Nous souhaitions le faire depuis quelque temps et la réédition chez Helios de Dans les veines nous en a donné l’occasion: voici donc une interview de Morgane que nous remercions pour le temps qu’elle nous a accordé !
Bonjour Morgane, avant toute chose, Je suis ton ombre est ton deuxième roman après Dans les veines, pourrais-tu donc te présenter ainsi que ton parcours à nos visiteurs ?
Salut, je suis une punkette de 27 ans, j’ai fait des études de cinéma et d’édition, et actuellement je bosse en tant que traductrice. Dans les veines, je l’ai écris à 20 ans, et il est paru chez Mnémos en 2012. C’est mon petit bébé et je suis super fière qu’il ait été repris en poche chez Helios. Entre temps, j’ai publié un essai, Vampires & Bayous (qui parle d’Anne Rice, de Poppy Z Brite, et de True Blood entre autre et tente d’expliquer la migration du vampire moderne, des Carpates à la Louisiane) et une longue novella consacrée à ma Nouvelle-Orléans chérie et au vaudou, Les enfants de Samedi, dans l’anthologie Black Mambo, (avec Sophie Dabat et Vanessa Terral) parue au Chat Noir.
Avant de parler de ton dernier roman, je voulais revenir sur Dans les veines qui m’avait déjà marqué par sa dureté… Si on croit ce que tu nous en dis, les vampires ne seraient pas des « gentils » ?
A l’époque où j’ai écrit Dans les veines, on était en pleine folie Twilight, la bit-lit avait envahi le rayon imaginaire et la figure vampirique, aseptisée, en avait pris un sacré coup. J’avais du mal à encaisser que ce personnage, que j’avais aimé depuis l’enfance pour son ambiguïté et sa perversité, se retrouve à compter fleurette à une lycéenne ordinaire sans même une arrière-pensée…
Avec Dans les veines, j’ai repris tous les codes de la Bit-lit, mais j’ai confronté la lycéenne ordinaire avec le vampire que je connaissais, tel qu’il devrait être. Et mes goûts personnels allant vers le gore, la terreur et le splatterpunk, il se peut qu’il y ait quelques passages un peu « salés » pour un lecteur sensible. Mais pour moi, montrer cette violence était nécessaire, à partir du moment où tu écris sur un être gouverné par sa nature, qui est de tuer.
Ecrire sur les vampires n’est-il pas difficile à notre époque avec le mythe qui se retrouve coincé entre le Vampire violent tel qu’il peut exister dans le légendaire commun et le pétri d’amour à la Twillight ?
Oui, c’est dur de se renouveler. J’en suis extrêmement consciente, c’est pourquoi, au lieu de chercher à faire quelque chose de radicalement différent de mes prédécesseurs, j’ai cherché à leur rendre hommage (tout en apportant ma petite pierre à l’édifice). Dans les veines est ultra-référencé et joue sur les clichés du genre. Sa lecture peut se faire à plusieurs niveaux je pense, suivant si on est néophyte du vampire ou non. Mes personnages ont vu/lu/écouté les même films/livres/musiques que moi, et sont eux-même conscient d’être des archétypes, et réagissent en fonction. Le roman est un peu une porte ouverte sur l’histoire du vampire à travers les âges…
Pour Je suis ton ombre, je suis partie sur une histoire plus personnelle, plus tordue, beaucoup moins classique et codée, mais forcément, les ombres des Grands Maîtres continuent de planer sur le récit.
Lors de la lecture de Dans les Veines, j’ai eu un peu le même sentiment que celui que j’ai eu en lisant la trilogie de Guillermo Del Toro « La lignée » : comme s’il fallait réaffirmer la cruauté du vampire… Etait-ce une volonté de re-déshumaniser le vampire ?
