Réalisée par :mail
Date :décembre 2004
Lecture faite du très intéressant Les Compagnons dHeLa, jai souhaité interroger Manou sur son vécu pour la rédaction de son premier roman qui est une réussite…
Allan : Tout dabord acceptes-tu de te présenter à nos visiteurs ?
Manou : Le mot qui me qualifierait le mieux serait ” pluridisciplinaire “. Après des études de littérature anglaise, jai fait plein de choses dans ma vie qui peuvent paraître à certains comme sans rapport les unes avec les autres, mais qui ont lécrit comme fil conducteur. Jai été conceptrice-rédactrice pour la pub, journaliste dans la presse musicale, jai écrit et chanté dans un groupe puis, par la suite, je me suis lancée dans lécriture et la réalisation de courts-métrages. Je suis curieuse, passionnée et particulièrement perfectionniste.
Allan : Quel a été le parcours qui ta amené à te lancer dans lécriture dun roman fantastique ? As-tu des écrivains, des films qui tont influencé ?
Manou : Tout a commencé par une grande passion pour la philo et lHistoire. Jai toujours rechigné à lire des romans qui navaient pas de fond réel, leur préférant de loin des essais philosophiques. Lorsque jai découvert les écrivains victoriens, je me suis rendu compte que ceux-ci, sous couvert de faire du roman, exprimaient en fait leurs thèses et quelles navaient rien à envier à celles de philosophes tels que Voltaire, Sade ou Nietzsche. Déguiser une thèse philosophique en roman pour ne pas risquer les foudres dun pouvoir en place et dire tout de même ce qui pourrait lébranler, voilà une chose qui ma tout de suite séduite. Les auteurs du ” Gothic Novel ” (cest ainsi que lon appelait les écrivains fantastiques anglophones de lépoque) nont pas mâché leurs mots, si jose dire. Ils se sont attaqués aux fondements de la morale judéo-chrétienne et aux concepts mêmes de bien et de mal. Je partage leurs idées. Ma passion pour la vieille pierre et le romantisme noir a fini par parfaire le travail. Si lon ajoute à cela mes origines roumaines par mon père et leur lien plus quétroit avec le mythe du vampire, on comprend pourquoi je verse dans le fantastique !
Allan : Comment sest passé le contact avec les éditeurs ? Cela a-t-il été dur moralement pour toi ?
Manou : Très dur. La littérature fantastique est malmenée en France. Elle nest pas respectée et garde un statut de sous-genre. Jai bien essayé de proposer mon manuscrit à des maisons dédition ” généralistes “, mais celles-ci nont jamais daigné le lire sous prétexte que le mot ” vampire ” figurait dans le synopsis. Cétait très frustrant. Jai par ailleurs discuté avec beaucoup de gens qui travaillent dans lédition et jai constaté quils ignorent presque tous ce quest la littérature fantastique. Quand ils entendent ” vampire “, ils pensent tous à ” Dracula “, mais aucun na lu le livre. Ils en ont tous une vision kitch due aux multiples adaptations cinématographiques du roman de Stoker. Idem pour ” Docteur Jeckyl et Mister Hyde ” ; ils connaissent les films et la chanson de Gainsbourg, mais nont jamais lu une ligne de Stevenson. Comment leur expliquer, dans un pareil contexte, que Victor Hugo, Théophile Gautier et bien dautres écrivains français ont écrit du fantastique ? Je pense que léducation nationale y est pour beaucoup. Je nai jamais compris pourquoi javais étudié ” Bel ami ” de Maupassant sans que lon mapprenne jamais que ce même auteur avait par ailleurs écrit une myriade de récits fantastiques. Je crois que cette attitude envers le fantastique est purement française. Ce genre étant né en Angleterre et en Allemagne, anciens ennemis jurés, les Français lont peut-être inconsciemment rejeté. Finalement, jaurais mis six ans pour trouver un éditeur. Il ma fallu une patience et un acharnement terribles, mais jy suis parvenue.
