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Car je suis légion de Xavier Mauméjean

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Tout petit, Sarban, fils de Dagan et de Terga, est appelé à rejoindre Babylone pour aller grossir les rangs des accusateurs qui sont toutes à la fois juges et bourreaux, garants de la loi et de son application.

La loi n’est pas aisé à faire respecter, chaque juge pouvant être défié et puni de mort en cas d’échec à la résolution du cas judiciaire qui leur est exposé, étant précisé que c’est au public de juger de la qualité de la joute.

Pourtant, ils vont bientôt être confrontés à un plus important problème. Les dieux sont fatigués, et il va donc falloir qu’ils aillent se reposer. Conséquence, le temps va être suspendu et avec lui l’application de la loi. Les citoyens n’y seront donc plus soumis, entraînant un chaos dans la cité alors que les juges vont être destiné à garder des points stratégiques – notamment les temples –

Sarban, gardien d’un pont, assistera à un meurtre ne ressemblant en rien aux exactions liées au chaos : un homme va être tué devant lui par des tueurs chevronnés. Il est clair que l’ordre d’exécution a été donné avant l’arrivée du chaos et qui plus est les tueurs ne semblent pas être babyloniens. Double raison pour que l’accusateur souhaite appliquer la loi.

ALLAN
Difficile de classer cette Œuvre dans la fantasy car à y regarder de plus prêt, on ne voit pas réellement les archétypes de la fantasy : ni créatures ni véritablement présence des dieux.
Bien sûr, ils sont omniprésents dans l’histoire puisqu’ils sont fatigués et tout le chaos qui en résulte serait du à leur sommeil. Mais point de manifestation divine ! On pourrait considérer que l’ensemble des évènements induits par le (pseudo-)sommeil des dieux ne seraient que la conséquence d’un affolement de la population lié à l’annonce de l’arrivée du chaos.
Les hostilités sont d’ailleurs déclenchées à l’annonce de la suspension du temps et de la loi.
Passé ce cap, il est intéressant de voir à quel point Xavier arrive à nous plonger dans une ville décadente et pourtant unanimement reconnue comme une des plus belles villes du continent. D’ailleurs, nous allons pouvoir avoir une description très intéressante de la Tour de Babel et de la signification de ces sept étages.
Plus qu’une Œuvre de fantasy, c’est une véritable découverte d’une mythologie que nous propose son auteur, nous guidant à travers les croyances d’un peuple, nous plongeant dans leur politique et dans leur fonctionnement.
Ce qui me semble le plus génant est le manque d’une petite intro ou conclusion nous indiquant qu’hormis l’histoire en elle-même, que toutes les coutumes, lois et lieux sont des faits ayant réellement existé ce dont on a du mal à douter par ailleurs.
L’écrit est brillant, entraînant et riche.
J’ai encore eu du mal à décrocher pressé de savoir le fin mot de l’histoire mais il m’aura fallu encore attendre la fin.
Un récit à recommander absolument, les fans de fantasy ne pouvant qu’adhérer à l’enquête de l’accusateur, et au côté « quête » qu’il s’impose.

ETIENNE
je rejoins allan sur la difficulté à qualifier ce roman de fantasy. On est plus sur un roman d’enquete ou d’aventure.
Bien que documenté, je pense que ce livre aurait pu faire l’objet d’un traitement historique plus profond qui en aurait encore renforcé l’intérêt : ce contexte géographique et historique est suffisamment peu creusé pour ne pas mériter un traitement d’exception (Mauméjean étant diplômé en science des religions, il avait la matière).
J’ai regretté aussi le peu de vraisemblance du passage à l’anarchie quasi instantané ainsi que quelques autres facilités littéraires (les guerriers fantomes type ninja, le filet découpeur gore…) mais j’ai quand même été conquis.