Je ne pense pas que mes vampires soient totalement inhumains, dans le sens où j’ai énormément travaillé leurs psychologies. Ils sont ambigus, ne sont jamais fait d’un bloc. S’ils sont gouvernés par leurs instincts, leurs seules pensées ne sont pas « boire, tuer, manger » comme peuvent l’être celles des monstres de La Lignée, qui sont plus proches du zombie ou du contaminé finalement. Mes vampires sont humains dans leurs faiblesses, la jalousie et la haine qui les habite, et parfois un semblant d’amour, même s’ils le montrent à leur manière. Le plus jeune d’entre eux, le punk J.F, n’a, par exemple, quasiment pas changé à sa transformation, c’était déjà un sale type du temps de son humanité. Quant à l’enfant-vampire Gabriel, quand on découvre ce qu’il lui est arrivé dans Je suis ton ombre, on comprend mieux la perversité dont il fait preuve dans Dans les veines. Mes buveurs de sang n’ont juste pas les mêmes valeurs que l’Homme, ils n’obéissent pas aux mêmes lois. Ils n’ont pas de morale, ils s’en sont affranchie à partir du moment où ils ont choisi d’embrasser leur nature et de survivre en se repaissant de leurs semblables.
Un personnage rend ton récit d’autant plus « dur » ce qui permettra de faire la jonction en plus avec « Je suis ton ombre » : une petite fille se retrouve « vampirisée » et aura une sexualité… Tu ne te mets aucune limite, au risque de choquer ton lecteur ?
La petite fille avait déjà une sexualité avant d’être vampirisée, car elle était victime d’un pédophile. La transformation en vampire sera pour elle le moyen de se venger des outrages qu’elle a subi. Une revanche. La cruauté entraîne la cruauté.
Non, je ne me mets pas de limites, au contraire j’aime les repousser, jouer avec les émotions de mon lecteur. Moi c’est ce que j’aime quand je lis, qu’on me malmène un peu, qu’on me promène, qu’on me perde, qu’on me rattrape. Un bon livre, il vous fera passer par une palette d’émotions contradictoires, je pense. C’est ce que j’essaye de faire. De toucher, au plus profond, là où ça fait mal parfois.
Dans Je suis ton ombre, nous suivons le jeune Poil de Carotte qui est tout sauf un gentil gamin : je le trouve malsain, comment l’as-tu imaginé ?
Je n’ai pas eu à aller chercher bien loin. J’ai toujours trouvé les enfants cruels. Combien d’entre nous ont, petit, arraché des pattes aux mouches ou brûlé les fourmis à la loupe ? Combien ont tapé sur le petit gros au fond de la classe, se sont moqués, ou alors ont rêvé d’être un élève populaire ? Poil de Carotte est un peu une synthèse de tout ça. Mais je le trouve touchant néanmoins, à cause de tout ce par quoi il est passé. A sa place, qui aurait encore la notion de bien et de mal ?
La pression monte peu à peu, dans une tension marquée par des scènes très dures (comme celle du poney notamment) : n’as-tu pas peur d’offusquer définitivement une part du lectorat ?
Je pense qu’une bonne partie de mon lectorat recherche justement cette cruauté qui émaille mes œuvres. Offusquer les gens, je ne pense pas. Les déranger, peut-être. Mais c’est dur de choquer efficacement, et si j’y parviens, n’est-ce pas que, quelque part, j’ai bien fait mon travail ? Je devrais m’en réjouir. Ce n’est pas mon but, néanmoins. Les scènes dures participent à l’ambiance, et le roman serait moins bien sans, à mon sens. C’est avant tout un roman d’ambiance.
Je voudrais parler de ton teaser : une vraie réussite ! est-ce que ce type de publicité est devenue nécessaire ?
Merci ! Je ne saurais pas répondre. Je n’arrive pas bien à mesurer l’impact sur les ventes. J’ai fait ce teaser parce que je suis passionnées de cinéma, et que je voulais coller des images à mon roman, voilà tout. Et que je préfère mettre toutes les chances de mon coté pour faire connaître Je suis ton ombre.
Parlons maintenant futur : quels sont tes projets ?
Je suis en train de terminer un roman de littérature blanche, une romance tordue dans le milieu underground parisien, et j’ai commencé l’écriture d’un roman jeunesse, pour ne pas m’enfermer dans un seul genre et m’essayer à une prose plus soft.
Je te laisse un mot pour la fin :
Les gentils vampires n’existent pas !
6 réponses à “Interview de Morgane Caussarieu”
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