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Interview : Patrick Senécal

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Les éditions Bragelonne lancent une nouvelle collection Horreur avec Sur Le Seuil de Patrick Senécal, une bonne occasion pour nous de faire un voyage outre atlantique pour rencontrer virtuellement l’auteur

Allan : Patrick bonjour. Première question rituelle mais ô combien importante pour voir l’homme qui se cache derrière l’écrivain… Peux-tu nous parler un peu de toi ?

Patrick : Hé bien, je suis né en 1967 à Drummondville, une petite ville tranquille du Québec, à environ 100 km de Montréal. J’ai étudié à l’université en littératures et en cinéma. J’ai enseigné pendant une dizaine d’années à temps plein. Maintenant, depuis trois ans, j’ai la chance de vivre de mon écriture, alors je n’enseigne qu’à temps (très) partiel. J’ai une amoureuse, Sophie, depuis dix ans et deux enfants, Romy (six ans) et Nathan (huit ans).

Allan : Particularité de cet ouvrage, il lance une nouvelle collection chez Bragelonne : n’en retires- tu pas une certaine fierté ?

Patrick : Plutôt, oui ! Un Québécois qui ouvre une collection française, c’est flatteur ! En tout cas, ça montre une ouverture de la part de Bragelonne sur la littérature fantastique de chez nous, ce qui n’est pas, hélas ! le cas de la majorité des éditeurs…

Allan : La lecture du récit m’a troublé à certains moments par l’utilisation d’expressions ou de tournures québécoises… Penses-tu qu’il aurait été préférable de faire une « traduction » ?

Patrick : Au départ, Bragelonne voulait qu’on adapte beaucoup d’expressions québécoises. Je n’étais pas très chaud à l’idée, mais j’étais prêt à faire quelques concessions. Finalement, cela s’avérait si compliqué qu’on a décidé de presque tout garder tel quel. Je suis convaincu que les Français peuvent s’y retrouver. Ca fait partie aussi du plaisir de lire un auteur étranger. Il y a un auteur, chez vous, Fred Vargas, qui a écrit un livre qui se passe au Québec et elle a tenté de faire parler ses personnages comme des Québécois. Elle s’est fourré un doigt dans l’Œil, je vous jure. Nous, ici, on lit son livre et on n’y reconnaît absolument rien de québécois !!! Avec mon roman, au moins, les lecteurs auront du « parler Québec » authentique ! 

Allan : D’un autre côté, cela nous permet de découvrir certaines caractéristiques linguistiques que nous ne suspections pas 😉 »

Patrick : Exactement !

Allan : Parlons maintenant de l’histoire : quel rythme, quel suspens ! Je suppose qu’on a déjà comparé tes écrits à ceux d’autres auteurs… Quelle a été la comparaison que tu as trouvé la plus agréable ?

Patrick : Au Québec, on m’a longtemps comparé à Stephen King. Je peux comprendre pourquoi, surtout en ce qui à trait à mes premiers romans (dont Sur le Seuil). Mais je crois que cette comparaison tient de moins en moins la route. En fait, maintenant, ici, on ne me compare plus à personne : j’ai imposé ma voix ! 😉

Allan : Ce qui est appréciable dans Sur le Seuil est au final l’inexistence d’une totale explication alors que d’aucun se serait acharné à justement fournir au lecteur toutes les réponses… Ca ne t’a pas démangé quand même ?

Patrick : Mais il n’était pas question que j’explique !!! En fait, on sait que c’est le Mal, mais tu m’imagines en train d’expliquer ce qu’est le Mal ? Quelle prétention ! Tous ceux qui ont essayé de le faire se sont souvent cassé la gueule ! Et puis, quand on comprend trop quelque chose, ça fait moins peur. L’inconnu est toujours plus terrifiant que le connu. En plus, j’ai un petit plaisir masochiste à laisser mon lecteur avec quelques frustrations… 

Allan : Nous trouvons dans le récit des oppositions de thème ou de caractère des personnages : la Science et la Religion, le vieux psychiatre blasé et la jeune psychiatre qui y croit encore… Des personnalités – au départ – si tranchées sont-elles indispensables à la mise en place de l’ambiance ?