Allan : Les Compagnons dHéla (paru aux Editions Nestiveqnen) traite dun thème assez classique de la littérature fantastique à savoir le vampirisme couplé ici à lalchimie
Quelle a été la genèse de ton uvre ?
Manou : Je crois avoir lu presque tout ce qui a été écrit autour du thème du vampire et je dois avouer être souvent restée sur ma faim. Jétais très critique et même agacée par la plupart des récits vampiriques contemporains qui se contentent de ressasser de vieux clichés et puisent constamment dans Stoker. Javais envie de me débarrasser des cercueils, des gousses dail, des remords cul-cul la praline du vampire ” ancien modèle ” et, surtout, des crucifix. Bien quun auteur comme Anne Rice avait déjà tenté laventure, je trouvais quelle navait pas suffisamment dépoussiéré le thème et quau final, ses vampires nétaient pas assez émancipés à mon goût. Ma démarche était très égoïste au départ, puisque jai voulu écrire le roman vampirique que jaurais aimé lire ! (rires). On nest jamais mieux servi que par soi-même ! (rires).
Allan : tu tes basée pour lhistoire sur des personnages ayant réellement existé cest-à-dire le Comte Cagliostro et le Comte de Saint Germain mais en leur prêtant une histoire différente : tu nas pas peur de te mettre à dos les lecteurs adeptes dexactitude historique ?
Manou : Absolument pas. Jai seulement fait une uchronie. Jaurais tout aussi bien pu écrire un roman ayant pour postulat ” Napoléon a gagné à Waterloo “. Les amoureux dHistoire sont en général de grands amateurs du genre, tant que lutilisation de luchronie reste évidente et quil est clair quil sagit là dune uvre de fiction. De plus, jai particulièrement soigné ce qui est flash-back et tout ce que jy relate est parfaitement exact. Jai hanté les bibliothèques et les archives, recoupé les informations, vérifié les sources dans leurs moindres détails. Cest seulement à partir de la mort de ces personnages que commence luchnonie. Je vois mal un historien venir me dire : ” Madame, les vampires nexistent pas ! “ puisque cest évident et que ni lui ni moi ne croit à leur existence.
Allan : Cagliostro est connu pour être un disciple du Comte de Saint Germain ce qui nest pas à proprement parler le cas dans ton livre puisque Cagliostro a plutôt souffert de lintérêt de Saint Germain
Entraînant un duel entre Alchimie et Vampirisme : deux images fortes de la Révolution ?
Manou : On a beaucoup dit dâneries, autant sur Saint-germain que sur Cagliostro. Jai beaucoup de mal à croire que ces deux personnages aient réellement été des illuminés ou de simples escrocs. Il plane un mystère épais autour deux et beaucoup dhistoriens émettent lhypothèse selon laquelle ils étaient tous deux agents secrets au service du roi de France. À en croire les documents darchive que jai pu compulser, cette hypothèse tiendrait debout car comment expliquer autrement que ces ” illuminés ” aient eu leurs entrées dans les appartements privés de la plupart des grands monarques. Je reste persuadée que le ” mystère ” qui les entoure a été fabriqué de toutes pièces par les principaux intéressés et ceux pour qui ils travaillaient. On a fait tomber Cagliostro pour protéger Rohan après le scandale du collier de la reine, tout comme on pourrait de nos jours faire porter le chapeau à un fonctionnaire du deuxième bureau pour protéger un homme politique. Secret détat
? La révolution nest pas loin, effectivement. Létat vampire ? Qui sait
(rires).
Allan : Les deux héros arrivent à séviter durant deux siècles, pour arriver à saffronter au final à notre époque : pourquoi avoir attendu si longtemps ?
