Pour la cinquième fois, la Médiathèque de l’Espal au Mans a organisé la rencontre Passerelles : Au-delà des genres animée par Fantastinet.
Le thème de cette année était une « Fantasy à la française » et pour l’occasion, Justine Niogret et Antoine Rouaud ont été invités pour discuter avec une vingtaine de lecteurs venus tout spécialement pour l’occasion.
Malgré la forte hausse, année après année, de la qualité et de la production de fantasy, couplée à un réel engouement des jeunes vis-à-vis de ces genres, notamment depuis les succès de titres comme Harry Potter ou encore Twillight, la fantasy reste malheureusement trop souvent cataloguée comme une littérature de gare mais on sent qu’elle commence à prendre peu à peu ses lettres de noblesse.
Si on remarque une multiplication des auteurs, la segmentation du genre (que ce soit au travers des « âges » – jeunesse, Young Adult et adult ou des « sous-genres »), et une présence plus marquée en librairie, les titres ne sont pas forcément suffisamment mis en valeur.
Des échanges que nous avons pu avoir, il apparait que les auteurs français de SFFF s’imposent par un style de qualité, du fait même du poids culturel là où des auteurs anglo-saxons, généralement, privilégieront d’avantage l’efficacité. La langue française en elle-même, de par sa richesse, contribue à cela. D’ailleurs, lors de la traduction d’un roman en langue anglaise, il ne faut pas oublier que le style du traducteur ressort aussi dans sa traduction. Justine, qui est aussi traductrice, expliquait que l’idéal serait d’avoir un traducteur au style proche de l’auteur pour la traduction.
Il est connu que la traduction d’un livre anglo-saxon génère environ 25% de caractères de plus que sa version originale, pour préciser parfois le texte anglais… Antoine soulignait qu’il y a eu ce même besoin à l’inverse pour son roman et qu’il a trouvé quelques phrases en plus pour que le lecteur anglais puisse comprendre.
Nous n’avons pu que faire le constat que les auteurs français sont peu traduits (Nous avons identifiés Le Secret de Ji Pierre Grimbert, les lames du Cardinal de Pierre Pevel et La voie de la colère d’Antoine Rouaud). Les discussions ont montré que cela n’est pas forcément au fait que la fantasy française ne pourrait pas se vendre à l’étranger mais plutôt que les moyens ne sont pas les mêmes : les auteurs américains ont par exemple des agents là où les français travaillent directement avec les éditeurs, les premiers chapitres ne sont pas forcément traduits par les éditeurs (cette tendance change) pour « attirer » l’éditeur étranger, …
Un autre élément souligné par Antoine est peut-être que les auteurs français mettent moins de fun, et osent moins que leurs compatriotes. Pour les auteurs, l’écriture est un investissement, c’est du temps et contrairement aux légendes urbaines qui pourraient circuler, rares sont les auteurs pouvant se prévaloir de vivre de leur plume.
La fantasy à la française est le « parent pauvre » de l’Edition française, de par le peu de moyens mis en œuvre : l’auteur écrit son livre puis le livre fait son chemin, touchant son public ou non. Les éditeurs de fantasy ne font pas encore autant de marketing que les éditeurs américain par exemple : de ce fait, les romans américains bénéficient d’une visibilité internationale plus grande.
Nous nous sommes aussi intéressés bien entendu aux auteurs, à ce qui les motive, les intéresse. Nous avons de la chance : Justine et Antoine ont pour point commun la fantasy mais ils la voient tous les deux d’une façon très différente !
Justine Niogret
Il faut une bonne histoire, avec un rapport historique, ses romans sont très appuyés sur le Moyen-Âge (Chien du Heaume), période qui la fascine ou bien sur la Bretagne où elle a vécu 15 ans (Mordred).
Comme pour son collègue du jour, elle n’écrit pas pour plaire à ses lecteurs, elle écrit d’abord pour elle-même et n’a pas de contrôle lors de l’écriture : une fois créé, le livre fait sa vie, il est interprété et lu de différentes façons selon le lecteur. Il y a certes des messages inconscients, de part le vécu de l’auteur, des références au monde moderne, mais son but est d’essayer de coller au mieux à l’histoire.
Bien sûr les lecteurs ont des références liées au cinéma, aux jeux vidéos. Il y a tout un public qui veut du ‘Mc-Do’, une littérature à consommer tout de suite.
Antoine Rouaud
Le tout c’est de trouver le juste milieu dans l’écriture, l’efficacité de la phrase. Le style ne doit pas être opposé à l’efficacité.
Son roman ne prend pas pied dans l’Histoire, elle se retrouve donc intemporelle avec des thématiques qui parlent aux lecteurs.
Antoine se sait très attendu sur son deuxième tome, qui doit être l’axe de la trilogie. Il recherche avant tout la crédibilité de ses personnages pour permettre au lecteur de s’accrocher à sa lecture.
Pourquoi ont-ils choisi d’écrire de la fantasy ?
Justine nous explique ne pas avoir écrit 2 romans de fantasy mais deux histoires qui ont été édités par des éditeurs de l’imaginaire. Elle souhaite faire aussi de la SF pour ne pas être enfermée dans ce genre littéraire et pourquoi pas de la littérature blanche ou historique.
Antoine est attiré aussi par la SF, les polars, les spaces Opéra, il se trouve juste que le 1er roman qu’il a voulu présenter est de la fantasy ! Peu importe le genre, l’important c’est l’histoire, on juge un écrivain sur la durée, il faut faire attention de ne pas s’enfermer dans un genre.
Une nouvelle fois, nous avons donc pu bénéficier d’un échange riche, avec des auteurs qui se sont révélés très complémentaires et un public très actif.
Cela donne bien entendu envie d’organiser une 6ème rencontre.
Une réponse à “Passerelles 2014 avec Justine Niogret et Antoine Rouaud”
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