IMPERATRICE MOA
« Car je suis légion » n’est certes pas un roman de Fantasy, contrairement à ce qu’il y a écrit sur la couverture. Mais s’il fallait croire tout ce qui est écrit sur les couvertures de livre… Il y a certes les naissances de quelques monstres, au début du roman, qui sont citées, mais qui restent des non-évènements.
C’est un roman historique et exotique : les faits sont historico-mythiques et pour le dépaysement, nous avons un voyage à Babylone. Les références très discrètes mais présentes à la défaite du royaume de Judas, à la captivité de Babylone, au prophète Ezekiel, à la présence des araméens dans la cité entre les deux fleuves, donnent une densité supplémentaire au roman. Ces références sont presque des anecdotes dans le déroulement globale de l’histoire, mais peuvent raccrocher le lecteur à ce qu’il connait : ces vieilles leçons de catéchisme.
La multiplicité des termes « en babylonien dans le texte » ne m’a absolument pas gêné, et je me suis rendue compte qu’il y avait un lexique… en finissant le livre. Suis-je passée à côté de subtilités ? Sans doute. Mais j’y ai certainement gagné en plaisir de lecture.

Pour les non-spécialistes de mythologie babylonienne, n’ayez point d’inquiétude : ce dont vous avez besoin de savoir est très intelligemment donné par le texte lui-même. Ce n’est pas une leçon, mais une histoire, une mythologie racontée.
Ce qui est d’autant plus fascinant, face à cette mythologie, est que Xavier Mauméjan lui donne totalement corps à travers ces personnages, qui deviennent des figures du mythe. Il y a de même ce fait très antique, selon lequel des étrangers à la religion de Babylone ne sont pas affectés par les conséquences des évènements religieux qui bouleversent pourtant la cité et le pays. La folie n’est pas universelle, mais liée à une unique religion.
Dans le même ordre d’idée, j’ai été enthousiasmée par la présentation des juges, dont le corps allie aussi bien des érudits du droit que des oniromanciens, capables de poursuivre leurs enquêtes dans le rêve. Nous sommes loin de la logique trop tranchante, et le dépaysement apparait aussi à travers la découverte de cette autre manière de mettre la justice en action.
Pour ce qui est de la quasi-folie généralisée, celle-ci ne concerne pas tout les individus. C’est une expérience religieuse, en fin de compte, qui montre que lorsque l’Œil de la loi n’est plus là, lorsqu’il y a absence de « surmoi », certains deviennent quasiment fou en laissant parler leur unique instinct, d’autres choisissent de se contrôler. C’est cette même thématique que l’on peut retrouver dans la trilogie du virus de Stéphane Beauverger.

Deux petits bémols face à mon enthousiasme :
p210 de l’édition poche, on trouve : « Mais il est vrai que seules la femme et la baleine connaissent la ménopause. » à propos du personnage féminin d’Ummu-Hubur. Cette femme aurait été très belle et très courtisée, puis, l’âge aidant, son corps aurait été totalement déformé, au point de ressembler à un cétacé. Soit. Mais il y a cette phrase au double, voir triple sens, qui est vraiment de trop. A quel degré d’humour, ou d’absence total d’humour, faut-il le prendre ?

Attention spoiler :
J’ai trouvé particulièrement dommage d’avoir évacué la victoire de Matali d’un simple paragraphe. Après tout, s’il y a un héros, c’est le personnage de Matali, qui arrive à vaincre la manifestation du chaos, et non son juge de mari. C’est pourtant à lui que l’on s’intéresse dans les derniers chapitres, comme si sa querelle avec Haraïm de Balaat était plus importante que le retour de la justice.

Enthousiasmante et fascinante, c’est une lecture que je conseille

Mnemos Icares (24 juin 2005)344 pages 19.00 € ISBN : 2-915-15944-0
Couverture : Guillaume Sorel

-585 av. JC. Sarban est encore un enfant quand il quitte le ferme familiale pour Babylone et qu’il entre comme novice dans l’Ordre des accusateurs. « Ordre et Stabilité », telle est la devise des juges, qui veillent au respect de la loi dans la cité.

Quinze ans plus tard, Sarban est devenu un accusateur estimé et redouté. Un jour, les présages annoncent que les dieux sont épuisés et que les hommes doivent verser leur sang : le temps est suspendu, la loi n’a plus cours. Le peuple de Babylone devient fou et le chaos s’installe dans la cité. Crimes, viols, pillages… tout est permis.

Dans la fureur générale, Sarban remarque un meurtre étrange qui semble avoir été commandité avant la suspension de la loi… Des Jardins Suspendus à la tour de Babel, malgré la haine des hommes et la colère des dieux, l’accusateur décide de mener l’enquête. Pour le pire.


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