– 407 pages 14.00 € ISBN : 9782841568635
Couverture : Frank Secka
Rush Island, 2037. la loi Bradbury interdit toutes les images depuis vingt ans sur l’ensemble du territoire. La propagande matraque : Les photographies sont nocives. Le cinéma rend fou. La télévision est l’opium du peuple. Les agents de la Brigade de l’Oeil, les yeux armés du gouvernement, traquent les terroristes opposés à cette dictature. Brûlent les images encore en circulation et les pupilles de ceux qui en possèdent. Parce qu’un bon citoyen est un citoyen aveugle.
Kao a 15 ans. Il ne craint pas les images. Elles le fascinent. Après le lycée, il traîne dans les rues de Badwords pour en distribuer clandestinement. Une rumeur circule : des films auraient survécu. Ils seraient enfouis quelque part dans l’île. Kao est prêt à risquer gros pour les sauver des flammes.
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