Retrouvez l’actualité des littératures de l’imaginaire (Science-Fiction, Fantastique, Fantasy, et autre) ainsi que des interviews de celles et ceux qui les construisent.

Interview : Xavier Mauméjean

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En novembre dernier paraissait aux éditions Mnemos L’Ere du Dragon, suite de La Ligue des Héros… Tous les avis convergent, il s’agit d’une oeuvre exceptionnelle ; raison suffisante pour aller à la rencontre de Xavier…

Allan : Tout d’abord, pouvez vous nous parler de vous, de votre parcours ?

Xavier : Je suis né dans le Sud-Ouest en 1963. Après des études de Philosophie, puis plus tard de Science des Religions, j’ai travaillé pour la radio et réalisé quelques courts-métrages avant de me lancer dans l’écriture. Maintenant, je n’ai plus le temps ni l’envie de faire autre chose !

Allan : J’ai lu ici et là que vous étiez un inconditionnel de Sherlock Holmes ; qu’est ce qui vous passionne chez le fameux détective anglais ?

Xavier : Contrairement à ce que les gens pensent, Sherlock Holmes n’est pas qu’une machine à penser. Il a un caractère instable, torturé. C’est un individualiste qui évolue dans une société figée. J’aime les « untold stories », ces enquêtes évoquées mais non racontées par le docteur Watson qui flirtent avec le fantastique ou la science-fiction. Comme l’affaire James Phillimore qui rentra chez lui pour prendre son parapluie et ne reparut jamais, ou le cas d’Isadora Persano, fameux journaliste et duelliste retrouvé fou près d’une boîte d’allumettes contenant un ver inconnu de la science. Dernièrement, Neil Gaiman a écrit une superbe nouvelle associant Sherlock Holmes et l’univers de Lovecraft.

Allan : Chacun de vos écrits a bénéficié de critiques enthousiastes et le public ne s’y trompe pas… Comment faites vous pour mélanger avec autant de réussite Thriller, Imaginaire et surtout humour ?

Xavier : Chaque roman, nouvelle ou pièce radiophonique est une aventure. En fait, il n’y a pas de règles, c’est l’histoire qui dicte ses exigences. Ainsi, dans mon premier roman, Mémoires de l’Homme-Eléphant, je voulais faire de John Merrick un détective dans le Londres victorien. Etant un monstre de foire, il ne pouvait se déplacer pour enquêter. Il dirige donc ses investigations depuis sa chambre d’hôpital, aidé par des informateurs, gosses des rues ou prostituées. Par contre, L’Ere du dragon décrit une guerre totale entre humains et créatures féeriques, qui s’étend à toute la planète. La forme du récit, et le style d’écriture, s’adaptent…

Allan : L’Ere du dragon (paru en Octobre 2003 aux éditions Mnémos) est la suite de La Ligue des Héros (Mnémos – 2002), récompensé par le prix Bob Morane 2003… Ce n’est pas le seul à avoir été primé puisque vous avez aussi obtenu le prix Gérardmer 2000 pour les Mémoires de l’Homme-Eléphant : ces récompenses ont-elles changé quelque chose dans votre façon d’écrire ?

Xavier : Honnêtement, non. Cela fait évidemment plaisir, mais l’on ne peut écrire en vue de récolter des prix. Et puis le livre vit sa vie, son accueil dépend uniquement des lecteurs.

Allan : Dans l’Ere du Dragon, les différents gouvernements sont contraints à lutter contre Peter Pan et ses alliés, qui sèment le chaos partout où ils passent alors que la Ligue des Héros cherche à sauver la planète : ce mélange d’histoire et de conte de fées a du nécessiter de nombreuses recherches, non ?

Xavier : C’est rien de le dire ! L’Ere du Dragon décrit une guerre totale qui s’étend à tout le XXe siècle. Soulèvement de Pékin, Révolution russe, bombe atomique, assassinat de Kennedy, il m’a fallu rassembler une importante documentation. De plus, les alliés de Peter Pan proviennent aussi bien de la fantasy (les fées, Alice au Pays des Merveilles qui joue un rôle important comme négatif de Peter) que des contes orientaux (Sindbad, les djinns qui vivent dans des lampes…) ou de la mythologie grecque et viking (les corbeaux d’Odin trahissant Peter Pan).

Allan : Comment définiriez vous votre Peter Pan puisque vous avez répondu à des lecteurs vous demandant pourquoi vous aviez rendu Peter Pan méchant, qu’il ne l’était pas…

Xavier : Je suis revenu à la source du personnage. C’est James Matthew Barrie, son créateur, qui a fait de Peter Pan un individu amoral et égocentrique. Ce que sont les enfants livrés à eux-mêmes.

De plus, j’ai voulu faire de Peter l’incarnation du dieu Pan, un enfant divin qui joue avec les milliards d’humains et leurs Etats comme s’il s’agissait de maisons de poupées.