Patrick : Indispensable, je ne sais pas… Moi, ce qui m’intéressait, c’était de démontrer qu’une notion aussi ancienne que le Mal demeurait un parfait mystère autant devant la science que devant la religion. En fait, dans le roman, la religion (qui a toujours cru avoir réponse à tout) admet être dépassée, et la science (qui ne croit qu’au rationnel) accepte d’envisager l’inexplicable. Quand aux deux personnages de psychiatres, ils ne sont pas si différents. Paul a sûrement déjà été comme Jeanne, plus jeune. Mais il a rencontré, comme nombre de personnes, tant de désillusions… Il est devenu cynique, oui, mais en même temps très paternaliste vis-à-vis Jeanne (pour moi, il n’était pas question qu’ils tombent en amour !) car il se sent nostalgique vis-à-vis de l’enthousiasme de sa collègue.

Allan : Le suspens se fait de plus en plus présent et nous glissons petit à petit dans l’horreur. Est-ce une façon de prévenir ton lecteur de l’apothéose finale, pour dire « attention, on ne rigole plus » ?

Patrick : Nous suivons la même courbe psychologique que Paul. Paul veut tout rationaliser, mais à un moment, il ne peut plus. Il n’a plus le choix de s’ouvrir à autre chose. Le lecteur fait de même. Quant aux scènes d’horreur qui apparaissent peu à peu, elles servent surtout à montrer des chocs psychologiques. Pour moi, la violence est toujours un excellent moyen d’illustrer un désordre mental ou un choc psychologique. C’est un moyen tangible d’illustrer un état émotif. En même temps, il n’y a aucune preuve irréfutable que tout cela soit vraiment du surnaturel. A la limite, la fin pourrait s’expliquer par une vaste hystérie collective. Nous savons, bien sûr, que le surnaturel a joué, mais nous n’en avons aucune preuve ! Ca, c’est terrifiant ! Si j’avais fait apparaître le diable ou quelque chose du genre, le doute aurait disparu et, donc, le malaise.

Allan : J’ai cru voir une référence à un autre auteur fantastique québécois… mais peut-être le nom de Bolduc n’est-il qu’une coïncidence ?

Patrick : Ah ! C’est une coïncidence! Bolduc est un nom commun ici, au Québec… Mais j’avoue que l’allusion est amusante ! Surtout que je connais Claude ! Je vais lui en parler, tiens !

Allan : Alors, que le livre soit adapté au cinéma, ça aussi ça doit faire son effet ?

Patrick : Evidemment ! C’est le fantasme de bien des écrivains ! Un film donne une telle visibilité pour un auteur ! Mais comme je suis paranoïaque et que je sais que le cinéma peut tout gâcher, je tenais à participer à la scénarisation. L’expérience a été très intéressante, au point que je travaille ne ce moment sur l’adaptation de d’autres de mes romans pour le cinéma.

Allan : Quand sortira à ton avis l’adaptation par Miramax ?

Patrick : Ho-la-la ! Je n’en sais rien ! Peut-être jamais ! Au cinéma, rien n’est certain tant que le film n’a pas commencé sa première journée de tournage, et encore ! Ca peut prendre six mois… comme deux ans !!!

Allan : Ton livre est majoritairement classé en thriller : bien qu’il ne s’agisse que d’étiquette, ce choix te convient-il ?

Patrick : Je n’aime pas tellement les étiquettes, mais je comprends qu’il en faille pour diriger les gens. Thriller, ça me va. Mieux, en tout cas, que « roman d’horreur », qui signifie tout, rien et n’importe quoi. Mais on devrait préciser : thriller fantastique, car certaines personnes aiment les thrillers réalistes, ce qui n’est pas le cas de Sur le Seuil. En général, quand on me demande quels genres de romans j’écris, je réponds : des romans noirs. La noirceur humaine revient dans tous mes livres.

Allan : Tu as un site internet : le gères-tu toi-même ou as-tu délégué ?

Patrick : Non, c’est une de mes anciennes étudiantes, Karine Davidson-Tremblay, qui s’en charge ! Elle est vraiment géniale !

Allan : As-tu d’autres projets en cours ?

Patrick : Mon Dieu, plein ! Je travaille sur trois adaptations de mes romans en films et j’essaie de terminer mon prochain roman, qui sortira au printemps.

Allan : Que peut-on te souhaiter ?

Patrick : Comme tout le monde : le bonheur, la liberté, l’accomplissement de soi. En fait, je ne me souhaite pas grand-chose car je suis comblé. Je souhaite surtout à cette foutue planète complètement cinglée de changer rapidement, parce que, merde ! c’est vraiment déprimant !

Allan : Le mot de la fin sera :

Patrick : Attention, la France, un grand frisson québécois s’en vient ! 🙂


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