Manou : Jai voulu écrire une fable psychanalytique partant de lanalogie inconscient-conscient/mortalité-immortalité. Dans mon roman, le personnage du Comte de Saint-germain est un névrosé obsessionnel qui vire au psychotique. Il refait irruption dans la vie de Cagliostro parce quil est parvenu au summum de sa ” maladie ” et que Cagliostro incarne son obsession, son échec. Un mortel lambda (et psychotique) peut prendre des dizaines dannées avant de ” péter les plombs “. Je me suis amusée à imaginer que cela prendrait des siècles à un immortel.
Allan : Le personnage de Roman (alias Cagliostro) est étrange : bien que très proche des humains quil refuse absolument de considérer comme denrée alimentaire, il laisse faire le Comte de Saint Germain mais aussi Lucio. Pourquoi ne pas lavoir posé comme un “défenseur” de lopprimé, rôle quon sattend pour une raison obscure quil enfile ?
Manou : Roman considère les mortels quil ne connaît pas comme des denrées alimentaires et comme des individus à partir du moment où ceux-ci sont ses amis. Mais il reste avant tout un prédateur. En tant que vampire, il ne peut pas se poser comme ” défenseur ” de lopprimé. Cela serait contre sa nature. Je ne voulais pas en faire un ” gentil ” au sens strict. Ce nétait pas mon propos. Il défend son territoire et ce à quoi il tient. Si je devais le comparer à un animal, je dirais que Roman est un félin ; tranquille et carnassier. Il ne faut pas sattendre à ce quun lion défende une antilope
(rires).
Allan : Au final, lhistoire ne se termine décidément pas comme on sy attend, tu as réussi à tricher pour nous offrir une fin disons surprenante
Tu lavais prévu dès le début ?
Manou : Je nai pas triché et je connaissais déjà la fin avant davoir écrit le début. Cette fin est un clin dil au mythe ancestral du vampire, mais vous en donner le détail ici serait dommage, car cela fournirait trop dindices à de futurs lecteurs. Je nen dirai donc pas plus.
Allan : Ce que jai apprécié dans ton écrit, cest la profondeur que tu as donnée à tes personnages et une telle maîtrise signifie probablement beaucoup de travail : combien de temps ta pris lécriture des Compagnons dHela ?
Manou : Jai mis trois ans pour lécrire, mais dune façon disons très ” dilettante “. Je ne suis pas le genre décrivain qui sassied tous les jours à sa table de travail et écrit durant des heures. Je fonctionne par crises. Je suis capable de ne pas écrire une ligne pendant deux mois et de me réveiller subitement pour écrire deux nuits de suite sans marrêter. Jécris très vite, mais je réfléchis très longtemps avant de me lancer. Je hais les brouillons depuis toujours, alors je nen fais pas. Mes brouillons restent dans ma tête et je me rue sur mon ordinateur lorsque je sais clairement ce que je compte écrire.
Allan : Quas-tu demandé au Père Noël et Quels sont tes projets pour 2005 ?
Manou : Je vais vous décevoir, mais je nai rien demandé en rapport avec ce pour quoi vous minterviewez aujourdhui
Je suis une fervente aquariophile et jai demandé au père Noël de quoi rendre heureux mes poissons amazoniens ! (rires). En 2005, je compte prendre contact avec des maisons de production pour leur proposer une adaptation des ” Compagnons dHeLa “. Je vais tenter le coup en France et si je ny parviens pas, je me tournerai vers létranger. Je suis dailleurs en train de traduire mon roman en anglais avec laide du sculpteur et poète américain Ryan Wildstar.
Allan : Si tu as eu le temps de visiter notre site, quen as-tu pensé ?
Manou : Il est très bien documenté et la rédaction est sérieuse. Du bon travail de professionnel.
Allan : Le mot de la fin sera
Manou : Jespère que Les Compagnons dHeLa” sauront séduire les lecteurs car un roman ne prend vie que lorsquil est lu. Les personnages qui dormaient jusqualors sur le papier deviennent de chair et dos, ils évoluent et peuplent les esprits. Cest ce que je souhaite à mon héros car, avec le temps, il est devenu mon meilleur ami.