Allan : L’Ere du Dragon peut se lire à plusieurs niveaux : et nous de nous demander comment vous avez pu faire pour faire un livre aussi passionnant avec autant de niveaux de lectures et aussi rigoureux ? Vous « forcez » vous à écrire un certain nombre de pages / chapitres par jour pour ne pas perdre le fil, créez vous une trame que vous vous efforcez de suivre ? Parce qu’avouez que l’on pourrait se perdre rapidement dans votre récit 😉

Xavier : J’ai l’histoire globale, le découpage en chapitres et j’écris dans l’ordre sans m’imposer de rythme. Un roman me prend en général 8 mois, de l’idée à la touche finale. L’important pour L’Ere du Dragon était de tenir ensemble le premier niveau (Les guerres, duels, aventures des héros) et la trame souterraine (conspirations, complots, révélations progressives). Si l’on en croit la réaction des lecteurs, je ne m’en suis pas trop mal tiré.

Allan : Les références que vous distillez tout au long de l’histoire ne sont pas forcément destinées à tous les publics… Comment conciliez vous les références à des inconnus des lecteurs et le fait que l’oeuvre soit destiné au large public ?

Xavier : Avant tout, les aventures de Lord Kraven sont un hommage à la littérature populaire et au cinéma. Certaines références sont claires (King Kong, Tarzan…), d’autres moins parce qu’elles sont hélas parfois oubliées (Les chasses du comte Zaroff, The Shadow…). Et puis je voulais remercier les gens qui m’ont aidé à écrire le roman. Mais je trouvais dommage de les reléguer à la traditionnelle dernière page des remerciements.

C’est pourquoi Stan Lee, Alan Moore et quelques personnes connues ou pas du grand public apparaissent dans le corps du récit, à la toute fin de l’histoire.

Allan : Bon je sais que la question vous a été posé plusieurs fois : n’envisagez vous vraiment pas de faire un troisième volet des aventures de Lord Kraven… A force, on va bien vous faire plier 😉

Xavier : C’est gentil, et j’apprécie beaucoup l’accueil fait par les lecteurs à Lord Kraven. D’une certaine façon, en voulant pasticher les héros, je me suis fait prendre à mon propre jeu ! Mais il n’y aura pas de troisième volet, sorry…Par contre, la véritable conclusion du cycle se trouve dans Raven.K., nouvelle écrite à l’occasion de l’anthologie Les ombres de Peter Pan (Mnémos). Rien que pour les textes de Fabrice Colin, David Calvo, Johan Heliot, Francis Berthelot etc. je conseille vivement ce recueil : un must !

Allan : Passons maintenant à la nouvelle parue dans Bifrost en début d’année, La Faim dans le monde : par rapport à votre roman, on ne peut pas dire que le sujet soit traité avec légèreté et humour : c’est un sujet qui vous tient particulièrement à coeur ?

Xavier : Le cannibalisme est toujours traité sur un mode négatif. Avec quelques raisons, je l’admets, mais il me semblait intéressant d’en parler autrement. La Faim du Monde décrit un rituel anthropophagique accompli par notre société, avec des moyens modernes, pour le bien de tous.

Allan : La description clinique de la préparation n’arrive pas à rendre la scène gore ni même repoussante… et pourtant !! Vous êtes vous documentés pour la réussir autant ?

Xavier : Je suis fasciné par les grands chefs cuisiniers et leur précision clinique. Ils dirigent leur équipe comme le font les chirurgiens. Cuisiner un homme au sein du Conseil de sécurité de l’Onu, en présence des diplomates, le tout retransmis par la télévision, me semblait être une image forte.

Allan : L’histoire est paradoxale : alors que le problème majeur de la planète est la nourriture dans votre récit, c’est l’inverse ; la cuisine est la garante de la paix dans le monde et le seul moyen d’éviter des conflits… De plus, c’est un sacrifice qui permet l’opération de la dernière chance : vous croyez qu’un homme peut changer le cours d’un conflit ?

Xavier : Nourriture et cuisine sont deux choses différentes. Manger est un besoin naturel, cuisiner est un acte culturel. Mais tous les hommes ont en commun de chercher à satisfaire leur faim, plusieurs fois par jour. Dans ma nouvelle, cet acte universel est source de rapprochement, comme une communion entre les hommes.

Allan : De quels écrivains contemporains vous sentez vous le plus proche et suivez vous les nouveaux auteurs qui arrivent dans les librairies, notamment ceux des éditions Mnemos ?

Xavier : Dernièrement, j’ai adoré Le Dernier magicien de Megan Lindholm (Mnémos). La Passerelle de Christopher Golden (Fleuve Noir) est un livre inégal, mais intéressant. Pareil pour La conspiration des Ténèbres de Théodore Rozcak (Le Cherche-Midi). Sinon, j’ai quelques projets avec mon ami Johan Heliot.

Allan : Et dans les mois à venir, que nous concoctez vous ?

Xavier : Une pièce radiophonique pour France-Culture, des nouvelles pour différentes anthologies et collection jeunesse, et surtout La Vénus anatomique, roman prévu pour octobre chez Mnémos. Très différent de Kraven, puisqu’il s’agira d’un récit d’aventures situé au XVIIIe siècle, une sorte de Barry Lindon biomécaniste qui reprend une problématique classique de la SF, celle du robot. En juin 2005 paraîtra Car je suis Légion (Mnémos), une uchronie ultra-violente qui se passe à Babylone en -600 avant J.C.

Allan : Qu’avez vous pensé de Fantastinet (si vous avez eu le temps d’y surfer un peu) ?

Xavier : J’y vais assez régulièrement, parce que les critiques sont faites par d’authentiques amateurs du genre.

Allan : Et le mot de la fin sera…

Xavier : Let’s rock !
Merci à vous,
Xavier


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