Service de Presse
J’étais passé à côté du recueil de nouvelles Lapin maudit, aussi publié aux éditions Rivages et qui avait fait sensation. L’occasion de ne pas reproduire la même erreur avec ce deuxième recueil de l’autrice coréenne, sous forme de fix-up, qui nous plongera dans un étrange établissement.
Chacune des histoires est racontée par une ancienne, aveugle, qui semble connaître sur le bout des doigts ce laboratoire. Les conseils qu’elle prodigue, en plus de raconter des histoires sur les anciens et anciennes gardiennes, rendent le lieu encore plus lugubre…
Ronde de nuit et thérapie de conversion…
La première nouvelle nous plonge tout de suite dans l’ambiance… Suk travaille dans le Centre de Recherche et cherchait à rentrer chez elle lorsqu’elle tombe sur un homme qui lui interdit le passage. C’est ainsi que nous faisons la connaissance de l’ancienne, qui raconte de quelle façon la mère de famille a fait face à d’étranges événements. Ces phénomènes ne sont pas marginaux et si le lancement du récit se fait de façon anecdotique, le coeur de l’histoire de Ronde de nuit est celle de Chan.
Le jeune homme a un traitement pour ses hallucinations. En plus de cela, il doit faire face à ses attirances sexuelles, jugées « particulière » pour la société coréenne. Emmené dans une communauté religieuse qui ne fera rien de moins que de la thérapie de conversion, il y rencontrera Gak.
Toute cette histoire remonte alors qu’il rejoint le parking, après sa ronde de nuit et qu’il y vivra une aventure étonnante.
Une histoire qui questionnera sur le poids de la société et la « norme » imposée aux différents habitants. Le vécu du jeune homme montre une société qui refuse la différence… Quelles qu’en soit les conséquences.
Le mouchoir ou l’appât du gain sans limite…
L’enchaînement sur la deuxième nouvelle (et la première histoire réelle du point de vue de la narration) est une histoire de famille. La mère d’une adelphie de 5 enfants, deux garçons et trois filles, a beaucoup plus de proximité avec le cadet male qu’avec l’aîné. Cette situation est très particulière au sein de la société coréenne.
Cette préférence va la conduire à le gâter bien au-delà du raisonnable et va conduire à une fracture au sein de la famille. Sans aucune activité réelle, il sera financé entièrement par le fruit du travail de ses autres frères et sœurs…
Mais quand arrivera la mort de sa mère, et malgré un héritage qui lui est grandement favorable, le cadet se focalisera sur un mouchoir. Cette convoitise extrême va l’emmener sur un terrain très glissant…
Cette nouvelle est plutôt effrayante avec ce glissement progressif du fils cadet dans une forme de démence. La volonté de tout accaparer, mais aussi la construction même de la famille est mise en lumière dans cette nouvelle. On y perçoit déjà la place (limitée) des femmes dans cet adelphie.
Mouton maudit ou le buzz assuré….
DSP est un influenceur. Il a entendu parler de cet étrange lieu et ne rêve que de pouvoir faire le buzz. Alors le voici à se faire recruter comme gardien de nuit. Comme les autres protagonistes, il se retrouvera face à cet homme banal qui lui demande de faire demi-tour. Bravant l’interdit, il pénètrera dans une des pièces et y trouvera une étrange basket.
Voulant s’assurer les meilleures audiences, il vole l’objet et espère ainsi pouvoir déclencher… quoi qu’il puisse déclencher. Mais rien de bien sérieux ne se passe, si ce n’est des objets qui s’orientent tous dans la même direction.
Sentant que quelque chose ne tourne pas rond, il décidera de ramener l’objet… Mais n’est-ce pas trop tard ?
En dépit de quoi, le mouton ne cherchait pas à se venger, pas plus qu’il ne maudissait ses bourreaux. Il voulait juste être délivré de ses douleurs. C’était son seul désir, ne plus souffrir, paître tranquillement, ruminer en paix. La directrice adjointe, emplie de compassion, se faisait la réflexion que tout cela était finaleemnt assez proche des espoirs humains.
Cette nouvelle m’a particulièrement marquée et je l’ai trouvé très bien construire. On sent que quelque chose de surprenant est en train de se dérouler sous nos yeux mais difficile de savoir quoi. La construction de la nouvelle, l’apparition des moutons et tout le déroulé sont savoureux…et terriblement effrayant !
Le silence de l’agneau ou la possession animale…
La directrice adjointe du centre de recherche à sa propre histoire, qui l’a conduite notamment à perdre l’usage d’une partie de sa main à l’usine. Comme un malheur n’arrive jamais seul, c’est le moment où son mari devient accroc aux jeux en ligne. Le divorce reste donc la dernière option pour elle. Mais l’inquiétude continue à peser sur son avenir et celui de sa fille. Sa rencontre avec des moutons « opérés » changera pas mal de choses….
Nous rentrons ici un peu plus dans la culture coréenne et notamment le poids familial pour les femmes. Cette nouvelle est déstabilisante, déjà parce qu’il est surprenant d’axer une possession sur un agneau. Ensuite parce que toute l’ambiance de cette nouvelle est réellement étrange et nous permet d’en apprendre plus sur la directrice adjointe…
Oiseau bleu et chat innocent
La découverte d’un livre permettra au veilleur de découvrir une nouvelle histoire dans Oiseau Bleu. Celle d’une femme qui doit fuir avec son enfant. Une seule option pour qu’il survive : l’abandonner. Alors que la femme arrive à partir, les soldats trouvent le bébé mais décide de le laisser mourir tout seul dans les bois. Comme souvent dans ce genre de conte, une famille pauvre élèvera l’enfant.
Antépenultième nouvelle de ce recueil, Pourquoi le chat ? est celle que j’ai le plus appréciée. On y apprend l’histoire de cet homme qui entretenait une liaison avec la femme de son ami. suite au décès de ce dernier. Je vous laisse découvrir cette histoire savoureuse d’une histoire relativement banale finalement.
La conclusion de ce recueil sera un bain de soleil où les différents objets du Centre de Recherche prennent un peu l’air.
Un recueil de nouvelle plutôt sympathique à consommer sans modération.
Editions Rivage (Janvier 2025) – Collection Imaginaire – 174 pages – 19,50 € – 97827436662448
Traduction : Kyungran Choi et Pierre Bisiou (Coréen)
Titre Original (anglais) : The Midnight Timetable (2023)
Couverture : Silence de Cate Rangel
Une gardienne de nuit raconte ses rondes dans les couloirs d’un étrange institut de recherche où sont conservées des objets paranormaux. Chaque laboratoire recèle un mystère : un mouchoir brodé d’un oiseau bleu narrant une tragédie familiale, des baskets hantées par un mouton aux pouvoirs surnaturels, un livre relatant les légendes d’un royaume disparu, ou encore un chat qui demande : « Mais pourquoi m’a-t-il tué ? ». A travers ces récits de malédiction et de vengeance, Bora Chung dénonce les horreurs bien réelles de notre époque et porte un regard bienveillant sur les minorités et les animaux.
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